Chapitre 10 - Rencontre en Forêt

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Moi serviteur  


La nuit avait envahi le ciel depuis un bon moment maintenant et sans feu de camp, les deux compagnons d'infortune ne verraient pas plus loin que le bout de leur nez. Annatar cherchait donc du bois pour le feu, tandis que Raven s'était endormi à même le sol, sur un lit improvisé fait de bouts de bois, de pierres, et de feuilles mortes. Ses ronflements auraient pu rameuter tous les loups aux alentours. Annatar laissa dormir le contrebandier jusqu'à ce que le dîner soit prêt, puis il le réveilla à coups de pied. Raven, dont le réveil fut brusquement interrompu une seconde fois dans la même journée, pesta à l'encontre de son employeur obligé.

Le repas se déroula dans un silence glacial car aucun ne pouvait supporter la présence de l'autre. Mais au bout d'un moment, l'escroc, qui était du genre bavard impatient, ne put réprimer sa curiosité :

-Que veux-tu faire en Massilian ?

-Ça ne te regarde pas.

-D'accord. Et plutôt que de m'emmerder moi, tu n'aurais pas pu aller directement au château de Tir ? Tu aurais trouvé le guide que tu cherches.

-Je n'ai pas de contact là-bas. À Rive-Sang, oui.

-Et alors ?! Ce n'est pas de la « conscientia » que tu cherches ni de la poudre blanche à sniffer ? C'est tout à fait légal de vouloir un guide.

-Il y a encore plus de militaires là-bas qu'à Rive-Sang. Dans ta porcherie de ville, au moins, malgré la gangrène que toi et les tiens représentez, je peux encore me fondre dans la masse des ivrognes et des tarés.

-D'accord, nous avons donc un recherché de premier ordre avec nous, Mesdames et Messieurs ! Et qu'as-tu fait pour atterrir dans les hautes faveurs de l'empire ?

-Tu poses beaucoup trop de questions et...

Le preneur d'otage arrêta de parler et ordonna le silence à son interlocuteur bavard. Il tendit l'oreille quelques instants et bondit en un éclair sur Raven. Celui-ci n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il se passait qu'il fut plaqué au sol par le sorcier, manquant d'être étouffé sous son poids et par le morceau de poulet qu'il était en train d'avaler. Il tenta de se dégager du jeune sybillin en le poussant, lui hurlant de lui expliquer pourquoi il avait fait ça. Ce n'est que lorsqu'Annatar se releva pour dégainer son fin poignard en scrutant les ombres autour de lui que Raven comprit la situation.

Un couteau de lancer était planté à l'endroit exact où se trouvait sa tête dix secondes plus tôt. Le sybillin avait sauvé la vie du bandit, lui évitant un coup de lame fatale entre les deux yeux. Ce court instant de lucidité s'évanouit aussitôt, alors qu'une masse humaine chargeait le duo, arrachant une branche dans sa course. L'assaillant frôlait les deux mètres et portait une brillante armure complète en acier trempé. Sa main droite était absente, remplacée par un crochet en acier rutilant.

Comment un géant avec une telle armure avait-il pu s'approcher sans être repéré par l'apostel ?

C'est lorsque le guerrier barbu chargea avec son énorme marteau qu'Annatar obtint la réponse qui lui glaça le sang et le remplit d'émotion. Il identifia immédiatement après l'emblème sur le plastron, deux signes d'appartenance qu'il ne connaissait que trop bien. Désarçonné par l'identité de l'ennemi face à lui, il perdit de précieuses secondes et évita de justesse le puissant assaut de la masse de fer, donné par la brute en mouvement. Le sybillin bondit à nouveau au sol pour échapper au fracas de l'arme. L'instrument de mort loupa sa cible et vint heurter de plein fouet un arbre de plusieurs dizaines de centimètres d'épaisseur qui craqua et commença à pencher dangereusement.

Apostel NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant