Chapitre 1 (Le 275)

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Voilà, après ce petit apéritif, nous rentrons dans le vif du sujet.

Prenez un siège, détendez vous... Et laissez-moi vous présenter...

Votre Lecture :)


La porte révèle les doutes...


             Le brouillard s'était répandu dans toute la ville de Rive-Sang. Il envahissait les ruelles, la place principale et s'insinuait par les fenêtres restées ouvertes des chaumières. L'humidité ambiante rafraîchissait l'air saturé d'odeurs de poissons plus ou moins frais du quartier des docks.

Dans cette cité dominée par les clans de la pègre, on pouvait trouver de tout, à des prix raisonnables. Produits de luxe, ventes en gros ou produits illégaux. Plusieurs gîtes et épiciers des quartiers mal famés proposaient ce genre de produits interdits et à des heures aussi tardives que celle présentement.

C'était le cas de l'auberge « 233 », dont le brouillard empêchait la bonne lisibilité du panneau accroché le long d'une chaîne, au-dessus de l'entrée. Si l'on s'approchait de la porte en bois, on constatait que les chiffres du nom de l'établissement glauque avaient été plusieurs fois barrés puis réécrits avec de la peinture rouge. Le nom initial de l'établissement affichait « 48 ».

On entendit un cri strident à l'intérieur de l'auberge. Cette dernière était sans conteste très animée en ce soir de semaine, à en juger par la présence de plusieurs ombres visibles à l'intérieur. La porte principale s'ouvrit violemment et claqua contre le mur extérieur. Un nouveau cri s'intensifia près de l'entrée et laissa apparaître deux gaillards plutôt bien bâtis. Le premier était aussi musclé que le second était gras. Tous les deux transportaient un jeune homme ivre hors de l'établissement pernicieux. Il était soutenu par les aisselles et se laissait glisser par les deux videurs, armés d'un sabre pour le gros et d'une matraque pour le musclé. Le pauvre saoul était trempé de sang frais et se tenait l'avant-bras droit qui venait d'être amputé de sa main.

Arrivés sur le pas de la porte, les deux hommes jetèrent au sol le jeune blond torse nu, désormais manchot, les lèvres ouvertes boursouflées de contusions. Trop ivre pour se relever, le pauvre bougre hurlait la perte de son membre. Davantage à cause de la panique qu'à cause de la douleur, son taux d'alcoolémie le rendant insensible. Le malheureux prononçait des mots que seul un marin ayant ingéré une bonne quinzaine de bières pouvait comprendre. Son sang souillait les rainures des pavés qui, mélangé avec l'humidité, l'urine et la vomissure d'autres clients, donnait à la rue des Gallois un attrait peu enviable. Ce n'était pourtant pas la première fois que la ruelle était témoin des sévices infligés aux mauvais clients du bar.

La milice et les tuteurs ne tarderaient pas à venir enlever le malotru gémissant pour l'empêcher de geindre à tout va. Qu'il se vide ou pas de son sang n'avait pas d'important, il ne fallait pas déranger le commerce des malfrats, dominé par le clan Naux de la pègre, qui tirait de bonnes recettes en provenance du « 233 ».Les affaires du bar allaient bon train et par conséquent, les intérêts du clan Naux augmentaient proportionnellement.

Tandis que le mourant bavait tout en se plaignant, un individu avec un bonnet rouge et un énorme nez tordu sortit de l'auberge avec un seau de peinture et un escabeau. Sans prêter attention au manchot à ses pieds, Berni le serveur se mit à grimper sur l'escabeau avec son seau à la hauteur de la pancarte. Il trempa son pinceau dans le liquide rouge et barra le nombre « 233 », pour corriger en « 238». Satisfait de son travail, il se moucha dans sa manche et cracha par terre, puis retourna dans l'auberge en claquant la porte.

Apostel NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant