Chapitre 34 (La Bibliothèque)

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Allez Gabi, respire un bon coup et réfléchis à ta situation quelques instants. Sinon, tu vas nous faire une syncope...



                   Plusieurs semaines après l'incident avec Random, Gabriel ne se trouvait toujours pas en prison. Il attendait, assis sur une table de la bibliothèque de Justin, que les autorités l'interpellent à tout moment. Mais pour l'instant, aucun garde ne se présenta. Cela voulait dire que le rouquin et son grand-père Grossen avaient, comme prévu, tout intérêt à ne pas rendre publique cette affaire.

Une joie pour le futur médecin militaire, car il se faisait un sang d'encre permanent. Attendant l'arrivée de la garde et, de cause à effet, de sa vie fichue. Mais ce qui l'inquiétait plus encore que la rixe avec le rouquin était son autre personnalité. Cette forme de schizophrénie avait encore pris possession de son corps avec des conséquences étranges. Gabriel ne savait pas pourquoi ni comment il arrivait à faire ces choses horribles, tant impressionnantes que terrifiantes. Il ne les contrôlait pas et ne se reconnaissait aucunement dans cette créature sanguinaire qu'il était devenu contre Random et ses acolytes.

Durant cette nuit-là, aurait-il agressé sa chère et tendre Héléna qu'il n'aurait pu stopper ses envies carnassières, une fois transcendé. Et cela le terrifiait. Ça devenait peut-être même son pire cauchemar, qu'on s'en prenne à elle. Que ce soit lui, cette entité en lui, ou toute personne sur cette terre.

Non, il devait chercher une solution pour arrêter cet intrus. Ou du moins, le canaliser, le contrôler. Il ne pouvait en être autrement.

Il rechercha des réponses dans les grimoires et divers renseignements de la bibliothèque. Bien évidemment, sans attirer l'attention inquisitrice de maistre Justin Hernand. Le brûlé surveillait toujours jalousement tous ces jeunes gens indisciplinés osant lire et ainsi dégrader ses précieux trésors, ses bouquins. Certains livres avaient donc été lus entre deux couloirs sombres de la bibliothèque de l'académie. Et ce, dans un stress des plus oppressants pour Gabriel, qui n'osait parler de ce problème à personne. Il ne désirait pas finir au bûcher de l'inquisition, ou finir en rat de laboratoire. Car pour son cas de cannibalisme, ni son père ni Siraffon n'auraient pu y changer quelque chose.

Il n'avait rien découvert. Aucun cas similaire à un dédoublement de personnalité qui n'en était pas un, en réalité. Car le fils De Justinier, durant sa folie, savait pertinemment ce qu'il se tramait, mais assistait impuissant aux horreurs commises.

Néanmoins, ce n'était pas lui. Il le pensait avec certitude.

Tout ce qu'il commençait à comprendre, c'était qu'à chaque fois que sa folie s'activait, si cela en était une, ça se passait lorsqu'il se situait en danger ou en grande colère. Quelque chose en lui cherchait simplement à se venger des ennemis de Gabriel. Et en particulier ceux qui osaient s'attaquer à un être cher. Une détermination sans faille à vaincre, dans une situation perdue d'avance, amenait son esprit et son corps à subir et faire subir le pire pour ne plus se trouver en danger. Tout cela dans un plaisir sadomasochiste inhumain.

Lui, pourtant de nature si fragile et douillette face à un affrontement physique, se retrouvait à pouvoir terrasser plusieurs ennemis en quelques gestes. Le tout, dans une démonstration carnassière et sanglante, irréfrénable.

Son physique peu avantageux n'offrait pas une grande force brute. Quant à son esprit docile et difficilement enclin à la confrontation, il n'aurait su prendre plaisir à faire couler le sang ni à broyer des os.

Et toutefois...

Cela, sans parler du fait que sa personnalité en lui, à ce moment-là, se plaisait à recevoir des coups possiblement mortels. Il aimait ça, ou du moins, il s'en amusait jusqu'à ce que Gabriel revienne à lui. Dès lors, il subissait pendant des jours les conséquences douloureuses de cet esprit vengeur, avec les affres allant avec la pagaille qu'il semait.

De Justinier s'était-il trompé sur sa propre personnalité ? Se retrouver dans une situation comme cette nuit-là révélait-il des goûts inavouables, pour des choses impardonnables ? Il commençait à supputer de telles hypothèses.

Comment ne pas l'imaginer ?

Le premier affrontement contre ces faux soldats, près de la bibliothèque, et la larve dégueulée avait été les prémices de ces malheurs. Car ensuite vint l'incontrôlable acte de nécromancie à Tunckam, où cette fois-ci, l'entité n'avait pas participé au combat. C'était bien lui, Gabriel, l'initiateur de cette sorcellerie. Et pour terminer, la quasi-exécution de Random, il y a peu. Tout commençait à conclure certaines hypothèses concernant ce qui dormait en Gabriel.

Cela revenait de plus en plus souvent, et beaucoup trop, pour le sans-histoire De Justinier.

Inutile d'en parler à qui que ce soit. Il finirait à l'asile, ou pire. Non, il n'y avait qu'une seule chose à faire, chercher. Encore et encore, jusqu'à dévoiler le mystère sur cette larve sortie de son corps. Tout cela devait sûrement avoir un lien. Mais même ce questionnement sur la larve ne trouva de réponses dans les livres. Heureusement pour lui, Héléna avait réussi à garder son silence et son sang-froid.

Bizarrement, avec une extrême efficacité.

Qu'il fût fier de ce courageux petit bout de femme que représentait sa douce. Sa belle blonde ! Elle le surprenait décidément chaque jour et, il l'espérait, elle continuerait à l'étonner pendant longtemps. Le cadet d'Hector n'aurait jamais cru que la si coquette fille Varguas puisse encaisser pareil secret le concernant. Et pareille situation, lors de son agression contre ces salopards de Random et sa troupe.

Elle était vraiment parfaite.

Il pouvait lui faire confiance, elle ne dirait rien. Et puis il fallait aussi gérer cette fichue maladie qui la rongeait. Comme si les deux amoureux n'avaient pas assez de problèmes comme cela, pesta-t-il contre son sort.

Il ne savait pas si les Trois Saints, ou quiconque, contrôlaient son destin, mais dans tous les cas, ces entités supérieures ou divinités devaient bien se marrer à tourmenter le pauvre Gabriel.

Il sortit de ses pensées négatives, respira un grand coup et se redonna du courage. Il chercherait encore deux heures dans ses bouquins pour trouver ce qui ne sonnait pas clair chez lui. Ensuite, il se consacrerait à chercher un remède pour sa douce Héléna.

Il regarda l'heure à une pendule de la bibliothèque. Seize heures. Ce moment significatif lui rappela sa douce. Elle devait prendre sa tisane médicinale quotidienne en ce moment même, dans la caserne des officiers. Cette simple pensée apaisa l'apprenti médecin. Cette tisane, avec un goût et une odeur si bizarre, que sa belle blonde aimait tant. Se souvenant de l'avoir goûté une fois, l'amant ne comprenait pas comment on arrivait à apprécier ce parfum amer, voire même dégueulasse ! Il fallait l'avouer.


Il sourit aux goûts farfelus de sa bien-aimée et se replongea dans sa lecture.

Apostel NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant