Épiphanie

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Je cours jusqu'à mon cimetière, dans mon havre de paix pour y trouver le calme et la solitude.

Quelques secondes plus tard, je vois Ash qui m'y rejoint. Lui aussi il a couru. Il est essoufflé.

Les larmes aux yeux, je le regarde lui et sa main qui tient mon poème.

― Je n'aurais jamais dû tolérer ta présence dans mon jardin secret, je lui dis. J'aurais dû te chasser dès le premier jour. J'aurais dû savoir...

Mais comment aurais-je pu savoir ?

C'est comme si j'avais fait une chute libre en stratosphère sans nacelle.

― Reviens en classe, Kylie.

― Pourquoi ?

L'inquiétude dans son regard me transperce et me blesse.

― Parce que. Nous avons toujours séparé vie privée et vie professionnelle, me rappelle-t-il.

Je le fusille du regard en sentant la colère me monter au nez et me glacer les veines. Si au moins il m'avait abandonné plus en douceur sans un cœur vide dans la paume à réanimer.

― Ne sois pas odieux. Ce n'est pas le moment, Ash.

Je t'ai laissé entrer !hurle mon cœur

Il me prend la main et je la retire aussi sec comme s'il m'avait brûlée.

― Du calme, me sermonne-t-il de sa voix douce.

Qui est cet homme ? Où est Ash ?

Je tremble de la tête aux pieds.

― J'ai envie de te tuer, je déclare en soutenant son regard avec intensité.

Tu m'as brisé!s'écrie mon âme.

― Reviens en cours, insiste-t-il.

Je lui donne un coup de poing en plein estomac qu'il encaisse...à genoux. Il pose une main sur le sol et se tient le ventre tout en toussant. Aussitôt je regrette mon geste violent et immature.

J'ai vu rouge un instant.

― Re-vi-ens en cours, répète-t-il les mâchoires serrées.

Je l'ai laissé m'approcher. Je l'ai laissé m'atteindre. Là où personne n'est jamais allée.

Je bascule la tête en arrière et rejette mon hurlement de rage et de frustration vers le cosmos avant d'abaisser ma haine titanesque sur l'archange qui m'a fait croire que j'avais des ailes alors que j'étais enchaînée à la terre tout ce temps.

― D'accord ! Si c'est ce que tu veux, Ash ! Parce que je fais toujours ce que tu veux ! Tu sais très bien que je ne peux pas te haïr peu importe ce que tu fais ! À la place je vais me haïr de t'aimer autant ! Je vais continuer à écrire pour notre amour que tu as enterré sans me demander mon avis !

Je lui prends mon poème et m'agenouille pour creuser à deux mains comme un chien pris par frénésie pour trouver un os sous terre. Je m'en fous si je me casse un ou deux ongles, je suis trop aveuglée par la rage ou le chagrin, peu importe c'est la même émotion pour moi.

En reprenant son souffle, il se redresse et s'essuie les genoux pour effacer les traces de terre sur son jean noir.

― Reviens en cours.

Agapè (Sweet Lessons)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant