Chapitre 48 (Quikar)

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                   La nuit était tombée sur Héméra. Un petit vent venait se briser contre les fenêtres du château de Lumière. Les volets battaient contre les fenêtres des appartements de Sirrafon. Ce dernier conversait avec un haut gradé de l'ordre paladin dans les bureaux du vieil homme :

- Où l'avez-vous intercepté, Vaguemestre ?

L'individu interrogé regarda Gislain Winslow qui était situé aux côtés du directeur. Le vaguemestre ne savait pas s'il devait continuer à parler en présence d'un serviteur ou non. Le puissant dignitaire comprit le malaise de l'officier et précisa :

- Vous pouvez parler en toute sécurité, Vaguemestre. Mon bras droit et fidèle servant Gislain est au courant de toutes mes affaires.

Le jeune à la chevelure bouclée dévisagea l'impérial, offensé que ce dernier le juge indigne de rester dans la confidence. Puis le personnage en armure d'acier grisé ignora le regard haineux du bras droit et répondit aux questions :

- Dans la ville de Volonzo, Archi-Maistre. Il est confiné depuis plusieurs jours dans les geôles de la caserne, sous bonne garde, rapporta le gradé en armure officielle symbolisant son rang.

Le vaguemestre parla avec toute la courtoisie et la formalité exigée pour s'adresser au grand et sage face à lui. Il ne saurait en être autrement pour s'adresser à l'une des six têtes les plus importantes de l'empire.

En effet, Siraffon Gelt ne possédait aucun autre supérieur hormis l'empereur lui-même. Le vieil homme, qui paraissait avoir rajeuni de quinze ans, faisait partie du conseil impérial permanent des cinq archi-maistres. Chaque siège représentait un état de l'empire de Tarr et Siraffon symbolisait le plus essentiel d'entre eux, le royaume de Tarr lui-même. Autant dire qu'il était considéré comme la seconde personnalité la plus influente du monde humain. Cependant, sa passion officielle était, et serait toujours, la direction de l'académie, en plus de siéger au conseil permanent. Sa modestie de ne pas convoiter des postes davantage prestigieux que directeur d'école était bien vue du peuple. Cela obligeait à un respect forcé des hauts dirigeants, de ses homologues et également de ses ennemis politiques. Il exploitait cette réputation d'homme du peuple et au bon cœur à la perfection. Personne n'oserait se douter que le grand et humble Gelt puisse trahir l'empire un jour en se soumettant à Herumor, et donc, en incarnant un membre actif et prépondérant de la Sybille. Et encore moins les basses et inquiétantes opérations hérétiques qu'il subissait pour rajeunir.

Depuis plus d'un demi-siècle, l'agent double au service premier d'Herumor menait sa barque d'idole impériale avec brio et sans bavure. Ou du moins, sans bavure portée au grand jour. Un poste clé au sommet du pouvoir qui servait bien les projets du meister de la Sybille. Le sage, en toge blanche de l'académie et parsemée de quelques brochures de fil d'or, écouta les réponses du rapporteur de mission et reprit :

- Parfait, vous avez bien travaillé, Vaguemestre. Il est maintenant de la plus haute importance que le capitaine paladin Tristan De Justinier soit ramené à Héméra au plus vite, et sous bonne garde. Ne lésinez pas sur les moyens de sécurité durant son transfert. Je suppute que vous connaissez la réputation du concerné. Il ne faut donc surtout pas le traiter à la légère. Alors, embarquez les meilleurs talents de votre ordre pour l'escorter et partez dans l'heure.

Il finit d'écrire une lettre, toujours aussi soigneusement préparée dans un papier coûtant aussi cher qu'une paye annuelle de fermier. Puis il la tendit à Gislain. L'amant la scella à la cire rouge et avec le sceau de l'archi-maistre. Celui-ci continua de dicter ses consignes :

Apostel NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant