Entre les barres

Chapitre 22

Chapitre 22.

Au salon de coiffure de West Island, Isaac fit la connaissance de Ronaldo, le coiffeur responsable. Il avait été condamné à la prison après des vols de voiture, mais dehors, il avait pour habitude de couper les cheveux. Il était Italien et avait des rapports étroits avec la mafia Sicilienne.

Ronaldo était un homme assez grand, une coiffure bouclée élaborée et de petits yeux verts.

— Alors, c'est toi, le nouvel assistant ?

Isaac hocha la tête.

— Oui, on m'a envoyé ici après quelques... démêlés...

— En fait, tu as plutôt de la chance, gamin. Vaut mieux être ici qu'à la cantine, crois-moi !

Le brun le croyait volontiers.

— Ça fait longtemps que tu fais ça ?

— Depuis mon arrivée à West Island, quasiment. Quand on est incarcéré ici, avoir un job, même si le salaire est de presque rien, ça désennui et ça permet de rester à l'extérieur des conflits.

Les propos de Ronaldo donnèrent vraiment envie à Isaac de se trouver un emploi dans la prison sitôt que sa punition au salon de coiffure serait levée. En fait, travailler – ou être puni au salon – lui permettrait de passer moins de temps dans les aires communes et, ça, il n'était pas contre. Plus loin pouvait-il s'éloigner de Johnsson, de sa bande et même de Chaz, mieux il se sentirait.

— Bon, pour commencer, rajouta l'Italien, il faudrait que tu balaies le plancher et que tu époussettes les étagères avec les produits, là-bas.

Isaac ne protesta pas et se mit de bon gré au travail. Accomplir des tâches simples le détendait et faisait passer le temps. Tandis qu'il faisait le ménage, les détenus défilaient pour se faire couper les cheveux qu'il devait ensuite balayer sur le sol. Au bout de quelques heures, il eut droit à une pause à un moment où il n'y avait pas de client dans le salon. Ronaldo vint s'asseoir près de lui et ils discutèrent comme s'ils se connaissaient déjà depuis longtemps.

— Alors, ton codétenu, c'est Chaz, non ?

Isaac hocha la tête.

— Oui..., confirma-t-il à regret.

— Je le connais bien, lui dit le coiffeur, il est un peu effrayant et il paraît très dur, mais il a ses raisons. Si tu apprends à le connaître, tu verras, tu découvriras un autre homme.

Le Californien fronça les sourcils, peinant à croire ce que lui racontait Ronaldo. Il se demandait si l'homme connaissait vraiment Chaz... et s'ils parlaient du même détenu !

— Est-ce qu'on parle de la même personne... ?

Ronaldo rigola doucement, creusent les petites rides au coin de ses yeux.

— Il t'en a sûrement fait baver, non ? Il ne laisse pas les gens l'approcher, alors avoir des codétenus... c'est difficile pour lui. C'est moi qui me suis occupé de ses dreads. Au fil des séances, on a fini par trouver un terrain d'entente. Tu serais surpris des confidences qu'on fait sur ma chaise. Être coiffeur, c'est aussi être un peu psychologue.

Isaac secoua la tête. Chaz avait peut-être beau dire beaucoup de choses à Ronaldo, il doutait qu'il lui ait raconté à quel point il lui en avait fait voir de toutes les couleurs.

— Il est impossible. Il n'y a aucune bonne raison valable d'avoir fait tout ce qu'il m'a fait subir en aussi peu de semaines.

Ronaldo sourit.

— Tu sais pour quelle raison il a été incarcéré ?

— Non, tout ce qu'il m'a dit, lors de mon premier jour, c'est qu'il avait pris perpétuité.

— C'est la vérité. Écoute, petit, je ne peux pas parler pour lui. Comme nous tous, Chaz a ses secrets, mais si tu trouves la raison pour laquelle il est ici, tu comprendras beaucoup de choses.

La curiosité d'Isaac fut piquée au vif. Que Chaz puisse avoir de bonnes raisons – outre le climat rude de la prison – d'agir comme il le faisait, d'être devenu ce qu'il était ou qu'il puisse être complètement différent une fois débarrassé de sa carapace lui paraissait tellement... surréaliste. Ronaldo avait l'air d'être un homme de confiance et Isaac ne voyait aucune raison pour lui de lui mentir sur quelque chose comme ça, pourtant il peinait encore à le croire. Et même si Chaz s'avérait être différent de ce qu'il laissait paraître, cela n'effacerait pas ce qu'il lui avait fait. En aucun cas.

— La perpétuité est généralement réservé aux pires crimes, tenta de deviner Isaac, je me suis imaginé des tas de choses depuis que je suis là. Il a tué, hein ? C'est forcément ça...

Rien que d'y penser, il en frissonna. Ronaldo se contenta de lui sourire tristement, gardant le silence. Clairement, le coiffeur ne dirait rien. Secret professionnel obligeait.

Et Isaac sut qu'il devait avoir le cœur net au sujet du crime de son codétenu. Il le confronterait à ce sujet. Partageait-il vraiment sa cellule – et son corps – avec un assassin ? Qu'avait bien pu faire Chaz pour se prendre perpétuité... et quels secrets cachait-il ?