Chapitre 30 (La Forêt Morte)

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            VitaliK Gritchen marchait depuis des jours à travers l'empire de Tarr, depuis son village des territoires extérieurs. Sur le chemin, il s'était chargé de voler quelques vêtements de fermier. Abandonnant ainsi sa tenue traditionnelle medjaï, pour se dissimuler dans la masse du peuple tarrien. Et notamment dutrichien. Car sa destination finale se trouvait en ce royaume. Il ne s'arrêtait que pour se reposer et se nourrir. Préférant les bois et les chemins hors sentier pour éviter les témoignages ou la garde régulière. Autrement, il aurait été obligé de les exterminer tous si on l'avait repéré. Il ne devait en aucun cas prendre le risque qu'on le traque. Il ne pouvait pas se permettre d'attirer l'attention là où il se rendait. L'enjeu était trop important.

Arrivé en royaume de Dutrich en début d'automne, la région située au nord-est du royaume n'offrait pas réconfort aux voyageurs. Les pluies torrentielles et froides tombaient depuis des jours sur le pays. Le chemin ne s'était pas conclu de tout repos, même pour un Medjaï expérimenté comme VitaliK. L'homme bien bâti était trempé jusqu'à l'os, tout comme sa chevelure poivre et sel. Il avait bien osé quelques feux de camp durant le trajet pour sécher ses affaires. Prévoyant de ne pas attirer l'attention en les faisant dans les bois sombres et silencieux.

L'environnement qu'il apercevait montrait qu'il se trouvait proche de son objectif. Autant la forêt verdoyante colonisait tout l'ouest du fleuve Balterre, autant à son nord-est, le fleuve laissait place à une forêt d'arbres morts. Et les cadavres de xylèmes brûlés, maintenant centenaires, s'étendaient sur plusieurs dizaines de kilomètres au fur et à mesure que VitaliK descendait le royaume de Dutrich. Région habituellement tamisée d'un épais brouillard, on la surnommait la « Forêt morte », due aux hectares d'arbres morts carbonisés qui ne repoussèrent jamais. Mais ce soir-là, la pluie et le tonnerre dégageaient le terrain et mettaient en fuite la brume des lieux. Durant son trajet, un éclair avait pourfendu un arbre ayant déjà péri depuis des années. Le végétal partit en fumée en un rien de temps, à cause de son bois sec consumé rapidement par les flammes.


Plusieurs kilomètres plus tard, VitaliK aperçut une imposante bâtisse à l'horizon. Même vue de loin, elle paraissait en très mauvais état. Ensevelis dans la forêt morte depuis des siècles, les murs extérieurs, constitués de roches locales, s'avérèrent aussi sinistres que la région et collaient bien avec le décor. Le chef du clan Gritchen frappa à l'entrée et attendit qu'on daigne l'ouvrir. Après plusieurs minutes face à cette ouverture immense et très résistante, un grincement sinistre s'entendit. L'entrée du manoir dévoila une petite silhouette toisant le chef Gritchen. VitaliK s'inclina très respectueusement et humblement face à cette menu silhouette. Son air assuré de chef, d'habitude sans peur, baissa le regard à la vue du propriétaire des lieux.

L'individu de petite taille face de lui semblait le connaître. VitaliK n'attendit pas et releva lentement son visage en prononçant :

- La porte révèle les doutes... C'est bien lui, Meister.

Il ne fallut pas un mot de plus pour que l'homme encapuchonné l'accueille dans son manoir. Le manoir Gravitz. Tous deux rentrèrent à l'intérieur et la porte se referma, agressée par des bruissements de grêlons qui s'abattirent sur la forêt morte.




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