chapitre 40 : une rencontre anodine

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Nala se réveilla en sursaut, des sueurs froides coulant à grosses gouttes de son visage et de son dos. À travers les rideaux, il ne brillait même pas encore le soleil, seulement les lumières jaunes des lampadaires nocturnes. La jeune femme se laissa donc rabattre contre son lit de fortune, les mains sur son front pour s'essuyer ses cheveux mouillés de sueur. Cela faisait à présent deux nuits que Nala se réveillait de la sorte, enfin ca, si c'était qu'elle dormait, parce que parfois elle pouvait juste rester allongée sur le dos et regarder le ventilateur tournoyer. Mais cette nuit était exceptionnellement violente. Des flashs, des images, des bruits à s'en crever les tympans... Tout ce qu'il fallait pour faire un magnifique cocktail de cauchemars. Jamais de sa vie, elle avait eu ça, parce qu'elle n'avait jamais eu le temps de se laisser abattre... Mais c'était là, maintenant, en train de hanter ses rêves, les images de son passé, les images oubliés et refoulés, celles que sa conscience avait repoussé aux confins de son esprit.

Nala fit glisser ses doigts le long de ses cicatrices à la gorge et s'attardèrent sur le carré déchiquité qu'avait laissé le bunker. Un flash se dessina alors sous ses yeux, celui de ses mains tremblantes et couvertes de sang, de ce sentiment infâme que de sentir ce liquide chaud et poisseux dégouliner à travers ses doigts... Elle retira vite fait ses mains de son cou et se releva de son lit dans un sursaut spontané. Il fallait à tout prix qu'elle garde son esprit occupé.

Courir. C'était tout ce qu'elle avait réussi à penser pour garder loin de son esprit les petites voix qui chuchotaient des mots incompréhensibles. Alors tandis que le soleil était en train de se lever, Nala ferma la porte de chez elle et commença à prendre son élan pour se mettre à courir. Au début ça marchait plus ou moins, la jeune femme passait devant les maisons qui se ressemblaient tous autant les unes que les autres, devant les autres qui commençaient à perdre leurs feuilles... Et il n'y avait rien d'autre dans sa tête. Mais les choses revinrent assez vite. Nala continua donc à courir, en accélérant légèrement et au fur et à mesure, elle accéléra encore et encore, à un tel point qu'elle était aveuglé par le rythme effréné de son cœur et la douleur qui empoignait ses jambes et ses poumons. Nala se revoyait courir à travers le champ de bataille, le feu du Napalm hurlant dans son dos et les cris de souffrance de ses amis tonnaient sourdement dans ses oreilles. Elle avait couru si et si loin qu'elle s'arrêta, les mains sur les genoux, complètement épuisée. Des grandes coulées de sueur coulaient le long de son visage quand Nala s'écroula contre un arbre du petit parc jusqu'auquel elle avait couru. Elle reprenait impulsivement sa respiration, les poumons à vif, quand une autre jogueuse s'arrêta à côté d'elle, un grand sourire sur ses lèvres.

- déjà fatiguée ?

Nala essaya de se relever mais une crampe au mollet l'en empêcha.

- j'ai juste oublié de m'échauffer. C'est rien.

La femme en question se ratacha ses cheveux blonds fadés dans une queue de cheval haute et s'agenouilla à côté d'elle pour lui tendre une bouteille d'eau.

- ça devrait aider à faire passer la crampe.

Nala hésita mais finit par accepter avec un sourire méfiant.

- tu es la nouvelle, non ?

- pardon ?

- je veux dire dans le quartier... J'habite à la maison juste à côté et... Et bien, des militaires qui emménagent à côté, ça se remarque tout de suite.

Nala vida la bouteille et quand elle le remarqua, elle s'excusa auprès d'elle.

- je suis désolée de l'avoir vidé...

- oh non c'est pas grave, tu avais l'air d'en avoir plus besoin que moi.

La femme se releva et lui tendit une main amicale pour l'inciter à faire la femme chose et une fois debout, elle se présenta.

- Je suis Nala.

- moi c'est Teresa. Enchantée.

Nala sourit en retour et sa voisine lui indiqua un parking à côté du parc dans lequel elles se trouvaient.

- si tu veux, je te ramènes à la maison, à moins que tu veuilles encore courir ?

La jeune femme rit doucement et accepta avec gratitude sa proposition.

Teresa la déposa devant sa maison et Nala ne remarqua que maintenant qu'elle avait oublié de retirer le panneau "vendu" de sa pelouse. Et pourtant il était grand temps, à en juger le papier cartonné qui se décollait avec la rosée du matin.

- merci encore...

- mais il n'y a pas de quoi... Si tu veux, on peut se rejoindre pour un verre plus tard ? Enfin, si ça te dit, bien sûr.

Nala alla répondre quand son regard se posa sur un autocollant étiqueté à côté de celui de l'assurance de la voiture sur le pare brise. Ce n'etait autre que les serpents croisés symbolisant la médecine et à en juger l'attentivité de Teresa, elle faisait partie de ce genre de médecins qui irritaient les militaires. Nala défit alors  sa ceinture et lui assura d'un petit sourire faux.

- merci beaucoup pour ce que tu as fais pour moi mais j'ai encore pleins de choses à faire à la maison et je ne sais pas si je vais avoir le temps.

- dommage, une prochaine fois alors ?

- avec plaisir.

Sur ce, Nala sortit du véhicule et s'empressa de rentrer chez elle, en s'assurant qu'une fois à l'intérieur, la porte était bien fermé derrière elle.

Non, elle allait bien, elle n'était pas folle, elle savait que ce cauchemar n'était que passager et qu'elle n'avait nullement besoin d'aide de sa charmante voisine psy. Pas de psy, jamais de psy.

Les cauchemars allaient passer.

Another Mission T04 ~The Wars We Fight For  ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant