L'agent de la Sybille sortit de l'ombre et marcha lentement vers Uk et le duo de gardiens protégés par leurs cottes de mailles. Le puissant adopta un déhanché de soûlard. Feintant les regards par des zigzags exagérés, afin que l'on croie à sa supercherie. Il devait se faire passer pour quelqu'un d'inoffensif auprès des trois hommes, afin de s'approcher au plus près et subir ce qu'il savait inévitable. Il tomba une ou deux fois, prenant son temps pour se relever difficilement. Le rôle fut joué à la perfection, sous les rires moqueurs des trois réguliers qui se délectèrent de la scène :
- Et ben, mon gaillard, on peut dire que tu t'es pris une sacrée cuite, toi !
- Me....Me... hip ! Messires, les gardes de la porte ! Wôw.... Combien êtes-vous ? Vous êtes beaucoup trop dans ma tête...
- On est trois, mon grand, se moqua Uk. Non seulement t'es saoul comme un coing, mais en plus, t'es con comme un balai !
- Chui... Chui.... pas con... hip ! Mais j'ai... j'ai... hip... j'ai besoin d'une tite pièce, Messires militaires ! Pour une dernière bibine. Avec vot bonté ?
- Haha ! Tu ne crois pas que t'en as assez bu, l'affreux ? Allez, circule maintenant et va cuver ailleurs !
- Très bien... Messire... hip ! Et si je vous donne quelque chose de très précieux, en échange d'une tite... tite... petite pièce ?
- Qu'aurais-tu de valable, toi ? Un clochard parmi tant d'autres dans ce... « paradis »... Ah ! Elle est bonne celle-là...
Et tandis qu'ils continuaient de se payer sa tête, Annatar sortit de sa poche une pierre violette, brillant de mille éclats. Pas plus grosse qu'un ongle de petit doigt, certes, mais d'une beauté rare qui aguicha le regard des trois hommes, soudainement intéressés :
- Qu'est-ce que c'est ? demanda le fourrier, empli d'un regard malveillant et avide d'argent.
- Je ne... hip... sais pas, Messire soldat... hip ! Je l'ai gagné aux jeux... Mais... hip ! ce que je veux, c'est boire ! hip ! Contre quelques pièces... hip !
- Montre, dit-il d'un ton devenu sérieux et malhonnête.
Le comédien lui donna la pierre et le rouquin l'analysa sous les yeux jaloux de ses collègues. Ses subordonnés rataient une occasion de se faire de l'argent facilement. Le sous-officier bavait de cupidité, tandis qu'Annatar, dans son rôle de soûlard, continuait son langage commercial défectueux :
- Vous pourrez le vendre con... hip ! contre un bon paquet d'argent, mon ami... hip ! dit-il en enlaçant le fourrier amicalement. Ce dernier ne se soucia plus du clochard à proximité, trop hypnotisé par l'appât du gain. Regardez comme elle est... bel... hip ! belle et brillante et...
Annatar arrêta de parler soudainement. Son regard de comédien soûlard redevint prédateur. Il se précipita à mordre avec violence et barbarie l'oreille du moustachu roux qui cria de douleur, lâchant la pierre violette. Les canines arrachèrent un morceau conséquent du lobe de l'oreille d'Uk. Annatar avala la chair très rapidement, le menton ensanglanté par l'action. Le sang giclait et les impériaux en alerte se précipitèrent sur le cannibale. Ils lui assenèrent un coup de lance sur la tempe, avec le côté bâton. Le choc brutal envoya net l'apostel au sol. Ils le rouèrent de coups tandis que le gras fourrier se tenait l'oreille blessée, tout en hurlant de jurons :
- Salopard ! Putain d'enfoiré ! Espèce de taré ! Massacrez-moi ce fils de pute ! Ahhhhhhhhh !
Uk se joignit à la sentence. Colère et punitions attisées par la douleur lancinante à son oreille. Ventre, tête, torse... Toutes les parties du corps du sorcier noir devinrent la proie des trois impériaux. Annatar se mit en boule du mieux qu'il le put et attendit que la colère passe, en espérant ne pas se faire transpercer par une lame.
VOUS LISEZ
Apostel Noir
FantasyLa porte révèle les doutes. L'äther préserve la foi... Annatar patiente dans une auberge infecte de la pègre pour récupérer sa cargaison... particulière, et ce pour le compte de son organisation, la Sybille. Lorsque son contrebandier arrive enfin...