Apostel Noir

Chapitre 17 (Tunckam)

           Après bientôt onze mois depuis l'entrée en formation paladine pour Gabriel, les apprentis de première année entamaient leurs premières sorties en zone civile, comme l'avait annoncé Siraffon, il y a quelques semaines dans la cantine.

Partout dans tout l'empire, des groupes de combat d'une vingtaine de personnes avaient été envoyés par maistre Scléross, directeur des enseignements militaires, avec l'aide de maistre Benam et d'autres enseignants de l'académie. Comme chaque année, les professeurs vicelards prenaient un malin plaisir à se venger des élèves perturbateurs, en leur attribuant des missions plus ou moins désagréables selon leur niveau, mais aussi leur attitude en scolarité. Ils mettaient également et volontairement dans la même équipe, les caractères qui ne s'aimaient guère. Afin de tester leur propension à travailler dans un groupe malgré les rancœurs. Car en même temps, cela jaugeait également leur soumission à une autorité hiérarchique.

Un écolier d'élite de troisième année était désigné comme chef d'équipe, selon le nombre de l'unité et la mission confiée. Le hasard faisant bien les choses, les deux frères étaient tombés dans la même unité. Tristan, réputé le meilleur de sa classe, voire même de l'école, et l'un des plus âgés des élèves paladins, avait naturellement été désigné pour contrôler l'unité de Gabriel. Au réveil du premier jour et jusqu'au mois d'août prochain, le parfait apprenti paladin deviendrait responsable de ses subordonnés.  

L'objectif de son équipe était simple. L'ordre d'élite devait se rendre à la cité de Tunckam, au nord-est du royaume de Dutrich. Il assurerait protection et aides manuelles au village victime d'un incendie. Les flammes avaient détruit une bonne moitié des bâtisses, habitées par une centaine d'individus.

Dés leur départ, Tristan avait pris son rôle de chef très à cœur.

Un peu trop peut-être, se demandait son frère en constatant les affronts que lui imposait Tristan. Croyant au départ qu'il obtiendrait quelques privilèges par la famille, cela s'était conclu tout le contraire. Le préféré des De Justinier n'avait cessé de harceler son petit frère. Officiellement, il justifiait ce comportement autoritaire pour rendre fort et indépendant Gabriel. Officieusement, il ne digérait toujours pas cette idée que Gabriel et Héléna puisse avoir des sentiments l'un pour l'autre.

Fallait-il dire que la volonté bien faisante de Tristan à torturer Gabriel durant ce séjour, avait été encouragée par leur père, Hector. Ce dernier voulait aussi se venger du mieux qu'il le pouvait, à défaut de ne pas pouvoir détruire Gabriel de sa main. Et ce, pour l'affront que son cadet lui avait infligé en quittant la voie paladine. Sans parler de l'audace de lui avoir tenu tête avec l'aide de Siraffon.

Était-ce par fierté ou par haine ? Mais Gabriel ne fléchissait en rien durant le long trajet jusqu'au village de Tunckam, au nord-est du royaume de Dutrich. Communauté où il avait pour mission d'aider les habitants à rétablir les bâtiments après un incendie apparemment criminel. Lui qui avait espéré passer outre cette escapade, en réussissant à intégrer l'école de médecine, avait été plus que désappointé. À son grand regret, il avait subi un ascenseur émotionnel en apprenant que la mission à Tunckam clôturerait le dernier de ses devoirs en tant qu'ancien apprenti paladin. L'archi-maistre Siraffon avait insisté fermement et très autoritairement à ce sujet. Gabriel devait réaliser cette sortie de première année.

Paladin ou pas.

Les demi-soldats avaient été contraints de voyager à pied, ordre des supérieurs. Ils n'avaient reçu de l'académie que trois montures pour transporter les réserves d'eaux et de nourriture, ainsi que quelques outils. Le reste se portait au dos et par chacun des équipiers.