Double Noeud

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Perdre le contrôle de sa vie est semblable à un petit suicide.

Le suicide c'est comme serrer la main à un enfant en se demandant s'il deviendra une star ou un tueur plus tard.

Le suicide c'est s'accrocher à sa zone de confort en refusant de grandir et prendre des risques.

Le suicide c'est tourner le dos à ceux qui cherchaient votre main, votre voix, votre présence dans le noir de leur cœur.

Le suicide c'est vous qui le provoquez.

Le suicide c'est le trop de réflexion. C'est la surinterprétation. C'est l'incommunication.

Vous le saviez n'est-ce pas ?

Que chaque humain est important.

Il est important. Elle est importante. Je suis importante. Tu es important.

Mais peu importe.

C'est trop tard.

***************

– Marnie avait besoin d'aide. D'une seule main tendue, déclare M. Sullivan au début de l'heure.

Le proviseur a rassemblé tous les élèves dans le gymnase ce matin et a fait un discours. Toute l'école est sous le choc de la funeste nouvelle. Sur l'estrade, tous les professeurs étaient présents. Les surveillants se tenaient contre le mur, alignés. Le personnel était aussi convoqué. Il y a eu une minute de silence.

Ne s'attardant donc pas plus dessus, M. Sullivan me regarde et je détourne le regard en sentant sa peine.

– Nous en étions à la page 157, chapitre 45. Ian peux-tu lire la première ligne s'il te plaît.

Personne ne sait que nous avons été les témoins de sa mort.

Après le cours, nous nous retrouvons dans notre coin secret. L'atmosphère est différente. Lourde.

Mes rétines me font encore mal. Toutes ces lumières rouges et bleues de l'autre soir continuent à tournoyer en boucle dès que je ferme les yeux.

Mais j'ai une vision bien plus horrible.

C'est celle de Marnie et de son expression juste avant qu'elle ne touche le sol.

– Je l'ai toujours trouvé belle malgré sa balafre qui la défigurait, je déclare sans m'adresser à lui en particulier. Et cette nuit-là, j'ai pensé qu'elle était magnifique parmi les flocons de neige.

M. Sullivan s'agenouille à mes côtés et pose sa main sur le papier que je m'apprête à enterrer.

– C'est pour Marnie ?

La gorge nouée, je sens les sanglots à l'assaut de mes lèvres que je garde hermétiquement closes. Je hoche difficilement la tête pour acquiescer.

– Puis-je le lire, s'il te plaît ?

Sa voix est douce.

Pour réponse, je le sors du trou et le déplie.

Un flocon enseveli

Il a fallu une chute de neige
Pour voir le sang de ton cœur
Il a fallu un funeste cortège
Pour voir ton unique valeur

Dans ce monde de bêtes
Tu as creusé ton chemin
Dans ce monde d'étiquettes
Je te prête mes deux mains

À partir de ce jour
Nos chemins se séparent
Je vivrais au jour le jour
À partir de ton départ

Agapè (Sweet Lessons)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant