Pour elle

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M.Sullivan serre les dents, des larmes pleins les yeux, la respiration difficile.

Nous sommes sur les lieux de l'accident. Les policiers sont sur le pont et les pompiers sont en bas.

L'accident volontaire de Marnie.

Un acte du chaos.

- J'ai échoué en tant que professeur, en tant que conseiller.

Je pleure en silence en secouant la tête.

- Nous avons tous échoué, y compris elle.

Je ne la connaissais pas assez pour qu'elle soit mon amie, mais elle et moi étions pareilles. Nous étions toutes les deux des persécutées. Nous étions toutes les deux à l'écart. Désespérées de ressentir une connexion.

- Ma décision est prise.

M. Sullivan tourne la tête vers moi sans comprendre.

- Dorénavant, je ne serais plus une victime, je déclare.

- C'est un bon choix, approuve-t-il.

Il ne m'a pas lâché la main jusqu'à ce que mon oncle nous rejoigne, vêtu de son uniforme de shérif. Ses doigts, sa chaleur, partis en fumée. Et j'ai compris lorsqu'il a fait un pas sur le côté pour mettre de la distance entre nous.

Ce contact est inapproprié. Même dans cette situation.

Les bras de mon oncle m'entourent et sa peine est palpable. Mon nez dans son torse, j'inspire un grand coup avant de bloquer ma respiration, car tout remonte une fois à la surface.

- Est-ce que ça va ?

- Hm.

Son étreinte se resserre.

- De toutes les personnes, il a fallu que tu assistes à ça...

Les flocons tombent sur mes joues et mes larmes les rejoignent pour couler.

- Hm.

Ma voix est tremblante. Mes réponses sont des sanglots.

Passant mes bras autour de lui, je tends la main vers M. Sullivan. Il la fixe, interdit et crispé. Je le supplie du regard. Sa main se soulève et son index touche le mien avant que mon oncle se redresse et s'écarte pour me tenir à bout de bras.

- Je te raccompagne.

Je hoche la tête et alors qu'il m'emporte au loin tout en saluant poliment mon professeur, je me retourne vers ce dernier.

Je le surprends le menton baissé à se tenir la main qui m'a touché avant de la serrer en un poing. Une expression indéchiffrable sur son beau visage qui m'a fait frémir sans que je n'en comprenne la raison.

J'étais plongée dans ce souvenir quand les filles viennent me trouver pour une de leurs séances préférées, je ne fuis pas. Je les attendais même.

Et je me dirige sans hésitation vers Caleb qui fume appuyé sur sa moto entouré de son gang. Derek se lève, aussitôt sur ses gardes et retient Ricky de se jeter sur moi. Je me concentre uniquement sur Caleb.

- Si tu m'en dois vraiment une, débarrasse-moi d'elles une bonne fois pour toutes.

Je lui désigne le groupe derrière moi qui m'a suivi jusqu'ici avec ténacité. Elles affichent des expressions blêmes tandis qu'il les reluque de la tête aux pieds d'un regard menaçant.

- Je commence par laquelle ?leur demande-t-il.

Elles déguerpissent aussitôt. Je sais qu'elles méritent bien pire après tous les sévices qu'elles ont fait subir à Marnie et moi. Au nom de cette dernière, j'aimerai entamer une vengeance contre chacune d'elle mais si je m'engage dans ce chemin, je me perdrais moi-même en cours de route et je risque de commettre l'irréparable. A mes yeux, elles ne valent plus rien.

Je me retourne vers Caleb pour le remercier mais il me coupe.

- Je ne connaissais pas son prénom.

- Qui ?

Son regard dur se plante dans le mien.

- Marnie. Elle ne me l'avait jamais dit. Tout le monde l'appelait la Balafrée.

Dès qu'il prononce son prénom, j'ai un pincement au cœur. Son surnom me révolte toujours autant. Il fait référence au moment où je me suis jetée sur lui lorsque j'ai cru qu'il faisait semblant de ne pas la connaître. Je hoche la tête.

- Désolée de t'avoir mis ça sur le dos.

Il me dévisage longuement et je me sens nue sous son regard pénétrant.

- Attendre le pardon des morts est une attente inutile. Marnie porte seule la responsabilité de sa mort alors évite de t'en faire un fardeau. Si tu le fais, c'est comme si tu la considérais comme un boulet à ta cheville et il n'y a pas plus irrespectueux pour elle.

Il me dit ça comme s'il était déjà passé par là. Comme s'il reconnaissait par cœur cette lueur torturée qui brille constamment dans mes yeux.

Son tatouage, Memento Mori, semble caché un sens plus profond que je ne pensais.

Agapè (Sweet Lessons)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant