Eslen Octopus et Jina Kolepse n'étaient jamais venus à Volonzo et ce n'était pas un regret. Ils avaient certes parcouru beaucoup d'endroits dans leurs courtes vies de jeunes militaires, mais la ville portuaire dutrichienne n'avait jamais été prévue au programme. Le zélateur regrettait déjà de se retrouver en ces lieux sentant le poisson à chaque coin de rue. Et il fallait l'avouer, l'accent des Dutrichiens se concluait vraiment ridicule. À l'inverse, la montagne de paladin connaissait bien Volonzo. Les quelques traces laissées par Annatar au cours de ces dix dernières années pour venir voir Herumor ou Granela, l'avaient souvent mené en cette ville pauvre.
Néanmoins, l'apostel dissimulait parfaitement ses empreintes et le grand guerrier d'élite n'avait jamais deviné le lien entre cette cité et le trajet vers le manoir Gravitz. Du moins, jusqu'à cette fameuse liste... Dernier espoir de l'officier de venger ses proches disparus. Les indications de Gérald Tivonnier, le comptable sybillin sur la liste, étaient gravées dans la mémoire du capitaine. Ce dernier n'avait qu'une pensée en tête, qu'une seule adresse en Volonzo.
Ils arrivèrent dans les quartiers commerçants les mieux cotés de la cité. Le molosse en armure complète, seulement cachée par une longue veste en fourrure, demandait à tout passant la direction d'un endroit précis. Certains en connaissaient le nom, d'autres répondirent négativement. Sur leur chemin et leurs questionnements, ils attirèrent l'attention d'un homme qui les scrutait d'un angle de mur. Ce dernier resta plusieurs minutes à analyser le trio, puis partit soudainement. De fil en aiguille, le trio de militaires parvint devant la « Poudre à Canon ». Le chef des élites ordonna à ses subalternes de se préparer à tout et ils entrèrent sans attendre.
L'antique sonnette annonça l'entrée de visiteurs, les premiers de cette matinée, et heureusement pour le groupe. Des témoins ou des victimes collatérales s'avéreraient contraignantes. La mission première d'Eslen et Jina était de protéger la population à tout prix. Il s'en concluait moins certains quant aux convictions d'un capitaine rongé par la haine et la rancune.
Le sans nez fut chargé de garder la porte d'entrée et de la verrouiller de toute intrusion ou d'échappatoire, tout en scrutant également l'extérieur. Le guerrier géant attendait, marteau de Grizon toujours dans le dos, etJina se tenait prête à dégainer son katana. Ils analysèrent la minuscule salle remplie d'étagères et d'épices. Quelques secondes plus tard, ils virent sortir d'une pièce annexe, une vieille dame qui, en constatant les trois intrus près de l'entrée, s'arrêta un instant comme pour réfléchir. Puis ses yeux bridés ne laissant rien paraître, elle reprit nonchalamment sa marche pour accueillir les nouveaux venus, gardant son air de bonne mémé du quartier à la tenue multicolore. Son accent galiléen s'entendait légèrement, malgré les années passées à Volonzo :
- Bienvenus à la « Poudre à Canon », Messires. Que puis...
- Granela Kulj ? interrompit le manchot littéralement deux fois plus grand que la petite dame.
La concernée, au regard bridé et à la chevelure blanche et attachée, se mit à sourire modérément. Elle reprit parole avec un calme absolu :
- Ainsi, le comptable a parlé...
- Au nom de l'empire, vous êtes en état d'arrestation. N'opposez aucune résistance et vous connaîtrez un jugement adéquat à votre trahison, envers notre empereur Igdrill Tarr et son peuple.
La dame âgée commença à reculer, toujours avec une assurance désinvolte. Le zélateur et le paladin comprirent. Ils dégainèrent leurs armes respectives, où même une étagère faillit tomber dans les manœuvres du molosse, serré dans cette petite salle. Il n'en fallut pas davantage à Eslen pour activer ses points bleutés. Aussi, il se tenait évidemment prêt à alimenter son bouclier sur sa compagne de combat.
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Apostel Noir
FantasyLa porte révèle les doutes. L'äther préserve la foi... Annatar patiente dans une auberge infecte de la pègre pour récupérer sa cargaison... particulière, et ce pour le compte de son organisation, la Sybille. Lorsque son contrebandier arrive enfin...