Coma d'un frère

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Je regarde ma montre: 4h37.
Cela fait donc 8h20 que je suis ici à veiller sur toi...
Mon regard se perd sur ton visage d'enfant endormi. Tes cheveux dégringole peu à peu le long de l'oreiller de l'hopital où tu es arrivé il y a maintenant deux semaines.
Puis, je me tourne vers cette fenêtre.
Il a commencé à neiger... Je me retrouve peu à peu absorbé par cette envie de m'y échapper. De sortir de cet enfer auquel je rends visite toutes les nuits... et tous les jours. Ce besoin brûlant d'envoyer tout le monde se faire foutre, ce besoin de crier, de te prendre dans mes bras... Ce besoin oppressant de te retirer ces chaînes, cette maladie te retenant prisonnier de ces seringues, des charabias incessant des médecins...
J'aimerais, cette nuit encore, voir tes yeux s'ouvrir pour que tu puisses enfin appercevoir ces flocons qui indiquent la veille de nöel.
Je pose ma tête entre mes bras sur ce rebord de fenêtre...
J'écoute ce que le silence dit.

(Changement de point de vue)

Je sais qu'il est là. J'aimerais tellement lui dire que j'entends tous ces mots qu'il me dit, je ne dors pas! Mais je ne me réveille pas... Tout est si sombre autour de moi. Je ne comprends pas. Mon corps ne m'obéis plus... C'est donc cela le coma?
Notre corps devenant notre propre prison?
J'entends ses pleurs, ses cris! Je veux lui dire que tout ira bien, que je serai avec mon frère à noël...
Je hurle si fort en moi que cela me vrille les entrailles... Mes os, mes muscles... Je ne sens plus rien.
Je ne peux que subir. Entendre cet appreil toutes les minutes, les larmes de mes proches tous les jours.
Ceux qui me hurlent de me réveiller, que je n'ai pas le droit... Je ne demande que ça! L'écho de leurs voix dans mon corps démuni...
Cette nuit encore, il va poser sa tête entre les mains, s'appuyer sur le rebord de la fenêtre comme il le fait à chaque fois et regarder ce parc où il m'a appris à jouer à cache-cache.
Il regarde ce parc dans la nuit comme je regarde cette opacité inconnue.
Je dois l'apprivoiser. C'est sûrement ma peur. Ou la sienne. Peut-être même les deux.
Mais pour l'instant je suis encore dans ce lit, avec comme seuls alliés ma peur, ma colère et ma souffrance... ainsi que par une patience contrainte.
Je me réveillerai. Je me le promet.
À noël, je serai aux côtés de mon frère. Que ce soit cette année, la prochaine ou dans 4 ans. Je reviendrai...
Mais laissez-moi le temps d'apprivoiser mes regrets...  Je rejoindrai mon frère.
Il le sait. Il m'attend.

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