Le hasard fait bien les choses

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Lefrançois leva les bras au-dessus de sa tête et recula de trois pas.

- Calme-toi, Julio. À moins que tu préfères que je t'appelle Tigré ?

- Ferme ta gueule et dégage ! J'ai pas envie de négocier.

- Moi non plus. Alors on va faire ça comme des grands. Tu vas baisser ton arme calmement et on va se parler.

Tigré respirait rapidement. Il se savait piégé. Si ça trouve, il a déjà averti la cavalerie et ils allaient l'entourer d'ici une dizaine de minutes. C'est pourquoi il se dit qu'il devait tenter sa chance au moins une fois avant d'abandonner la partie.

« Je ne voudrais surtout pas que ta mère apprenne que t'es fait descendre par la SQ au milieu d'un petit village loin de Montréal. Elle va avoir tellement honte de son beau Julio. Dépose ton arme et éloigne-toi de madame Lavoie. Tu lui as assez causé de problème comme ça. »

- Je t'ai dit que je ne veux pas négocier. Je veux juste partir d'ici avec la dame.

- Tu sais très bien que même si te laisse partir, tu vas avoir un cortège de policier à tes trousses dans une vingtaine de minutes. C'est sans compter un barrage routier et peut-être un hélicoptère pour te trouver si jamais il te prenait des envies de t'enfuir par la forêt. Et puis, dis-moi, Julio, tu vas faire quoi si je m'approche ? La tirer ? Me tirer ? As-tu déjà tué quelqu'un, Julio ? Ton patron, Alphonso, il a un peu plus d'expérience que toi. Et s'il apprend que tu as tué une femme âgée de sang-froid pour une stupide histoire de délation, il ne sera pas très content. Il pourrait envoyer quelqu'un te faire la peau en prison. Genre te trancher la gorge. Penses-y un petit peu, Julio. Je ne bouge pas d'ici.

- Tu me racontes des histoires, maudit menteur. Tu essaies de me faire peur, mais ça ne marchera pas. Il n'y a pas une armée de policiers dans ce coin perdu qui sent le fumier. Ça va prendre des heures pour rassembler ton troupeau de bœufs. Si je pars maintenant, je vais avoir une bonne longueur d'avance sur vous tous.

Il pointa son arme sur le policier qui avait toujours les bras en l'air.

- Vas-y tire. Tu sais ce que les gars font en dedans aux lâches qui prennent une vieille femme en otage et qui tue un policier ? Ils ne te tueront pas. En tout cas, pas trop vite. Et là, tu vas t'ennuyer de ta douce maman. C'est Rosita Jimenez, son nom, si je ne me trompe pas, si ?

Tigré cligna des yeux. Il transpirait abondamment. Tout allait trop vite dans sa tête. Ce que lui disait le policier était sûrement à moitié vrai. Mais, il ne voulait pas apporter davantage de honte sur sa famille. Déjà que son rôle de bras droit d'Alphonso l'avait éloigné de son père qui ne désirait plus lui parler. Sa mère, quant à elle, laissait toujours parler son cœur, mais chaque visite à la maison se terminait en pleurs incessants, comme s'il était déjà mort à ses yeux.

Il prit une profonde respiration et jeta un coup d'œil à Bérengère qui pleurait en silence les yeux fermés. Il eut soudain honte de ses gestes, comme s'il venait d'en réaliser la portée.

Bien sûr, Alphonso allait être furieux. Mais, il le serait en plus plus s'il en venait à tuer un agent de police ou une vieille femme.

Il leva les mains doucement au-dessus de sa tête.

- OK, tu as raison. Je me rends. Cool man !

Lefrançois lui demanda de déposer son arme et de mettre ses mains derrière la tête. Il exigea qu'il recule de trois ou quatre pas et de s'asseoir, les jambes croisées, afin de l'empêcher de s'enfuir en courant.

Tigré descendit sa main droite et posa le Baretta sur le capot. Il recula et s'assit sans prononcer une seule parole.

Lefrançois dégaina son arme et s'approcha de lui, pointant le revolver sur le suspect. Il demanda à Bérengère de rester assise, le temps qu'il passe les menottes à Tigré.

Le silence des blés d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant