Infirmerie

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À mon cri, Caleb s'est arrêté. Sab a inspiré comme un noyé qui crève la surface de l'eau.

Mais je n'avais de yeux que pour mon professeur. Le sang coulait entre ses doigts qui cachaient son œil droit.

Du sang.

J'ignore comment j'ai eu la force d'avancer mes jambes tremblantes jusqu'à lui. Mais en moins de temps qu'il ne faut le dire, j'étais en face de mon professeur blessé, mes chaussures craquant sur des morceaux de verre. Mes doigts ont touché sa joue.

- M. Sullivan !crie une fille inquiète me faisant réaliser qu'il y avait du monde tout autour.

L'interpellé ne répond pas, ne réagit pas. Alors je décide de soulever sa main qui cache la partie blessée de son visage. Délicatement.

- Ash, je murmure doucement de sorte que personne d'autre nous entende. Montre-moi.

J'ai peur de découvrir quelque chose d'horrible alors qu'il soulève sa main, ses doigts rougis de sang de son profil droit meurtri. Alors je me prépare à l'éventualité. Je retiens ma respiration. Je bloque ma santé mentale. Tout pour que je puisse affronter la vérité en face.

Ses deux paupières crispées au début se soulèvent lentement et ses pupilles vertes me font l'effet d'un double lever de soleil. Le soulagement se déverse en moi de la tête aux pieds. J'ai cru que je ne reverrai plus jamais ce vert printanier. Il cille une, deux, trois fois l'œil droit avec difficulté à cause du filet de sang qui coule dessus. J'ignore quelle expression je dois afficher car il me dit :

- Je vais bien. Je suis juste...un peu sonné.

Je remarque alors qu'il se tient plus l'arcade sourcilière que l'œil. Elle a dû s'ouvrir d'où l'abondance de sang.

- C'est par où l'infirmerie déjà ?demande-t-il.

Il fait un pas titubant en avant et je le retiens de justesse de marcher sur Sab et la porte des toilettes par terre.

- Je vais vous y emmener, je déclare.

M. Sullivan semble embarrassé de son état comparable à celui d'un alcoolique qui sort d'un bar après dix verres. Ses lunettes cassées, il ne semble pas voir grand chose en plus de s'être pris un puissant coup à la tête qui doit affecter son équilibre.

- D'accord, accepte-t-il et il me laisse l'assister.

Caleb se relève et aide Sab à faire de même. La hache de guerre est enterrée on dirait. C'était rapide. La logique des garçons m'échappera toujours. Je laisse mon sac de cours à Sab avant d'emmener M. Sullivan.

Quelques filles nous suivent et posent des questions soucieuses au professeur qui les rassure sur sa blessure avec son humeur légère. Alors que nous arrivons à l'infirmerie, une fille me met quelque chose dans la main me faisant sursauter.

Je baisse les yeux sur les montures dorées de M. Sullivan. Elles sont intactes malgré le verre qui y est absent. Je les relève vers elle qui me sourit gentiment et timidement. En retour je la gratifie d'un regard.

L'infirmière, Mme Lin, n'accepte que M. Sullivan et moi avant de fermer les portes devant la cohue féminine.

- Alors expliquez-moi tout, déclare-t-elle.

M. Sullivan s'est assis sur le bord d'un lit tandis qu'elle apportait la trousse de secours. Mes explications vagues lui ont assombri le visage et elle a conclu par :

- Il faudrait vraiment le mettre en cage ce Caleb !

M. Sullivan et moi avons répliqué en même temps pour prendre sa défense :

Agapè (Sweet Lessons)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant