Chapitre 49 (Mousse de canard)

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               Cela faisait presque quatre heures que le duo Ut supra attendait dans la salle d'attente. Le tempérament agité du zélateur aux courbes parfaites la rendait impatiente. D'ailleurs, elle effectua les cent pas aux portes du vaguemestre de Volonzo. Elle bouillait. Pour s'apaiser, elle pensa au petit Hillo qu'elle avait déposé sur le chemin, vers la caserne, aux bons soins de la coterie Prodest. Une unité d'ovates, des médecins-mages, dont le rôle s'avérait également, en période de paix, de subvenir aux besoin des plus démunis de la vie. 

La femme aussi belle que fatale connaissait un apprenti ovate effectuant son service à Volonzo. Elle lui avait discrètement laissé le petit-fils de Granela, en lui faisant parfaitement comprendre qu'il devait quitter la ville dans l'anonymat le plus total. Pour ainsi acquérir une nouvelle identité et une existence sans Sybille. Il fallait fuir à tout jamais le courroux de ce meister dont avait fait référence l'apotheker Granela. Le cœur sur la main, l'apprenti ovate n'avait pas hésité une seule seconde à rendre service à une bonne amie et également sauver une âme innocente, s'il le pouvait. Le changement d'identité d'Hillo se devait d'être caché, même de la coterie Prodest. Et ce pour éviter tout malheur que la Sybille retrouve le petit. Néanmoins, il se définissait illégal pour cet institut bienveillant d'effectuer ce genre d'opération anonyme. Du moins, sans en avertir au minimum les supérieurs hiérarchiques de Prodest. Mais ce fut pour la sécurité du garçon. Cela valait donc la peine que l'ami de la rouquine prenne des risques.

Sans que Jina ni Eslen ou Tristan ne le sachent, le petit Hillo serait déposé au siège de la coterie Prodest, dans la cité Espoir, à quelques centaines de kilomètres au sud d'Héméra, sur la côte. Il habiterait l'orphelinat public tenu par les ovates de la coterie. Cette dernière avait été créée à l'époque par l'impératrice Sylvae en personne. Puis il intégrerait sûrement l'organisme social et médical, pour un jour devenir à son tour apprenti ovate. Loin des souvenirs barbares de l'exécution de sa grand-mère, Granela Kulj.

Et tandis que la splendide militaire commençait à laisser son empreinte, à force
d'allers-retours sur le tapis bleu qui recouvrait un carrelage blanc, Eslen tenta de la calmer :

- Le temps ne passera pas plus vite si tu creuses un fossé dans le sol, ma belle, se moqua-t-il avec des paroles nasillardes que lui promettait son nez disparu.

- Je sais, mais... cela fait bientôt deux jours que nous poirotons dans cette caserne, à attendre que l'officier Palefrier nous reçoive. Putain ! cette histoire me rend dingue et le temps presse ! Le Capitaine est toujours enfermé sous nos pieds et l'archi-maistre Siraffon, à en croire le capitaine, s'affaire à détruire toutes les preuves de sa trahison. Nous devons à tout prix dévoiler la vérité et acquérir de l'aide.

- Premièrement, cela ne fera pas de mal à notre supérieur bourru et alcoolique de poiroter ici-bas. Il réfléchira à la façon dont il a traité ce pauvre gosse. Secundo, je ne l'aime pas du tout, donc... se référer au premièrement. Et troisièmement, qui te dit qu'il a forcément raison ?

- Comment cela ? s'arrêta Jina dans ses cent pas, choquée par les dires de son acolyte.

- Et si cela se concluait l'inverse ? Si notre ami ivrogne était vraiment en train de trahir l'empire ? Ou s'il était victime de sa paranoïa, avec son fichu frère disparu depuis on ne sait combien d'années. Le tueur de Paradis n'est peut-être pas son frère, après tout...

- Je ne comprends pas ce que tu insinues, Eslen...

- Je veux simplement soulever qu'on ne peut pas forcément faire confiance à un alcoolique, au passé opaque et à la réputation douteuse. Tout cela, parce qu'une liste, sortie d'on ne sait où, indique le nom de quelques personnalités importantes, s'acoquinant avec une secte obscure et, de surcroît, inconnue ?

Apostel NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant