Chapitre 58 (Le cimetière Gravitz)

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          Gabriel méditait en position du papillon, pas loin de l'entrée du manoir Gravitz, à l'extérieur. Pour une fois, le ciel était dégagé et somptueux. Une rare aubaine depuis qu'il vivait en ces lieux avec son mentor et son enseignant de combat rapproché, à la carrure impressionnante. Mais le lerhlinge d'Herumor ne profitait aucunement des faveurs de la saison estivale. Les yeux fermés, il semblait très concentré, en plein milieu du cimetière morose de Gravitz.

C'était l'un des rares endroits verdoyants rempli d'herbes sauvages et de petites marguerites qu'offraient les hectares de propriété du manoir. Car la vie végétale adorait la mort et la décomposition. Le cycle de la nature n'était pas du genre à se lamenter sur les défunts, mais plutôt à en tirer le meilleur de leurs putréfactions. Fourmis et divers nécrophages se servaient au passage durant l'ascension des âmes vers l'äther. Pas de justice en ce monde autre que le cycle de la vie, au final, mais un rouage parfaitement ficelé par dame nature, pour se perpétuer indéfiniment.

La vie aimait la mort. Elle se nourrissait de chaque bestiole ou végétal, succombant aux effets du temps. Et ce, sans parler des dizaines de défunts qui reposaient dans ce domaine depuis tant d'années, où même leurs noms terrestres furent oubliés de leurs descendants.

Le cimetière de fortune comptait plusieurs centaines d'autres tombes bien visibles. Une partie de ces tombeaux reposaient anonymement avec pour seule indication un bout de bois, ou une pierre en mauvais état, pour indiquer qu'un corps dormait ici-bas. Au moins, c'était un endroit calme. Sinistre, terrifiant, mais pas pour les corbeaux. Uniques volatiles capables d'apprécier l'endroit et de rôder autour du jeune homme en méditation.

Gabriel tentait de ne pas perdre le fil de sa concentration en levant ses paumes de mains face à une tombe. Il semblait dans cette position depuis des heures, maintenant, tout en psalmodiant quelques paroles impies. Car cela faisait depuis l'aube que le lerhlinge se tenait dans cette position inconfortable dans le cimetière Gravitz. Il paraissait épuisé et affamé. Pourtant, il s'était abusivement nourri ce matin et hier soir, en compagnie de son meister.

Ce dernier l'autorisait à se restaurer avec lui désormais. Depuis qu'il avait obtenu le statut d'apprenti, et de tous les avantages qui allaient avec. Ainsi que ses inconvénients... D'ailleurs, le fils d'Hector possédait encore la trace de son début de semaine habituel. Sa séance de torture, orchestrée par le majordome VitaliK, lui avait laissé une molaire en moins, ainsi que quelques bleus et ouvertures au visage. La semaine prochaine, la lancination serait orchestrée par le maestro Herumor en personne. Une première.

L'apprenti obscur en tremblait d'effroi. Il n'y avait rien de pire que d'attendre le malheur quand on connaissait la date et l'heure de la sentence. Gabriel préférait le subir une bonne fois pour toutes.

Et la mélodie de cette attente serait le rafistolage, à vif, de sa dent perdue précédemment. Herumor la remplacerait par une prélevée sur un cadavre récent, à la dentition peu amochée. En effet, depuis sa quatrième dent perdue durant ses séances, Gabriel avait pareillement appris à se les ressouder ou à s'en greffer seul. Bien sûr, il s'opérait sans l'aide de la potion d'accipit et de conscientia, si rares et uniques en leurs genres pour oser s'amuser à les utiliser sur ce type de réparation « non mortelle ». Il avait dû se débrouiller lui-même, car cela faisait également partie de son apprentissage, la survie et l'autoguérison.

De plus, ce n'était sûrement pas ses mentors qui l'aideraient pour quoi que ce soit. Surtout le Medjaï, dans la discipline médicale. Car depuis le temps, Gabriel l'avait parfaitement compris, le majordome VitaliK ne possédait pas les compétences chirurgicales et le savoir en anatomie de son meister. Non, lui, il préférait envoyer le lerhlinge à la réparation avec ses poings et ses pieds.

Apostel NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant