Entre les barres

Chapitre 46

Chapitre 46.

La vie à West Island était presque devenue supportable. Isaac souriait de plus en plus souvent, ce qui faisait la joie de Wilds. Pourtant, le Californien savait que tout ses soucis n'étaient pas derrière lui. Il avait le pressentiment que quelque chose arriverait.

Un matin, tandis qu'il bossait au salon de coiffure, Chaz passa la porte d'entrée et prit place sur le siège du coiffeur. Isaac fronça les sourcils et l'observa de loin. Il était persuadé que Chaz l'observait depuis son reflet dans le miroir.

— Isaac, l'appela Ronaldo, apporte-moi les produits qui sont sur l'étagère là-bas.

Chaz était venu pour faire rafraîchir ses dreads, mais... Isaac savait que ce ne devait pas être la seule raison. Soupirant, il apporta ce qu'avait demandé le coiffeur et posa les bouteilles sur le petit meuble.

— Ronaldo, dit Chaz, tu serais assez conciliant pour nous laisser deux minutes ?

L'Italien observa l'Afro-américain pendant quelques secondes, puis hocha la tête. Il obéissait à Chaz pour ne pas porter préjudice à Grayson, mais au fond de lui... il avait la sensation que quelque chose se tramait et qu'Isaac n'avait pas envie d'être laissé seul avec son ancien codétenu.

— S'il se passe quelque chose dans mon salon, je le saurai, prévint simplement Ronaldo, alors essaie de garder les mains dans tes poches.

Chaz plissa les yeux et fit claquer sa langue contre son palet.

— Je ne peux rien promettre.

Ronaldo fronça les sourcils, puis donna une petite tape dans le dos d'Isaac qui frissonnait :

— Je suis désolé, s'excusa-t-il en s'éclipsant.

Le Californien se racla la gorge.

— Je t'ai déjà dit que le marché ne tenait plus et que tout était terminé. Qu'est-ce que tu veux, Chaz ?

— Que tu reviennes.

Isaac resta interdit durant plusieurs secondes, regardant fixement le visage de Chaz, comme pour deviner s'il blaguait.

— Tu es sérieux.

Ce n'était même pas une question. Juste une affirmation.

— Je le suis.

— C'est complètement insensé. Pourquoi est-ce que je voudrais revenir ?

Non, vraiment, il n'y tenait pas. Il avait trouvé la paix avec Wilds.

— Parce que je te le demande.

Isaac grimaça tout en secouant la tête.

— Tout ne fonctionne pas comme ça. Je ne suis plus le petit newbie naïf sur les règles de la prison que lorsque je suis arrivé. Il ne suffit plus de juste me demander quelque chose pour que j'obéisse. Je n'ai plus peur de toi, Chaz.

Et c'était sans doute sa plus grande amélioration. Il était soulagé de pouvoir le dire à voix haute. S'il pouvait le dire, c'était la preuve que Chaz n'aurait vraiment plus d'emprise sur lui.

Bien sûr, la réponse d'Isaac ne plut pas à son vis-à-vis. L'Afro-américain fronça les sourcils, une légère expression de mécontentement sur le visage. Ses poings se serrèrent sur les accoudoirs du fauteuil de coiffure. Il avait un « tu devrais avoir peur » sur le bord des lèvres, mais il s'abstint. En vérité, il ne voulait plus qu'Isaac ait peur... mais il n'avait pas vraiment d'autres arguments pour le faire revenir ; d'où son énervement.

— Je sais que Grayson t'a demandé d'être sa taupe, finit-il par lâcher en dernier recours, pensant tenir l'information qui ferait plier Isaac en sa faveur.

Le Californien secoua la tête.

— J'ai refusé.

Puis, le brun déglutit.

— Comment as-tu appris ça ?

— Je sais tout ici, tu devrais le savoir, répliqua Chaz avec un sourire suffisant. Je sais aussi que tu devrais revenir. Je n'aime pas que tu sois à l'écart ; je ne peux pas garder un œil sur tes arrières si tu es loin de moi.

Il devait empêcher que le pire survienne encore... s'il ne surveillait pas Isaac, il lui arriverait la même chose qu'à Brianna une nouvelle fois. Il ne pouvait pas laisser une telle chose arriver. Le brun était aussi innocent que l'était sa sœur. C'était son rôle de veiller sur lui.

Isaac se fit plus dur.

— Je n'ai pas besoin de ta protection. Combien de fois vais-je devoir te le répéter ? Le marché est terminé, Chaz. Tu vas devoir l'accepter.

La mâchoire de son interlocuteur se crispa.

— Je n'accepte pas de perdre.

Surtout face à ton espèce de nouveau codétenu à l'allure débraillé qui sort de nulle part..., pensa-t-il très fort. Pour qui il se prend, lui, d'ailleurs ?

— Eh bien, ce sera une première.

Isaac allait se détourner pour aller chercher Ronaldo quand la main de Chaz s'enroula autour de son poignet et le retint.

— Isaac..., murmura-t-il.

Sa voix était suppliante. Le Californien ne l'avait jamais entendue.

— ... s'il te plaît.

Isaac hésita peut-être une demie seconde, mais il secoua vivement la tête et dégagea son poignet.

— C'est non. Je suis désolé.

Il n'y avait aucune chance pour qu'il retourne avec Chaz. Il savait que ce dernier recommencerait à le traiter comme avant s'il revenait... il ne croyait pas en sa rédemption. Il avait trop souffert.

— Je vais chercher Ronaldo. Ensuite, je te le demande, ne reviens plus ici quand j'y suis. Si tu sais tout, tu devrais n'avoir aucun mal à connaître mon horaire. Je vis très bien sans toi, mieux même. Mon codétenu est très gentil avec moi et il m'offre plein de petites attentions, alors je ne reviendrai pas avec toi. Tu es mauvais, Chaz, aussi mauvais que l'homme que tu as toi-même tué. Alors, juste... fait comme si je n'existais pas.

Le visage de Chaz s'obscurcit. Il eut l'air d'avoir quelque chose sur le bout de la langue, mais il ne dit rien. Il se contenta de serrer les lèvres et de détourner le regard.

Fais chier, pensa-t-il.

Rien ne se déroulait comme il l'avait prévu. Isaac lui filait entre les doigts. Il savait qu'il avait fait des erreurs... de grosses erreurs, mais il voulait les réparer. Le Californien ne paraissait pas prêt à lui en donner la chance. Il le comprenait. Or, Chaz était partagé entre son égoïsme et sa raison.

D'un côté, il aurait voulu tout faire et tout mettre en œuvre pour obliger Isaac à revenir dans sa cellule, quitte à être malhonnête et à magouiller, afin de pouvoir le protéger comme il se le devait. Le jeune homme prenait l'image de sa sœur et il ne se le pardonnerait pas s'il lui arrivait encore quelque chose de malheureux...

De l'autre côté, il se voyait lui-même comme le monstre qu'Isaac avait décrit et il n'avait pas envie d'imposer un tel démon à son ange.

Alors, que faire ? N'y avait-il donc aucune façon de se racheter ?