Chapitre 28

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Chapitre 28.

Chaz resta silencieux quelques secondes après la question. Mal à l'aise, les yeux d'Isaac parcoururent le torse tatoué de son codétenu, suivant les lignes d'encre et les cicatrices, puis s'accrochant à la chaîne dorée dans le creux de son cou, plutôt que de regarder son visage. Il avait peur de la réaction que pourrait avoir son interlocuteur. La nature de son crime lui avait paru tabou dans les dernières semaines. Tout le monde semblait avoir son opinion sur le sujet, comme s'il s'agissait d'une sorte d'obscure légende...

Au bout d'un moment, la bouche de Chaz se tordit dans un rictus moqueur et il répondit pour le narguer :

— Tu crois peut-être que j'ai écopé de perpét' pour avoir volé le sac à main de mamie ?

Il était évident que l'homme n'avait pas envie de s'étaler sur le sujet. Il laissa Isaac avec cette impression de n'avoir obtenu qu'une demi-réponse. Il ne répliqua cependant pas par peur d'attiser la colère de Chaz.

Éventuellement, celui-ci roula sur le côté et s'étendit pour dormir, détendu après son orgasme. Isaac n'avait pas l'énergie de retourner dans sa propre couchette qui lui paraissait être à des kilomètres de là. Alors, il ne bougea pas.

Aussi bizarre que cela puisse paraître, il ne se sentait pas menacé de passer la nuit auprès de Chaz. Il savait que l'homme ne tenterait rien d'autre pour aujourd'hui, même si rien ne le lui garantissait.

Au petit matin, Isaac suivit son codétenu dans la cafétéria, ignorant une fois de plus Wayne pour s'installer à la table de l'Afro-américain et de ses amis. C'était toujours un peu bizarre d'être le seul Blanc parmi eux, mais à part quelques blagues graveleuses, personne n'osait rien dire. Chaz les en empêchait par sa seule présence. Isaac ne se sentait pas vraiment à sa place, mais au moins, il ne se sentait plus en danger.

Dans l'après-midi, tandis qu'il bossait au salon de coiffure des gardiens vinrent le chercher pour lui dire que le directeur de la prison souhaitait le voir. Il eut aussitôt une boule dans l'estomac. Qu'avait-il fait de mal ? Des milliers de scénarios tous plus terribles les uns que les autres tournèrent dans sa tête. Et si on avait découvert qu'il avait menti au sujet de l'agression de Chaz ? Et si son codétenu retournait à l'isolement ? Il serait à la merci de Johnsson !

Grayson l'attendait dans son bureau quand il entra pour s'asseoir sur la terriblement inconfortable petite chaise.

— Isaac, dit-il, tu dois te demander pourquoi je t'ai fait venir aujourd'hui, n'est-ce pas ?

Le prisonnier déglutit.

— Oui, monsieur, à vrai dire je...

— N'aies crainte, je ne t'ai pas fait venir pour te punir. Est-ce que tout se passe bien au salon de coiffure ?

— Oui, j'aimerais même avoir l'opportunité de travailler là-bas de façon rémunérée quand ma punition sera levée.

— C'est une bonne chose. Tu sais que ce n'était pas vraiment une « punition », par ailleurs, hein ? Je t'ai surtout envoyé là-bas pour que tu ne sois pas persécuté pendant la journée. Je sais que c'est dur, pour les nouveaux, mais tu as l'air de t'être mieux intégré depuis les derniers jours, non ?

Isaac n'en était pas certain... Il n'avait pas l'impression d'avoir trouvé sa place à West Island. C'était peut-être aussi bien comme ça. Il n'avait pas envie de finir comme ces vieux détenus qui finissaient par considérer l'incarcération comme leur chez-soi et peinaient à se réadapter à la vie dehors.

— Je ne sais pas vraiment..., avoua-t-il.

— Tu manges à la table de Chaz, pourtant. C'est bien que tu te sois rapproché de ton codétenu. Il a toujours été un peu difficile de lui trouver un partenaire de cellule, alors je suis heureux que les choses se passent bien entre vous. Je ne savais pas comment il réagirait à un nouveau codétenu, encore moins à un Blanc. Il était temps qu'il apprenne à se contrôler. Il devait comprendre qu'il y a certaines limites à ne pas franchir à West Island, même pour lui. Enfin, je ne t'ai pas fait venir ici pour te dire tout ça.

— Je m'en doute...

Isaac était toujours nerveux, ne voyant pas du tout où Grayson voulait en venir depuis qu'il avait commencé à parler.

— Tu es un détenu exemplaire, Isaac, tu ne te mêles pas aux gangs, tu travailles au salon de coiffure, tu ne t'es pas battu depuis ton arrivé ni fait d'ennemis et ta peine est d'une longueur moyenne. J'ai quelque chose à te proposer. Puisque tu t'es rapproché de Chaz, tu dois savoir qu'il mène certains trafique illégaux dans l'enceinte de la prison, certains de ceux-ci – notamment concernant la drogue qui peut nuire aux thérapies comportementales et aux cures de certains détenus – font partie de la limite à ne pas franchir.

Le Californien se souvint de comment Chaz l'avait utilisé pour transporter sa drogue d'une cellule à l'autre. Ainsi, si un gardien l'interceptait, il n'aurait rien trouvé sur lui... Isaac était familier avec ce genre de pratiques, puisqu'il s'était lui-même fait arrêter après avoir essayé de faire passer de la cocaïne à la frontière Mexicaine contre une grosse somme d'argent.

— J'ai besoin de quelqu'un comme toi, poursuivit Grayson dans sa lancée, accepte de devenir ma taupe et mon informateur et tu pourrais bénéficier de certains privilèges qui rendraient ton séjour ici plus confortable, tu pourrais peut-être même bénéficier d'une remise de peine.

Isaac resta coi.

— Vous me demandez de devenir un rat ?

C'était le surnom que donnait les détenus aux délateurs.

— Je dirais plutôt une taupe. Bien sûr, cette entente restera secrète et les autres prisonniers n'en seront rien. Seuls certains gardiens obtiendront l'information. Ton implication pourrait grandement accélérer la plupart de nos enquêtes, car à notre plus grand malheur, nous ne pouvons pas avoir des yeux partout et bon nombre de choses nous échappent entre ces murs. Les gardiens ne peuvent pas être toujours là, même si nous le voudrions. Bien sûr, tu peux toujours refuser. Dans un tel cas, cette discussion restera confidentielle.

Grayson appuya ses coudes sur le bureau en bois et joignit ses deux mains.

— Alors, que décides-tu ?

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Qui devrait se méfier le plus de l'autre ? Et si les rôles s'inversaient ?

Isaac ne peut décidément pas rester plus longtemps sans agir entre les murs de West Island, alors quelle sera sa décision ? Et s'il accepte, ne risque-t-il pas de briser la confiance naissante encore fragile entre lui et Chaz ?

Bientôt la suite x)

PS : j'ai un Rantbook nommé "Mon bazar" dans lequel j'explique un peu ma vie et tout ça, notamment concernant mes études et comment je gère Wattpad en même temps (vu que j'ai tout le temps des questions et des "à quand la suite"). Si ça vous intéresse de mieux comprendre mes délais de publication, d'avoir des scoops sur mes histoires ou juste de voir ce qui me passionne, ce que j'aime ou de papoter, n'hésitez pas à faire un tour. Je laisserai le lien en commentaire !

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