Une fleur fanée

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Il ne vient plus dans notre jardin secret.

Cela fait une semaine.

Je ne le vois plus en-dehors des cours.

Mais où fume-t-il ses maudites cigarettes alors ?

Dans le couloir bondé d'élèves, je farfouille mon casier pour prendre les manuels pour les prochains cours quand j'entends le nom de Sullivan. Je me fige derrière la porte ouverte de mon casier en épiant la conversation des filles de l'autre côté.

- Il a fait pleurer une fille.

- Qui ?!

- Denisa. Parce qu'il l'a grillée à sécher les cours.

- La pauvre. J'imaginais pas ça de Sullivan! C'est le prof le plus sympa de l'école.

- Et le plus beau aussi !

- En plus il est célibataire.

- Tu crois qu'il est gay ?

- Ce serait une perte malheureuse pour la gente féminine hétéro.

- Tu m'étonnes !

Elles s'éloignent en continuant à discuter d'un ton plus léger.

A première vue, M. Sullivan a l'air candide, pas malin, tête dans les nuages. Toujours très poli, très souriant, très calme. Il est dur en réalité et il peut être diabolique mais j'ai du mal à le voir dans le méchant rôle.

En parlant du Grand Gentil Loup, je le vois qui passe à ma hauteur sans me voir d'un pas pressé.

- M. Sullivan !je l'appelle en le repérant.

Malgré le brouhaha, les casiers qui claquent, les éclats de rire, il entend ma voix.

Mais il ne s'arrête pas.

Je suis obligée d'accélérer mon pas afin de le rattraper.

- Pas maintenant, marmonne-t-il entre ses dents alors que j'arrive à son niveau.

- S'il vous plaît, il faut que je...

- Non, me coupe-t-il d'une voix ferme.

- Je veux juste...

- Une autre fois.

Ma frustration est une montgolfière lâchée dans l'espace, prête à exploser.

- Ash !

Il enlève ses lunettes d'un geste brusque, frappé par une soudaine rage, pour planter son regard orageux dans le mien.

Je me recroqueville. Je sais que j'ai dépassé la ligne. Sans le faire exprès.

- Je ne fais pas de favoritisme. Si tu veux échanger avec quelqu'un d'autre ton heure de colle, dis moi un nom.

Bouche bée, aucun mot ne parvienne à sortir de ma gorge.

- C'est bien ce que je pensais. Il faut que j'y aille.

Il me plante là. Il s'éloigne à grands pas et disparaît dans la masse des élèves qui envahissent le couloir en un rien de temps.

L'obscurité se referme sur moi.

Mais...Qu'ai-je fait ?

Dans notre jardin secret, j'attends sa venue. J'attends que le soleil de mon existence revienne déverser ses rayons sur moi.

L'ombre de l'érable vient toucher la pointe de mes pieds.

Les ténèbres se réveillent dans mes yeux.

Agapè (Sweet Lessons)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant