Chapitre 49

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Chapitre 49.

Isaac serra les dents. Il n'allait pas se laisser faire. Plus jamais.

— Je ne t'appartiens pas, Chaz. Ce que je fais de mon corps ne te regarde pas. Alors, lâche-moi et fous-moi la paix. Qu'est-ce que ça peut te faire de toute façon ?

L'Afro-américain fulminait, mais il ne savait pas quoi dire. Finalement, il lâcha brusquement le bras d'Isaac et, mâchoire crispée, se détourna. Le ton qu'il prit ensuite fut froid et vindicatif :

— Barre-toi. Sors d'ici et ne reviens pas.

Isaac ne se fit pas prier. Il fusilla Chaz du regard et sortit de son ancienne cellule. Devant la porte refermée, il se frotta le visage. Broyant du noir, il retourna dans la cellule qu'il partageait avec Wilds et trouva une lettre cachetée sur son lit. L'agent du FBI était sur sa couchette, remplissant des rapports sur son portable.

Le Californien fronça les sourcils et ramassa l'enveloppe avec un air perplexe.

— Qu'est-ce que c'est ?

Il observa sa trouvaille sous tous les angles avec un intérêt dubitatif. Elle avait déjà été ouverte, puis cachetée à nouveau. Tout ce que recevait les détenues étaient scrupuleusement inspectés avant de leur être remis. Cela évitait que des armes, de la drogue ou de quelconques plans d'évasion circulent via la correspondance des prisonniers.

— Tu as reçu du courrier.

Il avait oublié qu'aujourd'hui était le jour du courrier. Depuis qu'il était arrivé à West Island, il n'avait pas reçu une seule lettre. Il avait bien reçu un peu d'argent au départ, mais c'était tout. Son père devait avoir honte de savoir son fils en prison.

— C'est de toi ?

Wilds secoua la tête.

— De Chaz ?

Le brun eut un sourire amer.

— Sûrement pas.

Isaac s'assit sur son lit et déchira l'enveloppe – avec une certaine méfiance (on n'était jamais trop prudent) – pour en sortir une feuille pliée en quatre remplie de mots. La calligraphie était jolie et soignées. Écrites à la main, les lettres, attachées entres-elles, étaient petites, courbées et un peu penchées sur le côté.

Cher Isaac (c'est bien ça, n'est-ce pas ?),

Je sais que l'on ne se connait pas encore, mais je devais t'écrire. Mon frère m'a parlé de toi la dernière fois que je lui ai rendu visite. Ton nom est revenu ensuite quelques fois dans ses lettres ou dans ses coups de téléphone. J'ai eu vent de votre arrangement. Il te protège, non ?

Mon frère a toujours été comme ça. Il a toujours voulu jouer aux héros et protéger tout le monde autour de lui. C'est pour ça qu'il est en prison. Pour moi. T'a-t-il raconté ? Il n'est pas celui qu'on croit. La mort de nos parents, la pauvreté, les gangs, la violence et la prison l'ont fait devenir comme ça. Je sais que ça n'excuse pas ses actes, mais il a fait tout ça pour moi... Il voulait faire assez d'argent pour que je puisse aller à l'école. La drogue, les gangs... c'était la seule solution qu'un gamin des bas-fonds de Detroit entrevoyait.

Et maintenant qu'il est à West Island, en taule, c'est question de survie. Il a pris perpet' (et je ne me leur pardonnerai jamais ; j'aurais dû le stopper, je sentais qu'il allait faire un truc ce soir-là...), alors il n'allait pas se laisser marcher sur les pieds. Si on doit passer plusieurs années derrière les barreaux, autant se mettre bien. Plusieurs de nos amis, de nos connaissances ou des membres de notre famille (cousins et oncles) avaient déjà fait de la prison avant. Il savait donc à quoi s'attendre. Mais peut-on vraiment être préparé à ça ? Tu répondras mieux que moi à cette question.

Mais bref, je dois en venir aux faits. Tu dois trouver ça bizarre que je t'écrive. Je suis désolée, mais j'ai une grande demande à te faire, un immense service à te demander.

Mon frère ne peut pas compter sur beaucoup de personnes à West Island... Et, de jour en jour, d'année en année, il s'enfonce et il sombre. Alors... Isaac, je ne te ferais pas cette demande si je ne te considérais pas comme mon seul espoir et si je n'avais pas la certitude que tu es parvenu à gagner la confiance de mon frangin. Tu es la seule personne à qui je peux demander une telle chose. Je m'excuse d'avance de t'imposer une telle pression. Alors, voici ma demande...

S'il te plaît, Isaac, sauve Chaz, sauve mon frère. Des autres... mais surtout de lui-même. C'en est terminé de jouer les héros. Je t'en conjure : sauve-le.

Brianna.

Immobile, Isaac resta interdit en lisant les derniers mots de la lettre. Il ne savait pas quoi faire, de quelle façon réagir. Une part de lui voulait déchiqueter le papier et oublier tout ça, mais il ne pouvait pas... De toute façon, ses mains ne voulaient pas bouger.

— Isaac ? l'interrogea Wilds en le remarquant aussi figé.

Le brun ne répondit pas, les yeux ancrés sur les mots qu'il lisait et relisait encore et encore. Pourquoi Brianna avait-elle décidé de lui écrire, à lui ? Et pourquoi maintenant ? Ça ne pouvait pas plus mal tomber... C'était à peu près le pire moment pour l'investir d'une mission vis-à-vis de Chaz.

Et Brianna qui paraissait si innocente... Elle n'était sans doute pas au courant des « détails » de leur ancien « arrangement ». Isaac ne pouvait pas lui en vouloir. Elle cherchait à protéger son frère, la seule famille qui lui restait... Mais merde, quoi ! Elle aurait dû demander à quelqu'un d'autre ! Le Californien ne pouvait pas faire ça... 

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