Je danse et tue en ton nom
Après plusieurs jours de marche à travers la forêt, à effacer leurs traces et à éviter les feux de camp et les trajets à découvert, Annatar rompit le silence morose qui s'était installé entre Raven et lui :
-Dis-moi... tu n'avais pas l'air très surpris de voir le type qui nous a attaqué. Tu le connais ?
Raven redoutait cette question depuis le moment où ils avaient laissé le capitaine à la merci des bêtes sauvages. Il avait élaboré tout un tas de réponses possibles. D'un côté, il regrettait amèrement d'avoir croisé la route de l'apostel et encore plus d'avoir tenté de l'arnaquer. Qui était donc cet Annatar, et pourquoi avait-il un capitaine impérial, héritier de Claude Grizon Premier, à ses trousses ? Peut-être qu'il avait bien mérité de risquer de mourir dans cette bagarre.
D'un autre côté, il craignait les représailles du sorcier s'il venait à découvrir qu'il lui mentait encore. Sans oublier qu'il lui devait la vie... Il décida donc de jouer franc jeu pour une fois :
-Il est venu me voir à Rive-Sang. Il m'a posé plein de questions sur toi, ce que tu faisais, nos relations commerciales. Et il m'a ordonné de l'avertir si tu refaisais surface, mais je n'en ai pas eu le temps. A mon avis c'est Grant qui l'a prévenu, c'était l'occasion pour lui de te faire tuer tout en gardant les mains propres. Il va être déçu... Il va peut-être même se faire dessus en te voyant vivant.
Raven ne comprenait toujours pas pourquoi l'officier avait attaqué seul, alors qu'il aurait pu soulever une armée entière d'un simple claquement de doigts. Cette histoire manquait de cohérence à ses yeux. Il tenta d'interroger son interlocuteur à ce sujet, mais la seule réponse qu'il obtint fut un silence à peine troublé par le bruit des feuilles mortes sous leurs pieds pendant qu'ils progressaient dans le sous-bois. Il termina donc la discussion par un joyeux :
-En tout cas, je t'ai sauvé la vie, nous voilà donc quittes !
-C'est exact, répondit le mage noir. Maintenant, paye ta dette pour avoir tenté de m'arnaquer pour les fioles, et les comptes seront bons.
Raven se renfrogna, se jurant qu'une fois sa dette payée il ne reverrait plus jamais ce maudit sorcier. Il reprit sa mission de guide obligé à travers cette immense forêt qu'il connaissait comme sa poche, pour l'avoir parcourue de nombreuses fois dans son enfance. Son père lui avait enseigné tout ce qu'un habitant des bois se devait de connaître pour se repérer dans ces lieux hostiles.
Annatar le suivait docilement, occupé à tenir fermement sa main transpercée. Il l'avait enroulée dans un épais bandage pour contenir l'hémorragie et surtout éviter de laisser des traces de sang dans leur sillage qui auraient trahi leur présence et leur direction.
Au bout de plusieurs heures de marche, les pieds étaient en feu et les estomacs criaient famine. Evidemment, c'était le vantard du coin qui se plaignait le plus de cette situation. Alors qu'ils s'apprêtaient à faire une pause, ils entendirent un bruit sourd suivi d'un craquement strident. D'instinct, les deux hommes s'accroupirent pour rester le plus discret possible. Le blessé dégaina son poignard malgré la douleur de sa main. Le contrebandier voulut faire de même mais réalisa qu'il ne possédait pas d'arme. Il pesta de frustration.
Annatar fit signe à Raven de contourner l'origine du craquement par la droite, tandis que lui irait par la gauche. Ils s'approchaient ainsi d'arbre en arbre, pour rester cachés au cas où ils ne seraient pas déjà repérés. L'apostel noir entendit des tapements et des cris d'efforts répétés et réguliers. Plus il s'approchait de la source du bruit - quelques dizaines de mètres à en juger par son oreille - plus il devinait ce qu'il signifiait.
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Apostel Noir
FantasyLa porte révèle les doutes. L'äther préserve la foi... Annatar patiente dans une auberge infecte de la pègre pour récupérer sa cargaison... particulière, et ce pour le compte de son organisation, la Sybille. Lorsque son contrebandier arrive enfin...