IX.

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     Depuis le déjeuner de l'après-midi, je m'étais enfermée dans mon bureau, où j'essayais de trouver d'autres alternatives pour ne pas avoir recours à des licenciements, mais la vérité était qu'il n'y avait pas grand chose à faire. En plus de cela, la valeur de nos actions commençait à chuter sur le marché. Si on ne prenait pas les mesures nécessaires, nous serions tous ruinés d'ici six mois maximum.
J'avais de nouveau vérifié les bilans financiers de l'entreprise, des chiffres étaient incohérents, et je savais que mettre Fred Miller sous les verrous, l'obligerait dans un premier temps à remettre l'argent dans les comptes de l'entreprise. Alors que je rangeais ces documents, empilait d'autres documents liés à d'autres services, je reçus un appel du capitaine qui était en charge de l'affaire WC-Miller. L'appel fut très bref, elle m'informait que la plainte que j'avais déposé avait été retirée, Miller remplissait en ce moment les papiers pour sa libération.
     
     C'est aux environs de 23h que je rentrai chez moi en trombe. J'avais essayé de joindre Karol juste après avoir raccroché au téléphone avec le capitaine, sans succès. Ayant claqué la porte principale, je découvris Malia qui fouillait dans tous les dossiers liés aux finances personnelles de Miller.

- Qu'est-ce que ça donne ?; lui demandai je en retirant la veste de mon tailleur.

- Vous aviez raison au sujet de ces comptes offshores, c'est là que sont déposées les sommes manquantes de l'entreprise, le hic c'est qu'ils ne sont pas enregistrés à son nom.

- Normal, ce sont des comptes pour cacher de l'argent. Pourquoi irait il  afficher son nom?

- Bref, cette information pourrait servir à la police. C'est une piste à creuser.

- Toi creuses, cet idiot vient d'être libéré. Quelqu'un a retiré ma plainte, et je n'arrive pas à joindre Karol...

- Appel entrant, Mlle Walden est en ligne dans votre bureau.

    Je m'y dirigeai en prenant avec moi un verre de whisky, dont j'avalai une grande gorgée. Je me mis derrière mon ordinateur et cliquai sur l'icône de réception d'appels.

- Mlle Walden daigne enfin se montrer.

- Je n'ai pas de temps pour des sarcasmes Ann-Louise. Qu'est-ce que tu veux ?

- Bien, votre cher ami Fred Miller vient d'être libéré, suite au retrait de ma plainte. J'imagine que c'est l'un d'entre vous deux qui s'est chargé de cela.

- Oui, mais ce n'est pas moi. Je t'avais dit qu'il ne fallait pas faire mettre Fred en prison, comme d'habitude tu...

- Mais tu t'entends parler au moins, cet homme est à l'origine du détournement de plusieurs millions de dollars, et ce depuis plus de cinq ans. Karol, il s'agit de notre argent à tous et particulièrement du mien. Au cas où tu l'aurais oublié j'ai les parts les plus importantes de cette société.

- Et voilà, on ne peut pas vraiment oublié que tu es l'actionnaire majoritaire, tu le répètes à tout bout de champs. J'entends ce que tu dis, je vois bien que de l'argent a disparu mais il pourrait s'agir de quelqu'un d'autre qui essaie de faire porter le chapeau à Fred, ça ne t'est pas venu à l'esprit ?

      J'étais choquée par les énormités qu'elle avançait juste pour protéger cet homme. Je m'assieds sur mon fauteuil. Je la fixai un long moment. Je savais que peu importe ce que j'avancerais elle ne l'écouterait pas, que ce soit lié à la chute de la valeur des actions, ou même lié à ces comptes offshores que Malia avait découvert. Tout ce que je ferais ce serait de leur donner les cartes en main pour faire disparaitre toutes traces de cette affaire. En effet je venais de prendre conscience de ce qui se passait sous mes yeux depuis ce temps, les Walden en savaient bien plus qu'ils ne le prétendaient sur cette affaire de détournement, raison pour laquelle ils défendaient bec et ongles ce cher ami de la famille. Je pris une autre gorgée de whisky, alors qu'elle reprenait la parole.

- Bien, si tout a été dit je vais raccrocher, j'ai une dure journée qui m'attend demain.

- Oui... biensûr, mais une chose. Dis à ton frère, que j'ai investi tout dans cette société. J'ai bien dit tout, et je ne vais pas laisser quelqu'un s'emparer de ce qui m'appartient ; dis-je sur un ton très calme.

- Qu'est-ce que je dois comprendre ?

- Bonne nuit Karol; j'insistai sur son nom avec une mine de dégoût avant de raccrocher.

    Je revins à la cuisine où Malia était toujours. Elle leva la tête.

- J'ai entendu vos cris.

- Rassemble moi tout ce que tu as trouvé au sujet de cette affaire, et contacte moi tous les actionnaires qui ont approuvé mon plan d'action aujourd'hui.

- Ça va être un peu difficile, aucun associé n'a semblé être d'accord avec toi.

- Très bien, dans ce cas contacte tous ceux qui n'ont pas souvent été d'accord avec Walden, et ceux qui ont des antécédents positifs avec mon père. Il est temps d'utiliser l'influence de ce nom. Tu as une heure.

- Là encore ce sera difficile Ann-Louise, il est un peu plus de minuit qui acceptera prendre mes appels?

- Une autre leçon que je vais te donner, un riche ne pense qu'à fructifier sa richesse, et aucun riche n'a le sommeil lourd quand il voit son investissement tombé à l'eau. Appelle !

     Je pensais convoqué un conseil extraordinaire pour voter la destitution de Christophe Walden. Le conseil étant constitué de 15 personnes, il me fallait juste sept voix ajoutées à la mienne pour prendre la tête de cette entreprise.
Les multiples appels de Malia avaient conduit à cinq voix en ma faveur, les deux derniers étaient deux femmes conservatrices qui ne m'aimaient pas beaucoup, mais qui par contre aimaient les gros bénéfices déposés dans leurs comptes chaque fin de mois ; bénéfices qui avaient fini divisés en quatre depuis trois ans déjà. Elles n'avaient dit ni oui ni non. C'est la boule au ventre que j'allai me coucher. Ça faisait longtemps que je n'avais pas ressenti ce sentiment de peur dans les affaires. En même temps je préparais un coup d'état, si ça tournait mal, il est probable que je finisse au chômage.

  Mon réveil avait sonné comme prévu à 6h du matin, je n'avais pas beaucoup dormi, 2h à peine. Je me dirigeai lourdement dans ma salle de bain où je pris un bain chaud, puis une douche froide. Après ma douche, je choisis dans mon dressing un tailleur pantalon rose crème. J'attachai mes cheveux avant de descendre à la cuisine où Malia déjeunait tout en vérifiant une dernière fois que les rapports étaient bien rédigés.

- Café noir sans sucre et un croissant ; commença t'elle en poussant mon déjeuner vers moi.

- Je dis oui pour le café, le croissant c'est sans moi.

- Stressée?

- Pas toi, on risque toutes les deux de perdre nos emplois. Et je parle surtout pour toi.

- Si ça devait arriver, j'en trouverai un autre mais certainement pas aussi bien que celui-ci ; sourit elle.

    Je souris, elle essayait toujours de me rendre positive, quand bien même je lui hurlais dessus toute la journée. Une autre personne serait partie depuis longtemps, même Gina ma meilleure amie serait partie si je lui parlais ainsi. En y repensant, je devrais chercher à lui parler pour m'excuser. Si je venais à perdre mon emploi, je devrais au moins garder mes amis.

- Mesdames, la voiture est prête.

De la comédie Au réel...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant