Chapitre 19

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Chapitre 19.

Grimaçant, c'est à contrecœur qu'Isaac remit maladroitement son pantalon et suivit Chaz à l'extérieur de leur cellule. Même si, en apparence, il avait l'air normal, il avait cette impression de marcher comme un canard. Le sachet était désagréable à chacun de ses pas. Il ne pensait pas qu'il aurait pu en oublier la présence, même après un certain temps.

Ils grimpèrent les escaliers un étage plus haut et Chaz le conduisit devant une autre cellule. Il frappa avant d'entrer :

— Tes là, Jo ?

Un gars noir et aux cheveux courts entra dans leur champ de vision.

— Ouais.

Chaz attrapa le poignet d'Isaac et le tira à l'intérieur.

— J'ai ta marchandise, annonça-t-il. J'ai eu Marie au téléphone.

Ce qui était un nom de code.

— Tu en as mis, du temps.

— J'ai eu un petit... contretemps.

— J'ai entendu parler de ton tour au trou, se moqua Jo.

— Ils ne pouvaient pas me garder là-bas trop longtemps, de toute façon.

— Vu ton retard, tu vas me faire une réduction sur le prix, non ?

Isaac observait silencieusement l'échange, mal à l'aise avec ce qui se passait sous ses yeux. Les gens comme Jo ne lui inspiraient pas confiance. À le regarder, il aurait juré que sa consommation de stupéfiant était loin de s'arrêter au cannabis.

— Voyons, Jo, tu sais que la quantité est limitée. Si tu ne veux pas la prendre au prix que j'ai fixé, tu sais qu'il y a une file de gens prêt à payer qui m'attend.

La drogue était très en demande en prison, puisqu'elle constituait, pour certains détenus, leur seul moyen de s'évader un peu. Ça avait surtout la cote auprès des prisonniers qui avaient écopé de longues peines ou dont la santé mentale était plus fragile.

— Très bien, au moins, j'aurai essayé, consentit finalement le client de Chaz en roulant les yeux. Et c'est qui le gamin que tu as ramené avec toi ? Je préférerais qu'il n'y ait pas de témoins...

Chaz sourit.

— Oh... Ne t'inquiète pas pour lui. C'est la marchandise.

Isaac sentit son estomac se nouer. Il jeta un œil à la porte de la cellule avec un inconfort de plus en plus prononcé, songeant à s'enfuir à tout instant. Pourtant, il ne bougea pas, figé comme une statue devant la situation qui échappait à son contrôle. De plus, s'il s'enfuyait maintenant – avec le sachet – quelque chose lui dirait que ça ne plairait pas à Chaz, pas du tout même...

— Tu connais la marche à suivre, reprit le caïd de West Island, tu me paies en premier, je te donne ce que tu veux ensuite.

— Ouais, ouais, j'ai compris...

Jo fouilla dans son armoire et donna des sachets de café à Chaz. Ceux-ci faisaient office de monnaie. Le codétenu d'Isaac observa ce qu'il avait reçu, compta les paquets, puis les fourra dans ses poches.

— Le compte est bon.

Chaz se tourna vers Isaac :

— Met tes mains contre le mur et écarte les jambes.

Le cœur du Californien battit à toute allure. Il obéit silencieusement, la boule au ventre, se disant que, au moins, après ça, ce serait fini. Chaz allait lui retirer cette foutue chose qu'il avait mise là... ! Il appuya son front sur le mur, fermant les yeux avec appréhension.

Il sentit le souffle de Chaz sur sa nuque quand l'homme se pressa derrière lui et descendit son pantalon et son sous-vêtement sur ses cuisses bronzées.

— Prend une grande inspiration, lui conseilla-t-il.

De toute manière, Isaac n'aurait pas pu faire autrement. Il avait l'impression de ne plus pouvoir respirer du tout. La main de Chaz reproduisit systématiquement les mêmes gestes qu'il avait eu plus tôt. Il écarta ses fesses – avec une rare délicatesse ; après tout, il ne fallait pas abîmer la marchandise – et glissa deux doigts dans son intimité. Isaac se crispa instantanément.

Même en essayant de se détendre, il n'y parvenait pas. Il se sentait humilié et souillé devant Jo. Savoir que l'autre homme les regardait – le regardait – le rendait nauséeux. Il s'efforça de contrôler ses tremblements. Il se revoyait sur le carrelage froid de cette foutue salle des douches. Il revoyait les amis de Johnsson saliver sur son viol, désirer lui faire la même chose, riant de son malheur et le maintenant immobile... Ses poings se serrèrent tout seuls contre le mur, ses dents grinçant entres-elles. Impuissant, il était si impuissant... Il les avait laissé lui faire ça et, maintenant, il laissait Chaz sans réagir... Il avait l'impression que cet événement l'avait rendu faible et trouillard. Pourquoi est-ce qu'il ne pouvait pas être comme Chaz ? Les choses seraient plus faciles de cette façon-là. Il aurait aimé se foutre de tout, faire sa loi, être fort et que personne ne lui cherche des noix.

Le seul point positif, dans tout ça, c'est qu'il sentit à peine Chaz lui retirer le sachet de cannabis pour le jeter à Jo qui l'attrapa au vol.

— La prochaine fois, tu appelleras Molly. C'est de la bonne ?

— Tu sais que je ne vends pas de la merde, Jo.

— Au moins, elle a fait un bon voyage... dans une bonne cachette..., rétorqua le client avec un sourire pervers.

Isaac frissonna et se contenta de remonter son pantalon et son boxer, mal à l'aise.

— C'est une cachette privée, répliqua Chaz en souriant d'une manière faussement sympathique, alors ne t'avise d'essayer d'y cacher quoique ce soit, d'accord ?

— Oh, tu devrais être plus laxiste et le prêter. La demande serait forte et tu le sais. Tu aurais sûrement le triple de ce que tu fais avec le... reste.

Ce qui fut horrible, c'est que Chaz parut prendre le temps d'y réfléchir.

Cette fois, ça en fut trop pour Isaac qui fut incapable de retenir sa langue plus longtemps :

— Je ne suis pas à vendre !

Johsson l'avait peut-être rendu moins confiant, mais il n'en était pas moins révolté. Il détestait déjà ce Jo et il voulait sortir d'ici. Dans un élan de colère, il attrapa le poignet de Chaz et l'entraîna vers la sortie. Quand on se mettait à dos un détenu, il valait mieux avoir un protecteur pas loin.

— Enfin une chose sur laquelle nous puissions nous entendre, fit remarquer son interlocuteur quand ils furent sortis en claquant sa langue contre son palet d'une manière salace, tu commences à comprendre... tu n'es pas à vendre, tu es ma pute privée.

Chaz voulait son cul, il voulait sa protection. Aussi dégradant que ce soit, Isaac en vint à la conclusion qu'il était temps de...négocier.

Entre les barresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant