Chapitre 29

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Chapitre 29.

— Bon sang, qu'est-ce que tu as encore, Isaac ? s'énerva Chaz en levant les yeux vers son codétenu, assis sur sa couchette de l'autre côté de la chambre.

L'Afro-américain trouvait que le Californien agissait de manière bizarre depuis qu'il était revenu de son travail. Peut-être le stress ?

Isaac apporta une main à son ventre qui venait de gargouiller pour la énième fois, énervant son vis-à-vis.

— Désolé, il y a eu beaucoup de clients aujourd'hui et j'ai dû manquer le repas. J'ai un peu faim, c'est tout.

Il omit, bien sûr, de mentionner son entretien secret avec le directeur.

Chaz resta silencieux pendant de longues secondes. Isaac allait retourner à ses occupations – un nouveau livre emprunté à la bibliothèque –, quand son interlocuteur soupira, se leva, fouilla dans son armoire personnelle, puis se tourna à nouveau vers lui en agitant quelque chose :

— Viens, ordonna-t-il sur un ton las.

Il tenait un sachet de ramen séché dans sa main.

Surpris, Isaac mit son roman de côté et le suivit à l'extérieur de la cellule sans trop savoir où ils allaient.

Chaz finit par arriver dans la salle des micro-ondes. Il versa de l'eau dans un bol de plastique, déchira le sachet de ramen d'un coup de dent, laissa tomber les plaquettes de pâtes sèches dans le mélange et y rajouta les épices avant de mettre le tout à chauffer. Quand le « bip » du micro-onde retentit, sous les yeux étonnés d'Isaac, il reprit le bol et le déposa sur une petite table non-loin avec des couverts.

— Assis-toi. Et mange.

Isaac resta stoïque quelques instants, n'osant pas bouger. Il avait la certitude que Chaz était un salaud, mais pourtant, parfois, l'homme avait des élans de gentillesse comme celui-là qui le faisait douter de lui-même. Et toutes ces attentions rendaient les paroles de Ronaldo à propos de Chaz encore plus mystérieuses. Il ne tenait plus qu'à Isaac de découvrir la vérité.

Nerveux, jetant un dernier coup d'œil à son codétenu, le brun obéit à ses ordres. Il prit place sur la chaise et laissa son estomac parler pour lui. Que les ramen goûtent l'eau, qu'ils soient trop épicés, pas assez chauds, qu'ils contiennent un taux de sel anormalement élevé ou autre lui importait peu. Il avait tellement faim que cela lui parut être les meilleurs ramens du monde ! Ils avaient dû coûter une petite fortune à Chaz à la cantine, par ailleurs, mais l'homme en avait plein, rangés avec les paquets de soupe. Isaac se souvenait d'avoir vu ses provisions une fois dans les premières semaines.

— Merci..., dit-il devant le bol désormais vide, c'était... gentil.

Il avait hésité sur le terme à employer. Wayne lui avait déjà dit que la gentillesse gratuite n'existait pas en prison... Il restait donc méfiant. Or, les agissements de Chaz ne s'expliquaient pas toujours. L'homme paraissait caché beaucoup de choses et être habité par de nombreux démons. Il n'était jamais vraiment possible de savoir à quoi il pensait et quelles étaient ses vraies intentions, elles, gardées secrètes.

Chaz haussa négligemment les épaules et détourna le regard.

— Ce n'était rien, décida-t-il en chassant son remerciement de la main, je n'en pouvais plus d'entendre ton ventre gargouiller de la sorte ; tu m'aurais empêché de dormir.

Isaac esquissa quand même un sourire. Puis, en regardant la grande horloge, il fit remarquer :

— Nous devrions retourner en cellule : les portes vont bientôt fermer.

Après avoir rangé ce dont ils avaient eu besoin pour les ramens, ils retournèrent dans leur piaule, tous les deux le ventre rempli.

— Tu ne crois pas que tu devrais me remercier pour ça ? demanda Chaz à haute voix au bout d'un moment.

Isaac ne cacha pas son étonnement. Il avait presque l'impression que Chaz agissait de cette façon pour garder bonne figure. Après tout, le caïd de la prison ne pouvait pas offrir gratuitement quelque chose à un autre détenu ! Pour conserver son image, il était forcé d'agir de cette façon, ne serait-ce que pour se protéger lui-même et sa carapace.

— Tu n'avais jamais précisé qu'il devait y avoir une contrepartie.

Haussement d'épaule nonchalant.

— Et alors ? Ma « gentillesse » à son prix.

— Et à l'extérieur de la prison ?

Surpris, Chaz cligna des yeux.

— Quoi ?

— Est-ce que tu étais comme ça, dehors, est-ce que ta gentillesse avait aussi un « prix » ?

Le visage de l'homme s'obscurcit. Le sujet paraissait tabou.

— Ce ne sont pas de tes affaires.

Il vint rapidement clair aux yeux d'Isaac que ce ne serait pas aujourd'hui qu'il trouverait des réponses à ses questions.

— Tu as envie que je te suce ? proposa finalement le Californien en regardant le sol.

Il songeait qu'il valait mieux satisfaire son codétenu autant que possible dans le bien du marché qu'ils avaient conclu. Isaac avait aussi remarqué que Chaz était toujours plus détendu après une partie de jambes en l'air, ce qui leur était à tous deux bénéfique. De toute façon, Isaac préférait être celui qui proposait. De cette façon, il pouvait garder un certain contrôle sur ce qui arrivait et s'éviter les mauvaises surprises.

Chaz s'approcha de lui, jusqu'à ce que leur corps se frôlent. Il se pencha à son oreille et murmura sur un ton grave qui vint chatouiller son canal auditif :

— Ce dont j'ai envie, Isaac, c'est de te prendre contre un mur et de te faire crier mon nom jusqu'au petit matin. Je te ferai jouir comme jamais tu n'as joui.

Ne pas avoir fait jouir son codétenu lors de leur dernière relation lui était apparemment resté en-travers de la gorge. Frissonnant, Isaac déglutit, ignorant s'il pourrait en supporter autant... 

Entre les barresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant