Entre les barres

Chapitre 5

Chapitre 5.

Les quinze minutes allouées au déjeuner se terminèrent et ils durent retourner en cellule pour y faire le ménage. Ils avaient jusqu'à neuf heures pour faire de leur habitacle un milieu digne d'un établissement militaire. Une fois de plus, Isaac se retrouva enfermé avec Chaz.

— C'est toi le nouveau, alors c'est à toi qu'incombe de faire les tâches ménagères. Tu dois faire les lits au carré, balayer, laver le plancher et ranger les armoires. Il y a une liste qui t'indiques comment tout doit être placé. Ne t'avise pas de faire une erreur ou je te le ferai payer.

Après les histoires d'horreur qu'il avait entendues à propos de Chaz, Isaac n'avait pas le cœur à lui désobéir. Il se dit que, pour cette fois, il pouvait se charger de tout et qu'il mettrait son pied à terre une autre fois.

Pendant qu'il faisait le ménage en vraie petite Cendrillon, Chaz s'appuya sur la porte et croisa les bras, l'observant.

— Hey, je t'ai vu ce matin, tu parlais avec Wayne. Fais attention à ce mec.

— Pourquoi ?

Son interlocuteur ricana, moqueur.

— Tu es naïf. Tu crois qu'il a été sympa avec toi juste parce qu'il est « gentil » ? Personne n'est « gentil », ici, tu es en prison, pas dans une cour d'école. Ce gars va essayer de te manipuler pour que tu lui achètes des choses à la cantine.

Wayne lui avait parut tellement sympa qu'Isaac se demanda lequel des deux hommes essayaient vraiment de le manipuler. Il ne savait plus quoi en penser.

— Au moins, il n'a pas essayé de me frapper, de m'insulter ou de me violer, lui !

Chaz eut un rictus.

— C'est parce que tu es nouveau, par ici, tu dois encore faire tes preuves. Tu n'obtiendras pas du respect en claquant les doigts. Plus, les jolis petits culs caucasiens, comme le tien, sont rares.

Il n'y avait pas de femmes en prison, alors quand quelqu'un comme Isaac se présentait, sans aucune expérience par rapport à l'enfermement et encore jeune, les détenus se jetaient sur lui comme des animaux voraces, parce qu'ils le considéraient facilement manipulable : ils pouvaient en faire ce qu'ils voulaient. Malheureusement, même sans être gay, il y avait certaines pulsions ne pouvaient pas être retenues. Les prisonniers comme Chaz avaient des désirs et ils les assouvissaient sur des détenus tels que Isaac.

Lorsque le ménage de la cellule fut terminé, les portes se rouvrirent. Tous les prisonniers devaient se tenir au garde-à-vous près de leur porte, tandis que les gardiens passaient devant eux pour inspecter des chambres au hasard. La cellule de Chaz était très rarement examinée. Les agents préféraient fermer les yeux sur certaines choses.

Quand l'inspection fut terminée, il y eut un nouvel appel des prisonniers, puis ils eurent quartier libre jusqu'au dîner. Ils pouvaient vaquer à leurs occupations à l'extérieur de leur cellule, tant et aussi longtemps qu'ils ne sortaient pas de l'unité et qu'ils ne se battaient pas.

Isaac vit, du coin de l'œil, Chaz retourner dans la cellule pour enfiler des vêtements de sport.

— Qu'est-ce que tu regardes ? Tu aimes le spectacle ? se moqua son codétenu en enfilant un débardeur blanc sur sa musculature découpée au couteau.

Le brun détourna rapidement les yeux et serra les poings. Ricanant, Chaz termina de se vêtir, puis passa près d'Isaac pour sortir de la cellule. Au passage, il s'arrêta à quelques centimètres de son oreille et lui glissa :

— Ce soir, prépare-toi pour moi.

Il lui mit une main au cul, puis traversa le couloir pour rejoindre l'escalier qui descendait à l'aire commune. Il allait rejoindre le gymnase avec une bande de prisonniers noirs. Isaac frissonna, son ventre se remplissant d'appréhensions. 

De son côté, Isaac ignorait ce qu'il allait faire. C'était sa première vraie journée complète en prison. En bas, il remarqua Wayne. Il décida d'aller le rejoindre pour voir ce que le blond prévoyait de faire aujourd'hui.

— Hey ! l'interpella-t-il en descendant l'escalier.

Wayne s'arrêta et tourna la tête en sa direction. Il lui sourit.

— Hey, dit-il, ça va bien ?

— Oui, qu'est-ce que tu fais habituellement de tes journées... ici, je veux dire ? Je suis un peu perdu et je ne sais pas trop où aller...

— Oh, alors, il y a beaucoup de choses. Tu peux t'inscrire à des cours pour compléter tes diplômes, tu peux aller faire du sport au gymnase, tu peux avoir des groupes de discussion, il y a également des communautés religieuses, si tu le souhaites, ou encore prendre rendez-vous avec la psy. Beaucoup de détenus restent aussi simplement dans l'aire commune pour parler ou comploter. Il y a aussi moyen, si tu as un comportement exemplaire, que tu puisses décrocher un travail à la cantine, à la bibliothèque ou au salon de coiffure de la prison.

Isaac hocha la tête à chacune des propositions, soupesant les pours et les contres de chacune.

— Et toi, qu'est-ce que tu allais faire ?

— Je ne sais pas trop. Regarder le basket, je pense. Je ne joue pas : je ne suis pas assez grand et je ne suis pas assez bon, mais il y a toujours des détenus qui font des parties. Parfois, il y a des tournois entre les quartiers. Puis, c'est un bon endroit pour rencontrer les autres et marchander.

— Je peux venir avec toi ?

— Bien sûr. C'est mieux d'y aller à plusieurs, de toute façon. C'est un des seuls endroits où tous les groupes se retrouvent mélangés, alors si tu y vas tout seul : tu peux te faire attaquer par un groupe ennemi si le tien n'est pas là pour assurer tes arrières.