Chapitre 32 (Légat Vernam de Malustre)

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Décidément,  il y a bien des personnes de notre histoire dans cet hôpital...


           Il pleuvait sur la cité d'Héméra en ce milieu de la nuit. Cela était plus que bénéfique et attendu par la populace. Paradoxalement, il ne se trouvait rien de mieux que la pluie sortie de nuages « normaux », pour laver le passage des nuages de cendres. Ce, afin d'éradiquer au mieux les cendres et, de ce fait, les effets invisibles de l'äther. Car c'était bien les effluves du monde des morts qui créaient ces béhémoths du ciel depuis des siècles. 

L'intensité et la violence de cette pluie frôlaient presque avec la tempête. Provoquant un vacarme dans les rues et à chaque toit de chaumière. Du moins, pour la majorité des résidences. Mais l'hôpital Légat Vernam de Malustre, situé tout près de la grande Place du Géant, ne subissait pas les affres de la tempête. Le bâtiment pour les fortunés possédait une insonorisation dernier cri, dans chaque chambre hospitalisée de luxe.

Random Corvelt le tétraplégique dormait donc de façon agitée dans son matelas confortable et surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre par deux infirmières personnelles. Ces services médicaux avaient été entrepris et payés par son grand-père, Grossen Gift, général de la cavalerie dutrichienne.

Le blessé grave, bardé de bandages et d'hématomes en tout genre, ronflait à en faire vibrer le lit. Soudainement, la porte de sa chambrette s'ouvrit. Le bruit du loquet réveilla en sursaut le rouquin.

De son réveil, il s'échappa de ce perpétuel et horrible cauchemar. Le bougre d'apprenti déchu était poursuivi et dévoré vivant par De Justinier et son regard de fou. Regard que ce dernier avait eu à leur dernière rencontre. Cela avait terrorisé le Dutrichien, à tel point que le cadet De Justinier le hantait chaque nuit, désormais.

Le cœur battant la chamade et l'esprit voguant entre deux eaux, réalité et rêveries, ses yeux tentaient d'analyser les quatre silhouettes qui pénétrèrent sa pièce hospitalisée à une heure du matin. Deux d'entre elles s'avéraient bien trop imposantes pour être les charmantes infirmières assignées à son hospitalisation. Du mieux qu'il le put, le fils Corvelt affina son regard grâce à la maigre lueur d'une lampe à huile que portait un des quatre inconnus. Son esprit lui joua même des tours en croyant apercevoir à nouveau son bourreau Gabriel, parmi les visiteurs nocturnes. Paniqué, en sueur et n'arrivant à rien faire d'autre que balbutier, le tétraplégique aux doigts incomplets bégaya d'une voix apeurée, sa bouche toujours tordue par la paralysie :

- Qui... qui est là ?... Infirmière ?!

- Chut, mon tout petit, demanda la plus frêle des quatre ombres dans la pièce.

Ce dernier s'approchait lentement vers Random, en s'aidant d'une canne :

- Ce n'est que moi.

- Grand-père ?

- Oui, mon pauvre petit-fils.

- Mais... que... faites-vous là, à cette heure de la nuit ? prononça-t-il avec difficulté.

La lampe à huile, dorénavant à portée du tétraplégique, permit à Random de mettre un visage sur les trois autres silhouettes. Deux grands hommes, l'un d'une vingtaine d'années, chauve, bourré de musculature abusive et l'autre touchant la quarantaine, la peau noire. Il était rasé cours et bâti tout aussi puissamment que le premier molosse. Ils portaient tous les deux un justaucorps très moulant. Leurs vêtements reflétaient, même dans la pièce peu éclairée, leurs musculatures parfaites et surdimensionnées.

Et aux côtés du général, un grand individu, squelettique, avec une longue barbe blanche irrégulière trouée ici et là et tressée à certains endroits. Sa chevelure était tout aussi longue et paraissait sale, comme la tunique vert sombre qu'il portait. Il était également rempli de bijoux faits de bois et d'os. Le fils Corvelt crut même apercevoir des dents animales accrochées à l'un de ses nombreux colliers. L'hygiène n'était pas le fort du vieil inconnu. Et l'odeur se faisait nauséabonde, notamment à cause d'une peau en poil argenté en guise d'écharpe. Il semblait doté de plusieurs maladies, puces ou parasites qui, manifestement, le grattaient à plusieurs endroits. Ses joues étaient creuses et ses cernes se dessinaient aussi gros que ses pouces crasseux. Il avait le regard hagard d'un fumeur d'herbe relaxante. Ses yeux étaient jaunis par des années d'alcools excessifs. Sa dentition, visible par un sourire exagéré lorsque Gift le présenta à son petit-fils, montrait évidemment une hygiène dentaire inexistante. Insalubrité provoquant des dents noirâtres, rongées par le tabac. Le bougre de vieillard n'avait vraiment rien à faire dans un hôpital de cette renommée, sous peine de contaminer tout le bâtiment par la gale, au minimum.

Apostel NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant