Chapitre 21 (Gritchen)

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Un petit détour chez les ennemis de Claude Grizon Tarr...




        Les guerriers medjaïs zigzaguaient le long des arbres de la forêt tarrienne, dans la pénombre permanente que produisait l'épaisse et interminable canopée. Ils avaient quitté Tunckam, en royaume de Dutrich, pour remonter au nord toute une partie du royaume de Tarr dans les vastes forêts. Leurs corps musclés et en sueur se déplaçaient avec une agilité déconcertante. Leurs pieds nus et cornés semblaient ne pas souffrir des difficultés que pouvait offrir un environnement hostile.

Seul l'un d'entre eux s'était blessé involontairement en milieu de route. Un piège à sanglier dissimulé sous un tas de feuilles dans lequel il avait chuté. Il s'était brisé quelques côtes sous le choc et s'était fait remonter par ses homologues afin de continuer le trajet. Morken, le chef du commando, avait été moins clément avec son soldat maladroit. Il l'avait châtié pour son imprudence en lui brisant un bras. Cette punition restait en soi, une seconde chance inespérée pour des guerriers d'élite ne tolérant aucune erreur de ce genre. Ainsi se décrivait la culture des fières et redoutables tribus de Medjaïs. Un autre leader lossen aurait abandonné son guerrier dans le piège, ou bien l'aurait tué car jugé inutile. Et cela avait été la seule et unique chance de pardon que Morken donnait à son groupe. Cette correction honteuse n'avait pas empêché le blessé d'encaisser le châtiment et de continuer à avancer avec ses souffrances à un rythme effréné.

La meute s'était hâtée durant son retour de Tunckam et dans une cadence infernale. Ayant juste pris la peine de dévier par l'est pour récupérer leurs biens issus despillages, même si leur retour pressait ardemment. Car effectivement, le temps était désormais compté depuis l'incident à Tunckam.

Morken le "Dépeceur" devait à tout prix rentrer dans sa tribu rapidement. Peu importait cette fois de finir la saison de pillage ou pas. Des choses plus importantes devaient être dites, étant donné ce que lui et sa meute avaient vécu il y a quelques jours.

Ils n'avaient pas dormi depuis trois nuits mais ne fléchissaient pas pour autant. Avec une discipline de fer, ils ne s'accordaient qu'une ou deux heures de repos, au mieux. Le tout, en se nourrissant seulement de baies peu calorifiques trouvées en chemin, ou de quelques rongeurs ou volatiles pas assez rapides pour fuir des chasseurs de leur trempe. Pas le temps pour la plaisance ou le repos. D'ici trois jours, ils se reposeraient une fois arrivés à Gritchen, leur village.

Ils avaient parcouru au total plus de cinq-cents kilomètres en moins d'une semaine dans les bois belliqueux et difficiles d'accès. Tandis qu'une troupe ordinaire de l'empire aurait mis plus de quinze jours avec leurs bardages surchargés et leur marche uniquement diurne.

Car les Medjaïs ne se contentaient que du nécessaire pour attaquer, pas pour se défendre. La vitesse et l'agilité à se déplacer vite, longtemps, et dans n'importe quel environnement, là se définissait leur force. Et le trajet sur de longues distances en peu de temps était un des exploits d'endurance des Lossens qu'on ne pouvait contester. Même dans l'armée tarrienne.


Ils aperçurent enfin la fin de la forêt sauvage et commencèrent à voir quelques endroits envahis par le sable. Signe qu'ils arrivèrent à la frontière entre Tarr et Lossen.

Leur pisteur les attendait depuis une bonne demi-journée. Il patientait accroupi contre un rocher qui sortait du sable. Il était blotti sur un tas de manteaux de fourrure animale qu'il avait déterrés d'une cache. Il avait allumé un petit feu de camp pour se déguster un gibier chaud et pour signaler sa position à Morken.

Apostel NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant