Agapè (Sweet Lessons)

Sale Réputation

Je déteste ce lycée.

Je déteste les gens qui me jettent des regards en coin et qui ricanent à mon passage. Je suis prête à m'enfuir dans mon jardin secret quand un bras blanc se met en travers de mon chemin et un casier claque à deux centimètres de mon visage. Je me fige net.

- Alors Caleb est un bon coup ?

Je lève les yeux vers l'inconnu. Un blond bouclé avec des yeux bleus plutôt hypnotisant et flippants.

- Est-ce que je te connais ?je demande en espérant que non.

- Maintenant que ta porte est ouverte. Tu veux que je t'ouvre une autre porte ?

Que. Quoi. Hein.

Je le regarde sans comprendre sous mes sourcils froncés avec perplexité. Son sourire lubrique devrait être un indice...

- Mais si tu sais...par derrière...aïe !

Le type infect porte une main à son crâne et nous tournons la tête vers M. Sullivan.

- C'est vous qui m'avez frappé ?s'écrie l'élève hors de lui.

C'est en desserrant mon poing que je réalise que je l'avais serré jusqu'à sentir mes ongles s'enfoncer dans ma paume.

- Tu peux porter plainte contre ce livre si tu réclame justice, répond le professeur en montrant le manuel de littérature dans sa main. Mais tu es tellement con que mon bouquin remportera quand même le procès.

Nos mâchoires tombent.

Il a dit un gros mot...Il a dit un gros mot !

Et je réalise.

Ash est en rogne.

Pourquoi ?

- En classe, c'est la deuxième sonnerie, ordonne-t-il d'une voix autoritaire.

Le blond file pour fuir le regard menaçant du professeur. Je me tourne vers lui et le surprend à me dévisager, la mine sombre.

Mais pourquoi me regarde-t-il comme ça ?

- On dirait que j'ai mis le feu à tous vos caleçons.

Je sais. J'ai un horrible timing pour utiliser la carte de l'humour mais c'est un mécanisme de défense contre cette colère transcendante qui émane de lui dirigée vers moi sans raison. Il a les lèvres pincées et le regard intense. Non celui qui vous donne des papillons dans le ventre mais celui qui vous donne envie de vous cacher sous terre pendant un millénaire.

- Tu vas être en retard, fait-il remarquer en appuyant sur chaque syllabe. File.

Seigneur, il est effrayant quand il veut. Je l'aime quand même de tout mon cœur...

L'heure suivante est un cours d'allemand. La prof, Mme Schnabel, parle avec une énergie qui dépasse l'entendement. Une vraie pile électrique. On voit bien que tout ce qu'elle a envie c'est de retourner dans son pays d'origine pour pouvoir trouver quelqu'un qui lui réponde dans sa langue. Parce qu'on est tous à la ramasse et qu'on répond par monosyllabes : des réponses passe-partout qui commencent sérieusement à la gonfler.

Un mot voyage dans les rangs et c'est la première fois que j'en reçois un sur mon bureau.

- Putain, Sab t'es trop con !j'entends quelqu'un chuchoter à mon voisin arrière.

Mes doigts triturent les angles du papier à petits carreaux. J'hésite et tourne mon regard vers le gars assis derrière moi qui grimace. Il a les cheveux noirs corbeaux, des yeux bruns clairs en amande qui contrastent avec son teint de neige. Je cille au grain de beauté sur sa joue et à celui au coin des lèvres. J'ai du mal à percer son origine mais mon petit doigt me dit qu'il s'est fait téléporté du pays du soleil levant.