Chapitre 35 (Rouge et Gris)

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Le trio de militaires parcourait la ville de Paradis en pleine nuit. Ils avaient déjà franchi quelques kilomètres loin du château, dont les fenêtres illuminées de la salle de réception demeuraient visibles, même à leur niveau.

Suite à l'attaque d'Annatar, les patrouilles, tuteurs et gardiens volontaires, grouillaient dans les ruelles. Arrêtant n'importe quelle personne louche ou susceptible d'inquiéter les soldats volontaires. Après tout, ils cherchaient un terroriste tuable, pas un apostel noir, avait-on ordonné en hauts lieux. La peur générale envahissant la ville était augmentée par une propagation et une publicité exagérée des autorités. Un portrait grossier de l'apostel fut dessiné à la hâte dans toute la région Lumière. Plusieurs cavaliers étaient partis dans l'heure qui suivit le meurtre du gouvernor, après avoir récolté assez de témoignages par les survivants de la forteresse.

Dont celui d'Uk Tyriel, le fourrier enfin libéré des geôles de Paradis. Faux héros qui mentit en se vantant d'avoir combattu le terroriste. Après une résistance terrible envers cet assassin puissant, le pauvre Uk fut vaincu. « Victime d'un déséquilibre pendant le duel. », avait-il cité aux enquêteurs. Il cita également le geôlier mort à côté de lui, et qui fut pris par surprise par l'assassin. Il accusa forcément le sybillin de sa mort, ce qui, en soi, ne se révélait pas faux, étant donné qu'Annatar avait pris possession d'Uk.

Et donc, sur cet enjolivement de la réalité et avec tous les autres témoignages, les enquêteurs purent créer un portrait « approximatif » du tueur d'Édouard. Les cavaliers devaient distribuer l'avis de recherche. Ce dernier promettait mille écus d'argent pour toute information concernant le dangereux terroriste. Et de mille écus d'or pour son arrestation. Mort autorisée. L'information circula dans les villages voisins et cités alentour. Également les ports ou tout autre lieu de transports rapides. Ainsi qu'à chaque caserne susceptible de se situer dans la zone de fuite de l'assassin à l'œil orangé.


              Quelques noms réputés de chasseurs de têtes, ayant eu vent de ce joli montant pour la capture d'Annatar, étaient sortis des ombres de Paradis, attirés par l'appât du gain.

Dont Jubilax Kilpo, encore saoul dans son bar préféré, juste à l'extérieur de la cité. Il emboîta le pas de la sortie avec une arme bizarre cachée dans un long sac à dos. L'équipement avait la longueur d'un katana et était constitué d'un tube de métal relié à une planche de bois lisse, d'où sortait une gâchette. D'habitude plutôt prudent et peu causant sur les capacités de son arme incompréhensible, il lâcha quelques informations à l'un de ses vieux potes de bar. Une erreur d'un soir où il était vraiment déchiré de bière du mandarin et de vodka. Ladite arme, dont il se vanta que personne ne fût témoin de sa puissance, tant il faisait mouche à chaque coup, devait être alimentée par de petites pièces de métal. Ces dernières étaient forgées de façon cylindrique, pour finir légèrement arrondies à la tête et plates à l'arrière. Ces insignifiants morceaux de métaux provoquaient des ravages charnels inégalables, avait assuré Jubilax Kilpo. Le bougre dévoilait son secret bien trop facilement quand il était éméché. Heureusement pour lui, le peu de personnes qu'il fréquentait demeurait assez fidèle à Jubilax pour ne pas vendre les secrets de l'homme farfelu. Les pièces de métal contenaient une poudre noire, dont même lui ne connaissait pas la provenance. Cette poudre extraordinaire explosait une fois à l'intérieur de l'arme, d'apparence inoffensive, lorsqu'on appuyait sur sa gâchette. Une fois l'explosion envoyée via le tube de métal, la pièce cylindrique fusait du tuyau. Elle filait à une vitesse si effarante qu'on entendait le bruit assourdissant de son départ, qu'une fois la cible morte. Et cela sur plusieurs centaines de mètres, hors du danger des combats physiques et risqués auquel Jubilax le maigrichon n'aimait pas vraiment être confronté. Bien sûr, même avec tout l'alcool du monde dans le sang, Jubilax ne dévoilerait jamais le nom de sa source qui lui fournissait ces munitions de l'enfer. Il aspirait à avoir le monopole pour cette compétence meurtrière. Compétence qu'il ne tenait pas à démocratiser, sous peine de perdre son commerce florissant. C'était donc un chasseur de primes particulier, mais qui s'était forgé une réputation dans le milieu souterrain de la pègre. Et même de l'empire, pour des affaires dont les autorités n'aimaient pas être confondues. « Une arme d'un temps révolu ! », en avait-il conclu, avant d'aller vomir ses boyaux avec cet instrument de mort rare, voire unique, dans le dos.

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