Chapitre 6 (Fort Parsime)

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Ici pas de bas ni de haut


        Grant comptait sa recette du jour, le visage a moitié enroulé dans un bandage. Bien que cela fasse plus de trois semaines, la douleur de ses brûlures ne s'estompait pas et chaque mouvement trop brusque lui rappelait amèrement l'apostel encapuchonné qui avait ravagé son auberge, ses hommes et son faciès. Il avait encore du mal à appréhender le monde avec son seul œil valide.

Le patron du « 238 » fit tomber son verre de bière pour la énième fois, tout en pestant contre ce maudit sorcier. Son esprit refusait toujours d'admettre qu'il lui manquait quelques phalanges, et soulever sa chope avec seulement trois doigts semblait chose difficile. De colère, il hurla à Berni de venir nettoyer sa connerie, ce que le serveur se hâta de faire en marmonnant, comme à son habitude.

Et tandis que Grant retournait à ses comptes, il aperçut une ombre rentrer dans son auberge. Le silence s'imposa dans la pièce, les rires rauques et les parties de cartes s'arrêtèrent à l'arrivée de l'étranger.

Une montagne en armure argentée, mais ne portant pas de heaume, se tenait face à Grant. La constitution massive de l'individu l'obligea à se mettre de profil et à baisser la tête pour rentrer dans le taudis des Naux. Il avait des cheveux châtains lui tombant jusqu'aux épaules et une longue barbe peu entretenue parsemée de poils blancs. Ses yeux verts étaient cernés, fatigués et paraissaient colériques. L'homme était manchot de la main droite. Il possédait à la place un système ingénieux fait de crochets et de ressorts en ferraille lui permettant de fixer différentes armes instantanément, assurant ainsi une rotation de trois-cent-soixante degrés.

Le reste de son équipement était tout aussi impressionnant. Son armure étincelante en acier trempé portait des symboles que Grant connaissait bien. Que cherchait ce genre de personnage dans un boui-boui perdu aux confins de l'empire ? C'était la question que se posait toute l'assemblée. Pour la plupart vétérans ou marins, mais surtout bandits, ils connaissaient les codes et les symboles impériaux.

Certains déserteurs commençaient à transpirer à l'idée que ce mastodonte soit venu les punir pour leurs trahisons et crimes envers l'autorité. Évidemment, ces idiots donnaient trop d'importance à leurs méfaits et leurs vies pour croire que l'inconnu exceptionnel se déplacerait en personne pour sanctionner des déchets comme eux.

Son statut et son physique imposaient un respect naturel, voire de la peur chez ces anarchistes, même chez Grant. Il avait beau être un petit chef de la pègre de Rive-Sang, il n'en demeurait pas moins craintif des autorités. Le corps d'arme de l'étranger en cape blanche devant lui était connue pour son intransigeance envers des êtres comme Grant. D'autant plus que l'intrus ici présent, maximaliste adorateur de Claude Grizon Premier, était réputé pour son intégrité à toute épreuve. Les hommes de sa caste se situaient à la limite du fanatisme dans leur domaine, leur réputation et leur implacabilité étaient connues de tous, et personne en Tarr ni au-delà n'avait jamais réussi à les corrompre.

Les aspirants à cette formation élitiste étaient triés sur le volet, tant au niveau psychologique que martial, afin de s'assurer une volonté sans faille de leur part. Leur mission, l'Empire de Tarr et leur famille étaient leur priorité, dans cet ordre précis.

Et le barbu ici présent était à l'apogée de cette volonté à toute épreuve que Grant avait en horreur :

-Je sais pourquoi vous êtes là et j'ai déjà tout dit à la milice concernant le sorcier qui m'a bousillé ! Mais les réguliers m'ont ri au nez quand j'ai parlé d'apostel, alors je...

Apostel NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant