Chapitre Quarante huit

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Mélaine

-"Mél, n'est-il pas préférable de tourner la page une bonne fois pour toute et continuer avec ta vie?" tenta Chérylle avec un sourire contrit en déposant un chocolat chaud sur mon bureau.

Un mois de cela, avant l'accident, j'aurais déjà englouti cette boisson, ma préférée d'ailleurs, pourtant ce ne fut pas le cas aujourd'hui. Non, malheureusement, ma vie avait subitement basculé. Tous nos rêves, nos projets, étaient à l'eau. Une partie de moi venait de mourir quand il est mort. Quand il était parti pour rejoindre le reste des membres de ma famille.

Un goût amer au bord des lèvres, je fermais les yeux endiguant cette insupportable douleur sentimentale, pire qu'un coeur brisé. Au contraire, c'était mon âme qui était détruite. Il était mort par ma faute! Cette même scène se rejouait indéfiniment dans ma tête et ce 'et si' me pourrissait ma vie. Pourquoi étions-partis au supermarché ce jour-là?

Mais il était trop tard maintenant. Je l'avais hélas perdu sans en avoir eu le temps de lui dire que je l'aime, de lui dire adieu, que j'aurais aimé, tellement aimé, le tenir dans mes bras une seule et dernière fois si c'était possible et sentir ce parfum unique que je ne pourrais hélas ne plus jamais sentir et que finalement son absence avait laissé un trou béant dans mon coeur que personne ne pourrait comprendre.

-"Que j'aurais aimé entendre le son de sa voix! Je donnerai cher de le sentir en moi," pensais-je, la respiration bruyante dû aux larmes qui étaient devenues mes nouveaux compagnons de route depuis sa perte.

-"Ne me demande pas ça, je t'en supplie Chérylle..." murmurais-je, les larmes ravageant mon visage tout comme mon coeur qui hurlait sa mort sans aucune possibilité de la taire.

-"Mél..." tenta ma meilleure amie me voyant au plus bas, se rapprochant à pas de loup vers moi pour essayer de me calmer.

-"Je... Je vais au cimetière," répliquais-je immédiatement, la gorge nouée sentant cette irrépressible envie d'aller à sa tombe, chose que je faisais désormais tous les jours à la pause déjeuner pour éviter de subir le regard de pitié de mes proches qui connaissaient la triste vérité.

Elle ne me barra plus la route. Avant, Chérylle le faisait cependant. Sachant pertinemment que je manquais d'air et que j'allais d'un moment à l'autre exploser, ma meilleure amie que je considérais comme ma soeur me tendit simplement mon manteau, ses yeux d'un bleu limpide avec une lueur d'impuissance devant ma peine déchirante.

-"J'aurai aimé que tu m'en parles, ma chérie. Dis moi quelque chose."

Je soupirais tristement en guise de réponse mordant cruellement ma lèvre inférieure pour ne point l'alerter davantage ni même me retourner pour lui faire face sinon je sauterais dans ses bras et pleurerais tous les larmes de mon corps. Le mur que j'avais dressé devant moi m'était devenu un rempart que je me retenais chaque jour car sans lui j'allais tout simplement la laisser gagner après tout ce qu'elle avait fait sans aucun scrupule.

Non, je ne voulais pas lui montrer qu'elle avait arraché mon rêve le plus cher, qu'elle avait tué une fois de plus. Mon père puis lui et une partie de moi, sa propre fille! Christiana mériterait toutes les souffrances du monde mais toujours en cavale, je ne pouvais rien faire ni même me venger malgré cette envie de lui rendre justice.

Rapidement, j'attachais mes cheveux en une queue de cheval puis me regardais par la vitre de mon bureau. Mes yeux s'étaient instinctivement rougis. J'aurais mieux faire de rester à la maison, au moins, là-bas ce manque se faisait moins ressentir.

-"Annule mes rendez-vous d'aujourd'hui, s'il te plait. Je ne suis pas d'humeur à voir des gens," demandai-je à ma meilleure amie.

-"Je le dirai à Guillaume. As-tu besoin d'autre chose?"

-"Un câlin?" tentais-je, voulant me blottir dans ses bras familiers qui m'avaient réconforté depuis l'accident.

-"J'attendais que tu me le dises," m'avoua-t-elle avec un léger sourire avant qu'elle m'enserra de toutes ses forces me faisant perdre l'équilibre.

Sa bonne humeur et sa joie contagieuse me fit pendant un moment sourire. Un sourire sincère. Néanmoins, il dura que quelques secondes dès que la dure réalité me frappa au visage. Lui lançant un dernier sourire, je sortis de mon bureau puis pris ma voiture direction le seul endroit où je pouvais éclater toute ma peine.

M'agenouillant devant sa tombe, j'y déposais les roses blanches, humant ce parfum enivrant. Caressant la pierre tombale, mes larmes s'échouèrent sur le marbre sans que je ne puisse les retenir.

-"Bonjour," commençais-je, la gorge toujours nouée à chaque fois où nous nous donnons rendez-vous malgré que seulement moi débutais la conversation.-"Tu sais qu'aujourd'hui s'est l'anniversaire de ta mort. Bizarre, n'est-ce pas? Je n'en peux plus, tu sais. Je n'arrive plus..." lui avouais-je avant de mettre ma main devant ma bouche incapable de prononcer le moindre mot.

Alors, c'était ça ce que voulait ma génitrice? Voir ma défaite? Briser mes espoirs, mes rêves?

Relevant la tête, je sentis une goutte tomber sur mon visage déjà mouillé de mes pleurs avant de reconnaitre ce dieu grec qui se tenait derrière moi grâce à son parfum boisé.

-"Meine liebe," me dit-il, en s'agenouillant à côté de moi, prenant mon visage dans ses mains rugueuses.

-"Thomas," murmurais-je d'une voix enjouée, nichant ma tête au creux de son cou pour respirer son odeur rassurante.

-"Combien de mois?" m'interrogea-t-il.

-"Huit mois aujourd'hui," admis-je en regardant la tombe de ma grand-mère.

-"Chut, je suis là maintenant, meine herz," me répéta mon fiancé depuis son accident tout en m'étreignant farouchement, sa tête posée sur la mienne. -"Tout ira mieux."

J'hochais la tête pour lui faire plaisir malgré le hurlement déchirant de mon âme. Non, tout ne sera plus pareil désormais. Pas après la mort de notre enfant, notre bébé qui n'avait même pas eu la chance de voir le jour, et que je ne lui avais pas encore annoncé cette terrible nouvelle.

Is It Desire! Tome 2 (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant