Chapitre 8 (L'académie)

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Je danse et tue en ton nom.


Annatar arriva près des hautes murailles qui entouraient l'académie Lumière, quelques heures avant l'aube. Les fortifications étaient éclairées tous les dix mètres par des lampadaires à huile, ces mêmes éclairages qui longeaient les kilomètres de routes pavées de l'agglomération. Les murailles de l'académie, hautes de plusieurs mètres et bâties avec des pierres locales du comté de Glasgovie, étaient rehaussées de grilles en fer forgé pourvues de pointes acérées, mais si on s'en éloignait suffisamment, on pouvait apercevoir les toits de l'établissement scolaire au centre du domaine.

De jour, l'ensemble des bâtiments en imposait de par sa majesté, et de nuit, il resplendissait de beauté, mis en valeur par des lanternes accrochées au sommet des arbres de l'immense parc. Cet établissement unique dans le royaume représentait tout ce dont l'empereur Claude Grizon Tarr Premier avait rêvé pour l'humanité. Un rassemblement des meilleurs talents que les cinq gouvernements unifiés puissent apporter dans le but de créer des élites dans tous les domaines. L'académie n'avait d'égale en splendeur que la demeure impériale nommée le Palais des Colombes. Elle jouissait des mêmes attraits, du même prestige et bien sûr, du même niveau de sécurité renforcée.

Annatar resta donc sur le qui-vive, scrutant les yeux et les oreilles qui encerclaient la zone en permanence, aussi bien dans l'enceinte qu'à l'extérieur. Ce n'était cependant pas sa première intrusion dans ce secteur. Bien que rares et indétectables, il connaissait les failles du système de sécurité. Grâce à ses contacts, il savait quand ses complices étaient de garde et quelle porte d'accès ils gardaient.

Heureusement pour lui, la corruption s'infiltrait même dans la ville sainte, car il ne pouvait entrer par la force dans ce genre d'endroit. Tuer ne serait-ce qu'un soldat pour pénétrer dans Lumière lui assurerait l'intrusion, mais pas l'évasion une fois l'alerte donnée. Quand bien même il y parviendrait, les gardes et les mesures de sécurité seraient alors doublées, rendant l'endroit impénétrable et mortel pour lui, et même pour son meister. D'autant plus qu'il devait veiller à dissimuler son aura äthérique, que les inquisitors et autres tueurs de sorciers noirs savaient détecter grâce à leur odorat. Et c'est justement en ces lieux qu'ils apprenaient à le développer, utiliser ses pouvoirs ici serait donc du suicide.

Néanmoins, il existait un moyen inodore de parvenir à ses fins, un moyen fourbe, certes limité, mais restant malgré tout l'arme la plus puissante au monde : la soif de l'or. L'or contrôlait tout, parfois mieux que la magie et les forces obscures, et souillait chaque individu. Même les monarques mesuraient leur puissance grâce aux monceaux d'or qu'ils possédaient. Seuls des êtres comme les apostels, ou les fanatiques dévoués à une quelconque cause supérieure, ne se laissaient pas séduire par cet appât du gain qui corrompt le coeur des hommes.

Par chance, celui que le sybillin servait n'était pas dénué de moyens et lui assurait des fonds quasiment illimités pour ses basses besognes. Annatar utilisait donc sans vergogne les nombreuses pièces d'or que le garde corrompu réclamait pour le laisser pénétrer dans l'académie, bien qu'étant un criminel recherché par les plus hautes instances. Le garde avide d'argent connaissait désormais l'être taciturne qui faisait appel à ses services et savait qu'il ne ferait pas de vagues une fois à l'intérieur. Bien qu'il n'en soit jamais totalement persuadé, ignorant les motivations du sorcier lors de ses rares visites.

« Et que cela continue ainsi », songea Annatar, caché entre deux buissons du parc en attendant que les troupes de nuit passent. Troupes constituées d'apprentis paladins fraîchement recrutés, d'après lui. Cela ressemblait à leur première marche au pas, vu l'allure et les gueules éreintées qu'ils avaient dans leur tenue complète de futurs soldats-paladins. Ils étaient suivis d'un jeune homme blond, à peine plus âgé qu'eux, qui les menait à la baguette et qui était sûrement un apprenti paladin de dernière année. Les autres soldats standards, qui demeuraient dans l'enceinte académique, faisaient partie de l'armée régulière affectée à la sécurité de l'école de l'archi-maistre Siraffon Gelt.

Apostel NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant