Chapitre 43.
Le lendemain à la première heure, Isaac était dans la buanderie de la prison en train de regarder la couverture tourner dans la machine à laver. Un air satisfait sur le visage, il se frotta les mains. Voilà, c'en était fini du parfum de Chaz collé à chacune des fibres du tissu. Désormais, cette couverture serait complètement sienne. Son ancien codétenu n'aurait plus d'emprise sur lui, plus de rappel de sa présence et de ce qu'il lui avait fait.
Quand la laveuse clignota, il sortit la couverture et, après l'avoir sentie, la balança dans la sécheuse. L'odeur de Chaz n'était plus qu'un mauvais souvenir. Au même moment, quand il allait appuyer sur le bouton et enregistrer son paiement, Wayne entra dans la buanderie et sorti des vêtements d'une machine à laver voisine.
— Hey, tu fais ton lavage, toi aussi ? lui demanda le blond. On partage la sécheuse ?
Isaac hocha la tête. Il n'avait aucune raison de refuser. Il ne faisait sécher que sa couverture. Ils mirent en commun vêtements et couverture et fermèrent la sécheuse.
— Tu as réfléchi à ce dont je t'ai parlé la dernière fois ? rajouta Wayne en s'appuyant contre une machine à laver, les bras croisés.
— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée...
— Je t'ai dit : le plan est imparable. À quoi tu joues, Isaac ? Une chance comme celle-là ne se représentera pas...
— Et si on se fait pincer ?
— On ne se fera pas pincer...
— Je n'ai tout de même pas envie de risquer ça...
Il ne pouvait pas parler à Wayne de la liberté conditionnelle qu'il obtiendrait en aidant Wilds, mais c'était bien plus alléchant que son plan d'évasion, aussi bon et sûr soit-il.
— Putain, Isaac !
Le Californien baissa les yeux.
— Désolé, dit-il, mais je te promets que je ne parlerai pas de ton plan. Si tu t'évades, tu m'enverras des cartes postales.
— Il me faut un partenaire..., se contenta de murmurer Wayne en secouant la tête. Seul, ça ne marchera pas.
— On est en prison : je suis sûr qu'il ne manque pas de ça, des mecs qui ont envie de s'évader.
— Je ne peux pas faire confiance à tout le monde. N'as-tu donc encore rien compris à la façon dont fonctionne West Island ? Même si j'ai confiance en toi, maintenant que tu connais mes intentions et alors que tu ne m'aideras pas, tu es déjà une personne de trop à savoir.
— Désolé... je n'en parlerai pas.
C'était tout ce qu'il pouvait dire.
***
Au dîner, Isaac mangeait à une table, tenue un peu à l'écart, avec Wilds qui lui demandait des informations sur tel ou tel autre détenu qui attirait son attention dans le réfectoire. Aujourd'hui, les patates pilées et les boulettes de viande à la sauce n'étaient pas trop mal dans le plateau-repas. C'était un bon jour. Pourtant, quand Isaac balayait la salle du regard, quelque chose clochait...
— Qu'est-ce que tu as ? finit par lui demander l'agent sous couverture, soucieux. Tu regardes partout comme si tu cherchais quelque chose. Je suis supposé être celui à avoir ce genre de comportements.
Le brun fronça les sourcils.
— Juste... je ne vois pas Chaz.
L'inspecteur termina sa bouchée et haussa les épaules. Il se souvenait de son altercation avec l'Afro-américain la veille. En y repensant, Chaz avait eu l'air assez agacé. Il avait probablement eu besoin de se détendre les nerfs sur quelque chose... ou quelqu'un.
— Oh, tu n'as pas entendu les nouvelles ? C'est Grayson qui m'a prévenu. Il y a eu une rixe, toute à l'heure. Un détenu du nom de Jonathan... non, ce n'était pas ça. Jones, non plus... Johnsson, ah oui, c'est ça ! Le mec a dû être transféré à l'hôpital... Il s'est fait planter et défoncer à coups de poings.
Isaac se figea. Il arrêta de bouger jusqu'à ne plus respirer. Il était partagé de plusieurs émotions contradictoires... la surprise, le choc, la colère, le soulagement... La surprise, car c'était la dernière chose à laquelle il s'était attendu. Le choc puisque le combat avait dû être violent... Il imaginait le sang sur le plancher, pareil au sang qui avait taché ses draps quand il partageait encore sa cellule avec Chaz... La colère, car il avait horreur que son ex codétenu se mêle encore de sa vie, puis le soulagement : Johnsson ne pourrait plus l'embêter.
— Chaz est à l'isolement, rajouta Wilds sur un ton désinvolte sans paraître remarqué sa réaction. Tu avais raison de me prévenir : ce mec est vraiment dangereux...
Ainsi que le premier nom sur sa liste de suspects. Malheureusement, pour pouvoir valider ou invalider la théorie selon laquelle il était l'homme qu'il cherchait, Chaz devait sortir des quartiers disciplinaires et le plus tôt possible. Il devrait en toucher deux mots à Grayson.
— À l'isolement, pour combien de temps ? demanda Isaac, le regard fixe et les doigts serrés sur le manche de sa fourchette en plastique.
— Si ce n'était que de moi : le moins longtemps possible. J'ai besoin de lui. Je dois devenir son ami. Vous aviez l'air proches, hier, j'imagine que tu as envie qu'il sorte rapidement aussi, non ?
Isaac leva les yeux au ciel.
— Je ne sais pas trop.
C'était la vérité. Il n'en savait rien. Il s'était affranchi de Chaz, mais l'homme semblait continuer de veiller sur lui dans l'ombre. Isaac savait qu'il était la raison principale qui avait conduit l'Afro-américain à s'en prendre à Johnsson. Cela le rendait confus.
— Ce Johnsson, tu le connaissais ?
Un rictus naquit aux coins des lèvres du Californien.
— J'ai eu cette... malchance.
Wilds le sonda du regard quelques secondes et parut comprendre qu'il s'agissait d'une corde sensible. Il se tût un moment, puis reprit en soupirant :
— Juste une question : est-ce qu'il a mérité ce que Chaz lui a fait ?
Isaac prit un instant pour réfléchir. Il pinça les lèvres et secoua la tête :
— Chaque coup.

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Action[𝑀 𝓍 𝑀] Après s'être fait arrêter avec deux kilos de cocaïne, Isaac est placé en détention à la prison de West Island. Il doit partager sa cellule avec un dénommé Chaz qui se trouve être le chef des prisonniers à l'intérieur de l'établissement ca...