Chapitre 55 (La fessée)

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                  Les ordres d'Annatar s'avérèrent clairs concernant Raven qui attendait dans les bois et regardait la bataille contre les morts. Ne pas bouger ni intervenir, en aucun cas, en précisant :

- Uniquement lorsque tu t'assureras que Jared se trouve en sécurité pour pénétrer le manoir.

- Si... tu crèves... Que tu.... entres... jamais... manoir ?

- Alors je n'aurai plus vraiment de soucis à me faire, concernant le retour d'Héléna et tu devras te débrouiller.

- Je... mange... Héléna... si... tu meurs.

- Je m'y attendais. Mais je ne le verrai pas. C'est tout ce qui me rassure, ironisa le second de la Sybille, face à son compagnon d'infortune.

- Vaux mieux... toi... qu'Herum... re... remède.

Ce furent les dernières paroles que les deux alliés d'infortune se dirent, avant qu'Annatar ne descende en direction du manoir Gravitz. Quant au monstre dépecé, il avait patiemment attendu que la situation se délie. Tenant fermement unJared totalement épuisé, à bout de nerfs, et devenu frêle et maladif.

Lui, un valeureux et impressionnant marin Nacija, aussi malveillant puisse-t-il être, était réduit à implorer et quémander pitié auprès de la bête sans peau. Sa cage thoracique, bien que refermée, le faisait affreusement souffrir et déclenchait les enfers au moindre mouvement brusque. Et cela s'avéra également le cas durant tout le trajet, depuis l'arrachage de son vrai cœur sur la « Sirène farouche », jusqu'au manoir.

Trajet maintenu à cadence rapide dans les bois par Raven pour suivre de près le convoi de paladins et de soldats. L'hybride n'avait eu aucune pitié concernant les fragilités de Jared. Il pénalisa chaque ralentissement du matelot qui hurlait de souffrance. Et plus l'homme s'égosillait, pire l'humanoïde, non sans une once de plaisir, le torturait afin que le matelot se taise. Le « via crucis » de l'ancien prophète ressemblait à une promenade de santé, comparée à ce que subissait le marin Nacija, depuis maintenant des semaines. Le matelot était maintenu, lui aussi, par un approvisionnement de conscientia permanent et nécessaire pour ce qu'il subissait. Car le kanzel veillait bien à ce que le marin ne sombre pas dans les abysses, ou ne tente d'y aller par ses propres moyens... La bête avait beau perdre son humanité à chaque pas, l'humanoïde n'en restait pas moins intelligent et conscient que Jared souffrait le martyre.

Mais le matelot devait tenir. Il le fallait.

C'était le pacte entre Annatar et Raven. L'hybride aiderait l'apostel à arriver à ses fins, et ensemble, ils forceraient Herumor à donner le remède pour extirper le kanzel du contrebandier. Si tant est que le vieux n'eût pas menti. Car il ne lui restait plus beaucoup de temps pour sauvegarder le peu d'humanité qu'il lui restait encore. Raven se trouvait tout près de son but. Il le sentait.

De ses narines devenues inexistantes, il n'avait néanmoins pas perdu son odorat. Bien au contraire. Les cinq sens accrus et affinés de la créature décelaient une force obscure. Elle irradiait à travers l'édifice Gravitz. Comme une bête ressent la proximité du diable, le dépecé ressentait un Herumor attendant son lerhlinge. Il pouvait même assister au combat des deux puissants à l'intérieur du manoir, sans même y être présent.

Son attention à l'intérieur de la propriété Gravitz fut d'ailleurs subitement interrompue lorsqu'il entendit une explosion gigantesque dans la zone de combat, entre les paladins et les
morts-vivants. Une demi-sphère bleue, haute et large de plusieurs mètres, s'était propagée au niveau de l'entrée du manoir. Carbonisant tout sur un rayon de plusieurs dizaines de mètres. L'énergie et la chaleur dégagées par l'explosion avaient brûlé la rétine sans paupière du kanzel, ainsi que ses muscles à vifs. Et le monstre, en criant de sa voix aiguë, s'était réfugié derrière un arbre mort. Malgré sa protection derrière le végétal, l'humanoïde fumait ici et là par les multiples brûlures dégagées de la force bleue. Par chance, il s'était retrouvé devant Jared et l'avait enlacé pour le protéger de la déflagration. Ainsi, il avait encaissé les enfers à la place du « colis ». Mais même le marin au thorax malmené avait dû se protéger les yeux de cette lumière bleutée brillante, irritante et aveuglante.

Apostel NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant