Chapitre 64

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Chapitre 64.

— Chaz ?

L'homme ouvrit les yeux à demi seulement, posant son regard sur le visage de Ronaldo qui lui lavait les cheveux. Le mouvement des doigts de l'Italien contre son crâne l'endormait.

— Hmm... ?

— D'après tout ce que tu m'as raconté sur ta journée avec Isaac... ça ressemble un peu à moi et Grayson.

Chaz fronça les sourcils en redressant la tête.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

Il n'était pas certain d'aimer là où s'en allait le coiffeur avec sa comparaison.

— Je veux dire... faire des cadeaux, protéger et vouloir passer le plus de temps possible avec cette personne... Grayson fait la même chose. (Il marqua une pause.) Avec moi.

Chaz se renfrogna.

— Je ne vois pas là où tu veux en venir, Ronaldo, tu ferais mieux d'en venir tout de suite aux faits parce que tu aiguises ma patience.

— Fais attention, il ne faut jamais mettre en rogne un gars armé de ciseau, prévint le barbier avec un léger sourire désinvolte.

Il était habitué aux sauts d'humeur réguliers de son client. Avec un haussement d'épaule, il reprit :

— Tu n'aimerais pas ce que je vais te dire, mais tous les signes laissent penser que tu es tombé amoureux d'Isaac.

Chaz tressaillit.

— Les ciseaux, lui rappela Ronaldo en mimant le geste de découper quelque chose avec deux doigts.

L'Afro-américain, malgré tous les sentiments qui bouillonnaient dans ses veines, parut se ressaisir.

— Désolé, murmura-t-il dans sa barbe. Mais tu ne peux pas sortir des trucs du genre sans prévenir. Je ne suis absolument pas amoureux d'Isaac. Si je l'étais... je le saurais. Je ne suis même pas gay !

Le coiffeur sourcilla. Quand Chaz les avait surpris, lui et Grayson, quelques années auparavant, Ronaldo n'avait pas été dupe. Il avait vu le visage de l'Afro-américain, son expression... et surtout cette bosse dans son pantalon. Pour lui, Chaz se mentait à lui-même et ils le savaient tous les deux.

Mais il pouvait comprendre le jeune homme. Être ouvertement gay en prison, c'était comme chercher intentionnellement les problèmes. Il valait mieux être le chasseur que la proie.

— Tu es sûr de ça ?

Chaz prit une lente inspiration.

— Il me fait penser à Brianna, c'est tout. Je regrette ce que je lui ai fais et j'essaie de me faire pardonner et de le protéger.

— Peux-tu vraiment protéger quelqu'un qui ne veut pas être protégé ? Tu t'acharnes comme si tu avais des sentiments. À quoi riment ces petites journées intimes passées l'un avec l'autre ?

L'Afro-américain serra les poings.

— Sans moi, il se ferait dévorer. La prison est pleine de requins. Tu le sais mieux que personne ! Passer du temps avec lui est la meilleure façon de tenir les autres à l'écart.

Ronaldo haussa un sourcil, légèrement provocateur et dubitatif à la fois.

— Les cadeaux aussi ont le même objectif ?

Chaz était de plus en plus raide et ses doigts s'enfonçaient dans le cuir de la chaise. Il n'appréciait pas ce que l'Italien était en train de faire.

— C'était pour me faire pardonner, se défendit-il, rien de plus. Je voulais qu'il ne manque de rien.

— Bien joué. Lui as-tu seulement demandé ce qu'il voulait ?

— Sûrement que je lui foute la paix, mais... c'est impossible. Je ne suis pas de ce genre-là. On ne se débarrasse pas de moi aussi aisément.

— Tu crois que c'est facile pour lui de te côtoyer après tout ça ?

Chaz déglutit.

— Les choses s'améliorent. Il ne connaît que cette facette de moi. Il apprendra à en connaître d'autres.

— Même si tu dois forcer le destin pour y arriver ?

— Je règne sur West Island : je fais ce que je veux. Ni le destin ni quoique ce soit d'autre ne me résistera.

Il voulait Isaac et, en bout de ligne, il l'aurait.

— Et tu prétends toujours ne rien ressentir à son égard ? Tu es bien aveugle, Chaz, ou alors tu es très doué pour te mentir à toi-même... Et je sais de quoi je parle... Aller, debout, on passe à la chaise de coupe.

Sans laisser le temps à son client de répliquer ou d'être en colère, Ronaldo enroula une serviette autour de la tête de Chaz, puis le suivit jusqu'à la chaise qui faisait face au large miroir contre le mur.

— Si tu le lui disais, il te pardonnerait peut-être plus vite.

Leur regard se croisèrent dans le reflet du miroir. Une lueur d'hésitation traversa les prunelles du dreadeux.

— Tu as voulu soulager des pulsions depuis longtemps enfouies sans te soucier de ses sentiments, rajouta Ronaldo en réajustant les dreads de Chaz, puis à force de passer du temps avec lui, même si tu l'associais d'abord à ta sœur, tu t'es rendu compte que l'affection que tu lui portais n'avait rien à voir avec ce que tu pourrais ressentir pour Brianna et, avant que tu ne t'en rendes compte, tu étais amoureux. Et les sentiments peuvent faire faire des choses horribles aux gens. Tu voulais son attention, tu voulais son corps, lui en entier et juste pour toi, alors tu l'as pris, tu t'es arrangé pour l'obtenir, mais ce n'était pas la bonne façon de procéder. Il n'est pas trop tard pour réparer tes erreurs, mais tu dois être à l'écoute de ce que veux vraiment Isaac. Laisse-le tranquille si c'est ce qu'il demande. Tu lui dois bien ça, non ?

Chaz secoua la tête.

— Les sentiments ne sont qu'une faiblesse. Ce n'est pas comme ça.

Tenir à quelqu'un, c'était se munir d'un nouveau point faible. Plus on s'attachait, plus on risquait d'être blessé ensuite. Avec Brianna, avec sa mère, avec son père... Chaz avait bien retenu la leçon. Pourtant, il avait laissé Isaac commencer à compter. Et maintenant, il le voulait avec lui parce que c'était la seule façon de le tenir à l'œil et de le protéger dans un environnement aussi hostile que West Island. Il n'allait pas le laisser lui échapper.

— Tu n'abandonneras pas, n'est-ce pas ?

— Non. Ce n'est pas dans ma nature.

— Alors, arrête de te voiler la face au moins. Tu dois la vérité à Isaac.

Au risque de le blesser davantage. Au moins, il comprendrait un peu mieux les agissements irraisonnés de son agresseur et ses tentatives de rédemption. Ensuite, Isaac pourrait décider par lui-même s'il souhaitait pardonner Chaz et ce qu'il ferait de sa confession.

— La vérité..., répéta-t-il en grimaçant.

Le cadet eut un rire amer. Il pensa au syndrome de Lima... Était-il vraiment amoureux d'Isaac ? Au fond de lui, une petite voix le savait et lui soufflait, pernicieuse, la réponse. 

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Alors, pardonner Chaz ou ne pas pardonner Chaz ? 

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