Epilogue

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Première pleine Lune de printemps...


                  À des milliers de kilomètres du manoir Gravitz, au nord-ouest, dans les terres reculées des Territoires extérieurs du kaizer Ferratu Gram, vivait une tribu medjaï du nom de Vega.

Le début de soirée laissait apparaître les premières fumées dans les chaumières. Mordrill Schwerzovik, le chef du clan de ces quelques milliers de soldats medjaïs, donnait une correction brutale à un groupe d'enfants aux teints métissés, comme le fut la majeure partie de ce peuple de guerriers aguerris.

Comme étaient vêtus leurs géniteurs, les petits medjaïs, futurs chasseurs et tueurs, ne portaient qu'une culotte faite de feuilles et de lianes. Sinon, ils étaient nus de la tête aux pieds. Ces derniers tentaient d'échapper au courroux du chef de clan trapu, mais aux mains gigantesques et au coup de pied dévastateur pour des petites fesses :

- Si je vous choppe encore à ce petit jeu, je vous égorge sur-le-champ et vous dévore au prochain festin ! Bande de morveux ! Foutez-moi le camp ! conclut Mordrill par le plus majestueux tiré franc de cailloux. Le projectile atterrit dans le derrière d'un petit roux aux cheveux bouclés et à la peau légèrement moins mate que ses confrères.

Voki Kerrartz, surnommé « Pousse de piment », atterrit sur le sol, dents les premières, et mangea la poussière légèrement rougeâtre qui définissait bien la région de Sombre Lias. On l'appelait « Pousse de piment » en raison de ses cheveux roux et bouclés. La couleur rougeâtre ressemblait aux piments que ce peuple cultivait et mettait partout dans ses plats. Un surnom que sa génitrice avait inventé et qui suivrait le jeune Volki pour un moment.

Le petit surmonta la douleur en abandonnant quelques gouttes de sang sur la poussière. Et comme ses camarades déjà loin, il prit la poudre d'escampette pour se réfugier dans leur « repère ». Il cavala avec ses pieds nus et traversa tout le village pour échapper à Mordrill le colérique. Essoufflé mais pas dévoré, il aperçut l'arbre mort et creux où attendaient patiemment ses camarades. Tous l'incitaient à se dépêcher de rejoindre leur cachette secrète. La mâchoire et l'arrière-train brûlant du jeune garçon de six ans n'empêchaient pas ce dernier de zigzaguer entre les jambes des passants et des feux de camp. Il reçut quelques râles des adultes, dérangés par sa fuite poussiéreuse. Enfin, il arriva en sprint dans le repaire des petits medjaïs et tous s'empressèrent de rentrer dans le trou qui donnait accès aux racines du vénérable végétal, mort depuis des décennies.

Cela faisait un repère sombre de quelques dizaines de mètres carrés à peine éclairé par l'entrée du passage souterrain. Volki reprit son souffle, allongé sur une racine morte plus grosse que lui et ses camarades. Ces derniers le rejoignirent, ainsi que son frère jumeau, Plux, qui lâcha un juron avec exclamation :

- Bordel ! T'as eu chaud, frérot !

- Ouais, c'est clair. Un peu plus et on te dévorait au repas de ce soir !

- Moi j'aurais bouffé ses yeux !

- Et moi ses doigts !

- Son cœur !

- Ses couilles !

Tous rigolèrent à la dernière intervention d'un petit obèse aux cheveux rasés et à la queue de cheval. Volki rit sur le sort qu'il aurait pu avoir et demanda à son meilleur ami et frère qu'il aimait tant :

- Et toi, Plux, t'aurais choisi quoi ?

- Moi ? Je...

Le petit Plux n'eut pas le temps de répondre qu'il fut pris d'un soudain mal au ventre démesuré. Il se tint le ventre en le pressant le plus possible, croyant faire enlever la douleur. Mais en vain. Il se recroquevilla pour se mettre dos au sol, tout en gesticulant en tout sens.

Volki et les autres terrifiés se regroupèrent pour demander ce qu'il se passait. Mais le jeune «Pousse de piment », et un troisième petit, furent pris du même mal soudain. Et ils rejoignirent Plux au sol en se tenant atrocement le ventre.

Les autres, ayant peur que le mal se propage, reculèrent par réflexe vers la lumière de la sortie. Se cachant derrière des racines dans ce petit trou sous la terre.

Volki hurlait d'un cri aigu, bien plus que son jumeau et les autres. La douleur était telle qu'il faillit perdre connaissance. Mais soudain, son mal se déplaça. Bientôt, il eut une forte envie de dégueuler. Alors il se mit à quatre pattes, prêt à se débarrasser, il l'espérait dans la panique, de l'affreuse douleur.

Mais son amour pour Plux le poussa à se déplacer tant bien que mal vers lui, pour aider son petit frère de deux minutes.

Plux, lui, se plaignait toujours de douleur ainsi que le troisième enfant.

Et tandis que Volki tendit la main tremblante vers le cadet Kerrartz, il ne put s'empêcher de vomir à grands flots le repas, l'acide, et tout ce qu'il pouvait sortir de ses entrailles. Notamment une chose énorme qui manqua presque de l'étouffer dans l'effort, tant elle eut du mal à passer l'œsophage.

Une bestiole semblable à un calamar visqueux et violacé, parsemée de bourrelets la constituant, sortit de la bouche de Volki. Ce fut sans doute bien pénible, vue la pâleur de peau qu'avait pris le teint du jeune garçon. Mais il s'aida de ses mains à extirper la chose. Précédant le calamar, un liquide pâteux, gluant et transparent, que le corps de Volki s'empressa d'extirper au plus vite.

Le petit medjaï roux tremblait et était essoufflé. Mais une fois ses émotions partiellement remises, il se recula d'instinct de la chose sortie de lui.

Ses camarades, non victimes du même mal que lui, avaient déjà quitté la petite grotte naturelle pour avertir les adultes de l'incident.

Volki, par réflexe ou par peur, analysa s'il pouvait contourner la chose immobile, de peur de se faire mordre. Mais elle semblait morte avec un trou béant dans ce qui lui servait de crâne. Un liquide pâteux coulait de la plaie explosée. « Pouce de piment » s'assura quelques secondes de plus que la bête inconnue ne bouge pas. Ensuite il se rua sur son frère Plux, inanimé, mais sans aucun monstre sorti de son être :

- Plux ? Tu m'entends ? Réponds-moi, s'il te plaît !

Tout ce que son frère répondit fut une coulée de sang sortant de sa bouche, sous un regard vidé de toute âme. Le même sort mortel de Plux fut réservé au troisième petit gisant à quelques pas et laissant une flaque de sang autour de lui également par la bouche.


Volki fut le seul rescapé de cette « étrange » situation et pleura à grands cris durant des heures. Sans savoir comment et... pourquoi ?

Apostel NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant