Entre les barres

Chapitre 33

Chapitre 33.

Chaz entra dans l'isoloir et décrocha le téléphone, menotte aux poignets. Derrière la vitre, une jolie femme s'approcha. Sa peau était noire, ses cheveux charbon bouclaient jusqu'à sa fine taille. Ses yeux avaient une forme amande, surplombés de longs cils qui ombrageaient des pupilles si noires qu'elles n'en laissaient pas passer la lumière. Elle ne devait pas avoir plus de vingt ans. Son nez était droit, son visage avait des traits agréables et féminins. Elle ressemblait beaucoup au détenu auquel elle était venue rendre visite.

— Chaz !

Elle décrocha le téléphone à son tour. Les lèvres de Chaz s'étirèrent dans un lent sourire qui avait quelque chose... d'affectueux. Une expression que ni Isaac ni aucun autre détenu n'avait déjà eu le loisir de lire sur son visage.

— Hey, sœurette.

— Comment tu vas ?

Elle le couva d'un doux regard. Voir son frère derrière les barreaux lui était douloureux à chaque fois, mais elle continuait de venir le voir au moins une fois par mois. Après tout, c'était à cause d'elle qu'il était ici...

— J'au des mauvaises nouvelles... Taylor Russel des Snake a été transféré ici il y a quelques jours.

Il y avait dû y avoir un surplus de prisonniers dans la prison où il avait été incarcéré en premier lieu ou alors il avait eu des problèmes avec l'administration ou d'autres détenus, conduisant à son transfert dans un autre établissement.

Le visage de la jeune femme s'assombrit.

— Promet-moi que tu ne feras rien. Tu as déjà trop sacrifié, Chaz...

La mâchoire du prisonnier se crispa.

— Je ne peux rien promettre.

Merde, sa sœur pensait comme Isaac, mais tous les deux n'avaient pas conscience de ce que représentait l'univers carcéral et sa réputation au sein de celle-ci. Isaac sortirait de prison un jour et tout ça serait loin derrière lui. Sa sœur n'y mettrait jamais les pieds. Ils n'avaient aucune idée de ce que c'était... Chaz y passerait sa vie. Une erreur pourrait lui être fatale et lui coûter le peu de confort qu'il avait réussi à accumuler au fil des années.

— Tu me fais penser à quelqu'un, dit-il avec un rictus.

— Ah, oui ?

— Mon nouveau codétenu : il s'appelle Isaac. Je sais pas ce qu'il fait en prison. Ce n'est pas une place pour lui.

— Il va s'endurcir. Tu n'es toi-même plus exactement le même... La prison change les gens. Pour le meilleur... ou le pire.

— Mais je savais à quoi m'attendre, moi. Je connaissais déjà les codes, j'étais préparé. Lui... si ce n'était pas de moi, il se ferait dévorer tout cru.

— Tu l'as pris sous ton aile ? s'étonna-t-elle.

— Disons que nous avons un... arrangement... Il faut que je le garde, de toute façon, l'administration m'a bien fait comprendre que c'était ma dernière chance... mais pour en revenir à Taylor...

— Chaz..., murmura-t-elle, s'il te plaît.

Il secoua la tête et se mordit la lèvre inférieure.

— Tu sais que je ne peux rien te refuser quand tu me fais ses yeux là.

— Tu feras un effort ?

Il soupira.

— Je ferai comme je peux..., finit-il par concéder, mais si la bagarre devient inévitable, je n'aurai pas le choix. Un Red Spider ne peut pas ignorer un Snake bien longtemps. Et... tu le sais tout autant que moi : il veut sa vengeance.

Sa sœur détourna les yeux.

— Hey..., murmura Chaz, regarde-moi. Il ne faut pas pleurer pour moi. C'était mon rôle de grand-frère de te protéger, depuis la mort de papa et maman. Il n'a eu que ce qu'il méritait.

Elle prit une grande inspiration.

— Et au lieu de laisser la justice s'occuper de lui, tu as laissé la justice s'occuper de toi. J'ai perdu mon grand-frère.

— La justice aurait été trop douce pour ce qu'il t'a fait. Et tu ne m'as pas perdu ; je suis toujours là.

— Tu ne seras jamais là pour mon mariage, tu ne verras pas tes neveux autrement qu'en photos...

— Tu sais que je ne le regrette pas. Je compte sur toi pour m'amener des photos le jour où tu auras des enfants.

Elle s'efforça de sourire.

— Je sais. Je leur dirai à quel point leur tonton est formidable et je les forcerai à t'écrire des lettres.

Chaz rit doucement et son collier sortit de sous son chandail, déplacé par les secousses de son torse.

— Voilà qui sonne comme une excellente idée.

— Tu as gardé la croix de maman ?

Chaz baissa les yeux sur la chaîne en or qu'il replaça instantanément sous ses vêtements.

— Ouais. J'ai été chanceux qu'on me laisse la garder. J'ai pu négocier avec les gardiens et promettre que je ne m'en servirais pas comme arme. De toute manière, il y a bien plus efficace que ça...

Et il était bien placé pour le savoir...

— Mais tu ferais attention, hein ? Je ne tiens pas à recevoir l'annonce de ta mort.

Peu importe comment les choses tourneraient, peu importe dans combien de temps, Chaz savait que sa dernière sortie de la prison serait dans un cercueil...

— Il ne m'arrivera rien.

Même s'il n'y avait rien de moins sûr.

— Mademoiselle Brianna Hensley ?

Brianna tourna la tête.

— Oui ?

Un gardien s'avança vers elle et désigna sa montre du bout du doigt.

— Votre temps de visite est écoulé.

Elle hocha la tête et se pencha pour ramasser son petit sac à main noir.

— Bon, au revoir, frérot. J'essaierai de repasser avant la fin du mois, promit-elle en se levant.

Chaz la regarda s'éloigner derrière la vitre, tandis qu'un second gardien le rejoignait pour le remettre en cellule.