Agapè (Sweet Lessons)

Plan C

Ma barre chocolatée dans la bouche, je suis les deux hommes à la recherche du troisième homme.

Pour récapituler les événements précédents, M. Lauren mon prof d'Histoire s'est fait enlevé par les aliens qui lui ont soutiré toutes les informations qu'il avait dans son cerveau ainsi qu'une chaussure pour le déposer dans un endroit fort fort lointain où la Wi-fi n'existera pas avant un siècle et qui rend les gens qui y vivent apparemment acariâtres.

Ils se comportaient comme si nous leur faisions subir un interrogatoire forcé. Ce comportement défensif était louche. Nous ne marchons pas. Nous trépignons en cercle.

Résultat : j'ai mal aux pieds et je me suis assise sur le banc d'une fontaine en ruines. Les feuilles mortes et branches étaient amassées à l'endroit où l'eau devait couler. De mon poste, je pouvais les voir attraper le premier venu pour leur demander s'ils avaient vu un individu à la description physique de mon prof d'Histoire. Le schéma était le même : M. Jenkins les agressait comme s'il faisait une chasse à l'homme, Ash les rassurait avant de leur demander et suite à leur réponse toujours négative, M. Jenkins se transformait en Wolverine pour leur gronder dessus en enragé qu'il était et les faire fuir.

Faut avouer que notre comportement était aussi louche que le leur.

Peut-être devrions-nous reporter M. Lauren en tant que personne disparue. C'est inquiétant et le soir commence à tomber. Le plan B est en train de sombrer en même temps que le soleil à l'horizon.

À quelques mètres, je vois Ash paniquer et M. Jenkins faire un tour de lui-même comme un chien qui cherche sa propre queue. Leur comportement étrange me rend perplexe jusqu'à ce que je vois mon professeur de Lettres me repérer et s'exclamer en me pointant du doigt.

Oups ?

– Kylie ! Ne t'éloigne pas de nous, m'intime Ash en me faisant signe de les rejoindre.

– Elle cherche à se faire kidnapper ou quoi ?!s'écrie M. Jenkins dont le côté Hyde me manque déjà.

Avec un soupir, je reviens vers eux.

– Je suis fatiguée.

Je sais que je sonne comme une petite fille mais je n'ai pas bien dormi la veille. Mon côté égoïste veut retourner à la voiture pour piquer un somme sur la banquette arrière.

– Moi aussi ça me soûle, renchérit M. Jenkins, mais on n'a pas fait tout ce chemin pour rien. Je veux ramener au moins son cadavre.

– Ne dis pas ça, intervient Ash d'un air sombre et soucieux. Où peut-il bien être ? J'espère qu'il est sain et sauf.

Je le dévisage. Il ne semble pas vouloir lâcher l'affaire et je l'admire pour son côté responsable et dévoué.

– Le connaissant, il a sûrement trouvé un moyen de retour et a oublié de nous contacter pour nous mettre au courant, suppose M. Jenkins.

Plus j'y réfléchis plus je me souviens de quelques détails. Lors de l'appel, M. Lauren avait parlé de cabine téléphonique à cause de l'absence de réseaux. Elle est juste devant nous, en face d'un Pub anglo-saxon dont les néons viennent s'allumer : Tim's Pub.

Quel est le meilleur moyen de perdre son temps tout en profitant de la vie ?

– M. Lauren avait mentionné un Tim non ?je demande.

Ils suivent mon regard ainsi que ma logique.

– Il a intérêt à être là-dedans...

En entrant, des bouteilles sont placées les unes sur les autres comme un grand château de cartes derrière un comptoir large en bois lustré. Le parquet est vieux sous nos pieds et les lampes au plafond sont basses et constellées de toiles d'araignées. Une musique de cow-boy se joue sur le fond comme si nous venions d'entrer dans un ranch au Far-West et que des Peaux Rouges nous attendaient dehors munis de leur coiffe à plumes et leur carquois remplis de flèches mortelles.