Entre les barres

Chapitre 2

Chapitre 2.

Tôt le lendemain matin, les grillages glissèrent et les portes s'ouvrirent. C'était l'heure du petit déjeuner et de l'appel. Les prisonniers sortirent de leur cellule et s'alignèrent pour rejoindre la cafétéria. Les gardiens firent les présences au fur et à mesure que la file avançait. Isaac sentait déjà des regards moqueurs et scrutateurs sur lui, mais quand son nom fut appelé, les yeux de tous les prisonniers convergèrent vers lui. Il était nouveau. Il devait faire ses preuves. En attendant, il était une proie facile.

Faisant de son mieux pour ignorer les regards, Isaac se mit en ligne pour prendre un plateau repas et se faire servir. Il fut servi par des prisonniers qui travaillaient à la cantine. Partout autour, il entendait des chuchotements.

— Hey, t'es nouveau ? l'interrogea l'homme tout juste derrière lui : une brute tout en muscles. Tu viens d'où ?

— De la Californie.

— T'as quel âge ? Tu m'as l'air jeune. T'as un joli p'tit cul.

— Pardon ?

L'homme lui mit une main au cul. Aussitôt, Isaac le repoussa en poussant un cri. Il en échappa son plateau de nourriture.

— Hey, le nouveau, l'interpella à nouveau le prisonnier en essayant de lui attraper le poignet pour l'immobiliser.

Isaac se défendit en frappant son adversaire au visage. Aussitôt, les regards de tous les prisonniers présents dans la cantine furent posés sur eux. L'agitation et les combats étaient souvent le seul divertissement. L'agresseur d'Isaac réagit au quart de tour et le chargea comme un mastodonte. Il le poussa contre une des tables qui n'était pas encore occupée et le frappa à son tour.

Le combat ne dura pas longtemps, car des gardiens furent dépêchés et on les sépara brutalement.

— Tu es bon pour un tour en cellule d'isolement, Johnsson, aboya un des gardiens en parlant à l'homme qui lui avait sauté dessus.

Les menottes leur furent passées, à tous les deux. L'agent de sécurité se tourna vers Isaac :

— Et toi, tu commences très mal ton intégration.

Du coin de l'œil, il vit Chaz qui l'observait avec nonchalance à une table où il était entouré d'autres hommes.

— C'est lui, ton nouveau codétenu ? interrogea un des hommes de la table.

Il avait aussi la peau noire et un côté de sa tête était rasé.

— Oui, répondit Chaz.

— Il a l'air d'intéresser Johnsson. C'est vrai qu'il a un cul !

Chaz eut tout le loisir d'observer la chute des reins d'Isaac, tandis que les gardiens l'amenaient pour l'interroger sur l'accident. Les autres prisonniers disaient vrai : il avait l'air d'avoir un petit cul ferme que son pantalon orange de nouveau détenu moulait bien.

— Johnsson va sûrement aller au trou, commenta un autre homme. Il se bat toujours avec les nouveaux.

Chaz haussa les épaules. Il avait un sourire carnassier sur les lèvres.

— On ne peut pas lui en vouloir d'avoir envie de tester la marchandise...

Toute la table éclata d'un rire moqueur et gras.

— Qu'est-ce que tu vas faire de lui, Chaz ? Tu vas t'en débarrasser ? demanda l'homme avec les cheveux rasés.

— Je ne sais pas encore, Tiger.

— Il t'a dit il était là pourquoi et pour combien de temps ?

— Il est là pour un trafic de drogues. Il a sûrement écopé d'une petite peine.

— C'est pas un pointeur.

Un terme utilisé pour désigner les prisonniers qui avaient commis des déviances sexuelles avec des enfants. Ceux-ci étaient rarement la bienvenue dans la communauté pénitentiaire, c'était pourquoi l'administration préférait les mettre à l'écart.

— Non.

— Alors, on a pas besoin de lui péter la gueule, mais il va devoir faire ses preuves. Ce sera intéressant. Je parierais bien sur le temps qu'il va mettre à craquer. À moins qu'il ne rejoigne un gang ?

— Pas le mien, en tous cas, répliqua Chaz, il n'y a pas de place pour les faiblards.