Une grave voix tonnante les fait déguerpir aussi vite qu'elles étaient apparues.Je me retourne alors vers M. Braide, le proviseur et lève les yeux sur ce qui doit être sa patte d'ours sur ma tête. Il me caresse me décoiffant. J'ai l'impression d'être un toutou. Je plisse les yeux, prête à mordre. Puis il me fait un large sourire sous sa grosse moustache de Père Noël qui me déconcerte.
– Tout va bien, Mlle Cibo ?
Il connaît mon nom ?
Ah, sûrement à cause de l'histoire de ma famille.
Je me renfrogne et il laisse tomber sa main.
– Merci de votre aide, monsieur le proviseur, je réponds froidement, cela ne se reproduira plus. Excusez-moi...
– Pourquoi s'excuser ? Que veulent-elles ?
Je réprime un soupir. Même interrogatoire. Je hausse vaguement les épaules en regardant le bout de mes chaussures qui montrent clairement que j'ai envie de partir.
– Venez en salle des professeurs, quand vous finirez votre journée, Mlle Cibo, déclare-t-il.
Je fronce les sourcils en levant brusquement les yeux vers lui. J'ai envie de protester mais face à son regard grave baissé sur moi, je referme la bouche et je détourne le regard. Voilà un autre adulte qui éprouve de la pitié pour moi. Je hoche donc tristement la tête avant de m'éloigner dans le couloir.
La journée passe trop vite à mon goût. Je remballe mes affaires et suis la dernière à sortir de la salle de classe. Toute une flopée d'étudiants et de professeurs pressés de rentrer chez eux me dépassent. Moi seule, vais dans une direction opposée. Moi seule marche d'un pas lent.
Je monte les escaliers pour accéder au second étage, là où se trouvent les bureaux des enseignants. L'établissement désert est silencieux créant une atmosphère intimidante. Qu'elle soit remplie ou déserte, je n'ai pas ma place ici.
Face à la porte, je pousse un soupir embêté redoutant la conversation à suivre. Comme à tous les autres professeurs soucieux de mon cas, je lui dirais que je reste seule pour pouvoir mieux me concentrer sur mes études. Le divorce de mes parents, la séparation de mon jumeau puis l'accident n'ont rien à voir avec mon enfermement et mon caractère aussi aimable qu'une porte de prison.
Après tout, je suis née dans une cage.
Tout à coup, la porte coulisse sur la droite avec violence et je me fais bousculer. Je titube en arrière en portant une main à mon épaule meurtrie.
– Hé ! Fais attention!je m'écrie indignée au dos d'un mec qui porte un blouson en cuir noir.
Caleb s'immobilise et tourne la tête vers moi vrillant son regard noir sur moi, les narines frémissantes. Il me détaille rapidement de la tête aux pieds et je prends sur moi pour prendre mon mal en patience. Son regard s'arrête sur mon poing fermé avant de revenir à mon visage.
– La prochaine fois rentre tout de suite au lieu d'attendre devant la porte.
Sa voix douce me surprend plus que ses mots. Quel contraste entre ses yeux profonds emplis de colère et ce calme qui perce dans sa voix. Mais sa colère n'est pas dirigée vers moi. J'ai envie de répliquer mais il a déjà continué son chemin. Ce qu'il a voulu dire c'est que même sachant que j'étais derrière la porte, il m'est rentré dedans. Quel...abruti. Je secoue mes mains qui sont parcourues de tremblements.
Cette fois je rentre sans hésiter.
La vision du professeur Sullivan qui m'attend assis à son bureau m'arrête nette.
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Agapè (Sweet Lessons)
Teen Fiction«Nous n'avons pas le même âge, mais nous nous trouvons à la même page.» Kylie n'est pas une élève comme les autres. Car elle a un secret et son seul confident est son professeur de littérature, M. Sullivan. Terminée le 01/12/17 Réécriture > Agapè