Déchu...

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Silence... ça tourne...



              Une ambiance pesante planait dans la gigantesque salle du trône. L'endroit royal était, depuis sa création, interdit à toute vie excepté le monarque lui même. Mais en cette fin de journée, il fut rempli d'une assemblée guerrière de différentes factions et races hétéroclites. Des Géants des Djebes, diverses castes dominantes, des hordes de Bestrahlts, ainsi que certaines tribus medjaïs.

Tous s'impatientaient de la suite des événements, autour d'une même scène qui resterait gravée dans l'histoire du pays Lossen. Réunis en un demi-cercle, les guerriers épuisés et blessés attendaient avec engouement les prochaines minutes autour de quatre silhouettes près du trône sinistre.

La plus imposante, malgré sa position assise sur le siège marbré, s'apparentait à un individu à la peau froide et bleutée. Malgré ses efforts pour le dissimuler, ce Goliath paraissait essoufflé. Comme on le ferait avec une canne, il s'appuyait avec sa paume sur le pommeau de son épée. Claymore aussi belle et redoutable qu'elle le laissait imaginer. De son autre dextre, le vainqueur tripotait machinalement une amulette à son cou. Cette dernière se constituait d'or et se sertissait d'un rubis éclatant qui, lui-même, enfermait quelque chose de hideux en son sein. Un sourire en coin, le belligérant bleuté regardait la ridicule âme à ses pieds, tout en savourant son moment victorieux.

Le vaincu face à lui, genoux à terre avec les mains enchaînées et serrées jusqu'au sang, était tenu fermement aux épaules par deux imposants guerriers. Ces deux derniers semblaient appartenir à la même race que le gargantua assis sur le trône du pouvoir lossen. En armure de guerre lourde, les deux généraux bien bâtis n'étaient pas de trop pour éviter toute tentative de fugue du déchu..

Ledit déchu était lui aussi usé et épuisé. Avec sa tête inclinée vers le bas, il se présenta ridiculement petit et gringalet à côté des deux immenses généraux qui le maintenaient en respect de leur poigne glacée. Sous cette épaisse capuche couleur charbon, le vaincu paraissait ressembler à un être fragile d'apparence. Mais personne ici n'était dupe. À ses pieds, une mare de sang violâtre et très épais, provenant principalement de son éventration.

Après plusieurs minutes de délectation, le vainqueur ordonna d'un signe de la main de lâcher le prisonnier. Les deux subordonnés s'exécutèrent avec brutalité, envoyant la tête du moitié-mort s'écraser au sol dans un craquement d'os. Un de plus.

Quant au vainqueur bleuté sur le trône, il annonça de sa voix grave et puissante :

- Maintenant, mon vieil ami... tout ceci est à moi, jubila-t-il avec vanité, en exagérant un geste de son bras sur les alentours pour montrer ses nouvelles possessions. Cela ne te rappelle... rien ?

Le colosse de zéro degré se leva de son siège, prenant son épée disproportionnellement énorme avec lui. Tout en continuant de jouer avec son talisman au cou, il se dirigea lentement sur le côté du condamné à mort. Puis, pour la première fois, il lâcha prise son amulette et leva sa claymore à bout de bras, visant le col du vaincu, sous l'attention de la place entière qui jubilait en silence.

C'était son moment. Sa victoire. Sa récompense.

Personne d'autre ne lui enlèverait cela. Il était seul avec son prisonnier haï depuis des décennies.

Enfin...

Soudainement, alors qu'il s'apprêtait à décapiter le petit être courbé du dos, ce dernier se mit à ricaner légèrement en toussant avec difficulté. Puis, les ricanements se transformèrent en esclaffements démesurés. De plus en plus fort, jusqu'à en devenir des hurlements hystériques. Ces échos infernaux étaient accentués par sa voix crispante et moqueuse, à en faire frissonner plus d'un. Mais le monarque à moitié mort et son comportement ne choquaient personne présentement. Car tout le monde connaissait le personnage farfelu.

L'immense bourreau s'agaça au plus haut point de cette attitude insolente et condescendante envers sa personne fraîchement autoproclamée régente. Il frappa donc de toutes ses forces l'homme à terre avec sa claymore gigantesque. Le son de l'arme percutant le sol lisse de marbre noir fit trembler la salle du trône ainsi que ses vitraux...

Quelques secondes plus tard, depuis les sommets de massifs voisins, on entendit un hurlement de rires stridents résonner au-delà de la ville fortifiée en feu. Les ricanements se propagèrent à travers toute la montagne d'Anfang. Faisant fuir les oiseaux, chauves-souris et bestiaux nocturnes en tout genre.

Puis la raillerie hystérique fit place à un autre cri rauque et grave, bien plus impressionnant de virilité. Aucunement un grondement de joie, mais bien de fureur et de colère cette fois-ci. 

En réponse aux hurlements du nouveau régent, des centaines de personnes à travers l'oppidum en flamme ici et là se dispersèrent rapidement en tout sens. Comme s'ils recherchaient quelqu'un en toute hâte. Précédés par les sons d'alertes des cornes de guerre qui reprenaient leurs litanies de batailles brutales.

Pas de guerre... De traque désormais.

La partie n'était donc pas terminée pour Ferratu et le déchu. Une chasse démarrait.

Les conquérants se déployèrent en vitesse dans la vallée boisée, entraînés par les sons de guerre chantant à tue-tête le début de la prédation.

Certains habitants des contrées voisines racontent qu'ils auraient ressenti la colère de frustration de Ferratu Gram, cette soirée-là...

Apostel NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant