Rencontre avec l'Apotheker...
La remontée du fleuve Balterre dura cinq jours avant que « Le Poisson » n'entre en mer Medita. Le bâtiment flottant fit escale dans six ports fluviaux et maritimes avant d'arriver à sa destination finale : Héméra, la cité blanche. Annatar quitta « Le Poisson » lorsqu'il accosta au port de la cité dutrichienne de Volonzo, à l'embouchure du fleuve, bien avant Héméra.
Il arriva à destination, non sans frustration, avec une maigre partie de ce qu'il était venu chercher à Rive-Sang. Six fioles de conscientias et d'accipits, sur les trente-cinq qu'il était venu chercher. Son meister n'allait vraiment pas être ravi. Mais c'était mieux que rien, tenta-t-il de se rassurer, gardant les contenants bien au chaud dans sa poche.
En début de soirée, il atteignit enfin sa destination, la « Poudre à Canon », une boutique d'épices et de fruits secs. Du moins, officiellement. Situé dans un quartier commerçant assez fréquenté, où les loyers et les commerces valaient de l'or pour une ville aussi pauvre que Volonzo, le magasin occupait le rez-de-chaussée d'une petite bâtisse de deux étages. La pièce unique du bas était pleine d'étagères contenant des bocaux remplis de fruits secs, d'épices aux couleurs variées et d'aromates plus ou moins connus. À chaque ouverture de la porte, la multitude de senteurs s'échappait et donnait à la ruelle un côté envoûtant qui devenait étouffant à l'intérieur du commerce plutôt prospère.
Le comptoir de caisse était situé à côté d'une échelle en bois qui servait d'escalier entre les étages de la baraque en pierre. Le modeste meuble d'accueil était occupé par une vieille et toute petite dame, à peine plus haute que son comptoir. Originaire des pays Galiléens, à l'est du monde connu, la femme âgée possédait les yeux bridés typiques de cette région, ainsi qu'une mâchoire privée de ses dents depuis de nombreuses années. C'était une charmante et agréable grand-mère à la longue chevelure blanche et tressée, habillée d'une robe de diverses couleurs, aux mêmes intonations que sa boutique chaleureuse, et dont la poitrine distendue et effritée tombait jusqu'au bas-ventre, la forçant à se tenir voûtée.
Granela aperçut Annatar entrer dans son magasin, faisant au passage sonner la clochette annonçant un visiteur. La dame âgée semblait sourire, même si cette expression était naturellement présente sur son faciès plutôt jovial. Le ténébreux tueur remarqua le petit-fils de Granela, Hillo, âgé de six ans, qui courut se cacher dans les jupes de sa grand-mère à la vue du visiteur qu'il ne connaissait que trop bien. L'étranger au regard effrayant et au faciès sévère venait souvent dans le repère aux mille odeurs. Car, sous l'apparence officielle d'une simple boutique d'épices, la « Poudre à Canon » était un repère stratégique de l'ordre illégal pour lequel Annatar travaillait, la Sybille.
Et Granela Kulj, sous ses aspects de grand-mère bienveillante, en était un membre important. Elle jouait le rôle d'apotheker pour la Sybille, ainsi que de messagère dans la cité de Volonzo. Le magasin ne s'était pas implanté là par hasard, car la cité pauvre s'avérait être un carrefour important dans l'empire de Tarr.
L'apostel se présenta hautainement devant elle, de toute sa hauteur, et récita :
- La porte révèle les doutes.
- L'äther préserve la foi. Deine wille, Meister, termina Granela en inclinant respectueusement la tête en guise de soumission.
- Akzeptiert, Niedriger.
Granela s'était accoutumée à ce que le jeune Annatar la traite ainsi. Il le pouvait d'ailleurs. Surprise de le voir en ses lieux, elle lui demanda :
- M'aurait-on mal informée ?
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Apostel Noir
FantasyLa porte révèle les doutes. L'äther préserve la foi... Annatar patiente dans une auberge infecte de la pègre pour récupérer sa cargaison... particulière, et ce pour le compte de son organisation, la Sybille. Lorsque son contrebandier arrive enfin...