Chapitre 44 - Suite

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Annatar et Robin franchirent le virage et aperçurent un couloir de roses bien particulières. Des pétales constitués d'un magnifique cristal blanc et azur qui engendrait cette lueur claire et bleutée. Des magnifiques trésors pour tout homme cupide ou avide de beauté parfaite. En effet, chaque spécimen pouvait être vendu en l'état dans une bijouterie ou un musée, tant le cristal brillant s'avéra splendide. Des joyaux, semblant avoir été sculptés par les plus prestigieux maistres-joailliers, mais demeurant le fruit de la nature. Ces fleurs, à la valeur inestimable, dont un seul pétale rendrait riche n'importe lequel de ses propriétaires, étaient parsemées dans ce couloir, à travers les mêmes troncs sombres et effrayants de la forêt. Leur beauté n'intéressait aucunement le mage maléfique qui ne leur prêta guère d'attention.

À l'inverse de Robin qui, en arrivant sur l'allée de quelques mètres de large, en avait les yeux tout illuminés. Dans son esprit, sa vie changea instantanément et il s'imagina vivre tel un roi dans un château avec des richesses inimaginables que lui procureraient ces pétales uniques. Il se risqua à prélever quelques spécimens et à les placer dans ses poches. Le tout, en vérifiant qu'Annatar ne le remarque pas. Puis il suivit son allié du moment qui marchait dorénavant prudemment au milieu de la zone bleutée.

Le sorcier tourna dans une autre bifurcation pour découvrir tout autant de ces roses azurées. Mais il ne paraissait pas satisfait et continua à marcher, analysant tout autour de lui.

Il ne remarqua cependant pas une setter traverser de part et d'autre le nouveau couloir éclairé de mille lumières. Elle flotta en silence, tout en suivant Annatar à l'ouïe. Soudain, elle disparut dans les troncs vieillis.

L'être au bel œil bleu grisé fut rejoint quelques instants après par Robin. Le marin rescapé courait, paniqué de découvrir une quelconque sentence à son vol de pétales cristallins. Et tandis qu'Annatar marchait sur ses gardes, il entendit derechef sur la droite, la voix d'une des vieilles femmes et se précipita vers la source sonore. Au milieu du couloir bleuté, il aperçut une lueur différente, teintée de rouge et clignotante cette fois-ci. Il s'y dirigea, intrigué, et aperçut un renfoncement d'où provenaient les lueurs écarlates. Il y entra avec Robin et sourit.

Enfin...

Répartis tout autour, comme des trophées sur des piédestaux épineux, des cœurs sanguinolents étaient posés tels des œufs sur leurs nids d'épines. Leur sang, traversant leurs nids de bois, dégoulinait sur les rosiers de cristal en dessous. Le phénomène, à la fois beau et dérangeant, créa ainsi la lueur cramoisie que provoquait l'hémoglobine sur les cristaux bleutés. Tous les organes semblaient battre dans un seul et unique rythme parfait, malgré leur grand nombre.  Ils étaient reliés par des racines, ou des tiges épineuses, les encerclant et les rendant intouchables sans se piquer. Ce furent les même petites espèces florales qui avaient étouffé dans son sommeil un des marins aux premiers jours. Leurs épines se concluaient donc venimeuses et mortelles.

Mais cela ne découragea pas Annatar qui s'approcha lentement vers l'un de ces cœurs. Tous accélérèrent leurs battements à l'approche de l'apostel. Comme s'ils ressentaient sa présence, les organes semblaient effrayés par l'intrus et cela se comprenait dans la fréquence de leurs battements. De nombreux chants, dont les cœurs étaient en réalité à l'origine, se dévoilaient davantage insistants. Comme s'ils lançaient un appel à l'aide. Les deux intrus ne le saisirent que trop tard, lorsque Robin remarqua que l'unique entrée de ce renfoncement se combla de multiples rosiers de cristal.

Ils étaient pris au piège :

- Messire... Messire...

- Quoi ?

Annatar ne se retournait même pas à l'appel de Robin excessivement obnubilé par l'entrée disparue.

- Messire... insista Robin, en posant la main sur le sorcier.

Apostel NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant