Annatar et Raven étaient revenus à l'entrée de la cité Volonzo au beau milieu de la nuit. Arrivés à vue des murailles, ils avaient éteint leurs torches, afin de ne pas se faire repérer par les soldats de garde. Il s'avérait évident qu'on les arrêterait immédiatement à la première vue d'un Raven en décomposition et d'un Annatar à l'œil orangé. D'autant plus qu'on recherchait le sybillin pour les incidents à Paradis. Alors, tous deux avaient convenu d'un point de rendez-vous, une fois que l'apostel aurait trouvé un bateau qui daignerait les emmener à bon port.
Annatar s'était donc rendu immédiatement sur les quais, où les ouvriers et marins s'affairaient à leurs tâches vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ils déchargeaient et chargeaient les vaisseaux en permanence. Le sorcier noir trouverait sûrement quelques matelots qui lui indiqueraient des noms de capitaines intéressés par sa proposition.
Une fois arrivé sur les abords du port, où un déchargement de sardines avait lieu, il se dirigea vers le premier employé et quémanda son commandant. Par chance, le patron du navire n'avait pas quitté son vaisseau et le sybillin demanda à s'entretenir avec lui. Annatar eut à peine le temps d'indiquer sur la carte l'endroit désiré, qu'il reçut une réponse négative, suivie de quelques moqueries. Voire d'être considéré comme fou pour oser aller là-bas. Il se fit remballer sans d'autres formes de procès et n'insista pas davantage auprès du capitaine. Il passa à une autre embarcation, à laquelle il reçut la même réponse négative. On lui assura que personne dans ce port ne se risquerait à naviguer dans ces eaux-là. Et d'autant plus d'amarrer à l'endroit indiqué par l'apostel. Pas même les Nacijas eux-mêmes, habitants pourtant voisins des lieux.
En effet, d'après Herumor, les setters de l'äther se situaient sur une île au-delà des frontières du monde des hommes. Ce morceau de terre flottant se situait plus précisément en mer, ou lac, Terenundae. C'était la dernière étendue d'eau à l'extrême-est du monde connu. Elle représentait également la limite des territoires extérieurs, dont les frontières de l'est touchaient ladite Terenundae. Quant à sa définition en tant que « lac » ou « mer » Terenundae, cela dépendait des avis des navigateurs. Car même si personne n'avait jamais osé en étudier le contour, on arrivait à apercevoir au large de Terenundae des terres hautes. Cela signifiait par conséquent une fin de ces eaux dangereuses. D'après les témoignages d'aventuriers, on pouvait en conclure que ces eaux étaient entourées par le continent. Ce qui les catégoriserait, dès lors, en lac aussi vaste que l'empire de Tarr, et non plus en mer. Cependant, ça ne restait que des suppositions et elles ne seraient pas vérifiées de sitôt. Un lieu sauvage où peu de gens, même les clans medjaïs et les Lossens en général, ne s'étaient que très peu aventurés. Le peu d'explorateurs lossens, esclavagistes ou impériaux à s'être risqué au-delà de Terenundae n'était jamais revenu.
Personne.
Là-bas y régnaient des créatures bien supérieures à l'homme, qu'aucune magie blanche ou noire ne savait dominer. Une limite où dame nature y interdisait une expansion des esprits conscients. Qu'ils proviennent de l'empire, des États neutres ou des territoires extérieurs.
Sans compter que le chemin pour y arriver devait forcément passer en territoire esclavagiste, ou Nacija, ainsi nommé par les autochtones. Avec les Lossens, c'était l'État le plus à proximité de l'île des setters. Il s'avérait donc plus prudent de passer en domaine Nacija pour arriver indemne.
En effet, à l'inverse des Lossens, le pays neutre n'avait officiellement jamais été en conflit ou en alliance avec l'empire de Tarr. Et comme le nom de leur nation l'indiquait, les habitants esclavagistes avaient bâti leurs fortunes et leurs principales ressources économiques dans la vente d'esclaves. Le pays avait à ce sujet, et à maintes reprises au cours des âges, frôlé la guerre avec Igdrill Tarr et son père avant lui. Car des disparitions soudaines de navires impériaux en ces zones maritimes s'avéraient bien trop fréquentes pour n'être que des accidents. Les diplomates nacijas en poste à Héméra s'argumentaient de prétextes flous et parfois limites envers les autorités impériales, au sujet de ces navires tarriens disparus. Mais ces excuses se voyaient suffisamment mielleuses pour ne pas déclencher une vendetta du puissant empire de Tarr envers les territoires esclavagistes. Une raison supplémentaire, outre la réputation de la mer Terenundae et de l'île des setters, pour qu'aucun des capitaines, qu'Annatar interpella, n'acceptât de naviguer en ces eaux nacijas. De peur de se retrouver abordés par des pirates. Ces derniers travaillant au service, comme tous le savaient, du pays lui-même. Personne ne désirait être ainsi exécuté, ou même vendu, au plus offrant. Selon certains témoignages concernant ce peuple nacija, une grande partie de l'équipage de ces bateaux soudainement évaporés se retrouverait à Silence, la capitale des territoires extérieurs, ennemi historique de l'empire de Tarr. Ainsi, cela alimentait les caisses de cet État esclavagiste aux intentions controversées, avec ce commerce juteux et approvisionné fréquemment en vies humaines.
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Apostel Noir
FantasyLa porte révèle les doutes. L'äther préserve la foi... Annatar patiente dans une auberge infecte de la pègre pour récupérer sa cargaison... particulière, et ce pour le compte de son organisation, la Sybille. Lorsque son contrebandier arrive enfin...