De la comédie Au réel...

7.

   Ça faisait déjà un bon moment depuis la fête des Herclay, environ deux semaines tout au plus. J'avais repris mes habitudes "d'Accro au boulot". Mon père ne ratait jamais une occasion de me charrier. Il se plaignait de mes retours tardifs à la maison, se moquait de ma vie sociale --- qui je dois l'avouer était plutôt inexistante --- et mon isolement total lors des weekend. En effet, je ne me rendais plus au bureau pour travailler durant les weekend depuis que mon père avait aménagé un bureau pour moi dans une des dépendances de la maison, pour mon plus grand plaisir!
     J'étais tellement occupée par mon boulot que j'en avais même oublié ce cher Amir. Je me demandais parfois s'il avait réussi à trouver mon père. Enfin bref, on s'en moque un peu.
      Nous étions un mercredi soir, j'étais rentrée un peu plus tôt qu'à mon habitude. J'avais préféré emporter des documents à la maison au lieu de tous les traiter au bureau; en plus au menu on avait des grillades faites par Béatrice et aussi de la bouffe mexicaine, j'allais enfin la découvrir cette bouffe.
      Je rentrai par la cuisine, histoire de piquer quelques biscuits avant le dîner. Je trouvai Béatrice sur son trente un. Elle avait une robe rouge droite en satin qui soulignait ses belles courbes. Ses cheveux blonds étaient retenus en queue de cheval. Elle tournait sûrement la soupe. Heureusement qu'elle avait mis un tablier.

  -Tu rentres bien tôt aujourd'hui; dit elle en souriant.

-Tu pensais quand même pas que je serais en retard pour le festin que tu nous prépare. T'es bien en beauté ce soir.

-Mais non c'est rien à côté de toi.

      Je ne me trouvais pas spéciale dans cette tenue. Ce n'était qu'un chemisier en toile vert longues manches, enfilé dans une jupe en cuir marron droite et des escarpins noirs de 10 centimètres. Tenue de travail, la routine quoi pas la peine de vouloir en faire des tonnes.
     J'avais juste hocher de la tête et j'avais pris un bouteille d'eau dans le frigidaire (après voir pris le soin de balancer mes sacs sur une chaise haute de l'îlot). Lorsque je refermai le battant de ce dernier une crinière brune fît son entrée et s'installa près de mes effets. Nate était très beau dans son pull bleu nuit qui faisait ressortir la couleur de ses yeux. On aurait dit notre père plus jeune.

-Tiens donc, t'es là toi; commença t il en me souriant.

-Je n'avais pas envie de vous laisser commencer sans moi.

-Très drôle; répondit-il.

 -Ah au fait, Ann-Louise ton père t'attends dans le salon principal; lança Béatrice en retirant des gâteaux du four.

-Et je crois que tu vas rester sur ton cul...oh pardon; ajouta-t-il en se couvrant la bouche devant le regard assassin de sa mère.

    Je me moquai de lui un moment, avant de longer le couloir menant au dit salon. En approchant de ce dernier, je n'entendis pas non seulement la voix de mon père, mais aussi celle d'une autre personne, étonnamment grave. J'entrai donc sans faire attention à la personne avec qui il était.

-Salut papa, tu voulais me...voir?

   J'avais prononcé ce dernier mot de manière peu audible. En même temps c'était normal, je ne m'attendais pas du tout à le voir ici, assis en compagnie de mon père. Vous vous doutez bien de l'identité de l'interlocuteur de mon père.

-Qu'est ce qu'il y a, on dirait que tu as vu un fantôme; se moqua mon père.
             
 -Non non, je ne savais pas que tu étais avec quelqu'un.

-En effet, je te présente mon futur associé, Amir Lewis Santiago.

-Je suis ravie de vous rencontrer monsieur Santiago,  Ann-Louise Parker.

   Amir s'était levé pour prendre ma main que je lui présentai, il la serra brièvement et je fus la première à retirer ma main. Il souriait, je ne voyais pas réellement pour quelle raison il le faisait puisque, d'après moi la situation était plutôt gênante.

-Ceci fait, je crois qu'il serait temps de passer à table non; lança mon père enjoué, ne remarquant même pas qu'Amir ne m'avait pas lâché du regard.

-Je crois que Béatrice en a encore pour un moment; répondis je.

-Dans ce cas, je vais la rejoindre pour lui porter secours ou demander à l'une de ces paresseuses qui deviennent presque inutiles.

   Et sur ces dernières paroles, il sortit me laissant seule avec Amir. Génial. Ce dernier s'avança les mains dans les poches vers moi, toujours avec ce sourire. Il se passa une main dans les cheveux avant de prendre la parole.

-Alors là si je m'attendais à ça! Toi, la fille d'un homme que tu dis ne jamais avoir connu; dit-il en riant.

-Je ne vois pas pourquoi tu rigoles; répondis je sèchement.
                          
-Oh rien, j'aimerais juste connaître tes raisons. Peut être t'es tu sentie...jetée parce que je...

-Euh...excuse moi mais j'ai comme l'impression que tu te fais un peu trop d'idées. En dépit de ce que tu peux penser je ne m'intéresse pas à toi et je ne le ferais jamais; l'interrompis je.

    Il releva un sourcil, ne manquant pas de me détailler au passage. Il avait un sacré culot lui! Enfin je suis la fille de son boss quand même.

-Dommage, j'aurais pu...

-Oh t'entends, on passe à table.

  Et je sortis sans lui laisser le temps de répliquer. Il était tellement prétentieux ce mec. Comment pouvait-il s'imaginer que j'allais tomber dans le panneau. Il voulait très vite signer avec un financeur, et quel moyen plus facile que de séduire la fille du dit financeur. Mais je n'étais pas dupe! Il a eu sa chance et il l'a laissé passé comme un idiot.

       La table avait été mise à la terrasse arrière qui donnait vers les jardins. J'étais installée près de Nate, qui avait en face de lui sa soeur Bella donc automatiquement j'avais en plein champ de vision Amir puisque mon père et Béatrice étaient en bout de table. En dépit des merveilleux plats que nous avait concocté Béatrice, ce dîner m'agaçait au plus haut point. Non seulement je devais supporter les commentaires stupides de Bella --- qui d'ailleurs ne se gênait pas pour draguer Amir ouvertement --- sur ses nombreux shooting, mais aussi entendre mon père vanter le projet d'Amir qui d'après lui était révolutionnaire.
    Bien entendu Béatrice écoutait tranquillement chacun des propos de son mari et de sa fille! Mais où est passée la règle de "ne pas parler boulot à table"! Et que fait cet idiot ici bon sang!

-Ça ne va pas Ann-Louise? Tu m'as l'air ailleurs; demanda Béatrice.

-Non...non ça va.

-Je suppose que vous deviez certainement penser à un truc que vous avez oublié de faire; intervint Amir en tournant le vin de son verre.

    Mais de quoi il se mêle?!

  -Elle a dit que ça allait donc c'est le cas non! En plus Ann-Louise est très occupée par ses fonctions pour devoir s'intéresser à notre conversation...pas vrai?; lança Bella.

-En effet, et en raison de cela je ne vais pas vous gêner davantage. De toutes façons certaines personnes m'insupportent à cette table alors...

     Je me levai tandis que Nate ne put s'empêcher de glousser, sachant probablement à qui je faisais allusion.

 -Béatrice, le dîner était super, papa je t'aime. Bonne soirée.

   Et c'est d'un pas assuré --- et en fouettant l'air avec mes longs cheveux --- que je retournai à l'intérieur et me réfugiai directement dans ma chambre. Finalement la soirée n'avait pas été si mal que ça quoique j'ai dû supporter deux gros prétentieux qui iraient certainement bien ensemble! Seul l'avenir nous le dira.