chapitre 98 : le prix de la conscience

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SARAH

Enfin. Enfin, l'ennemi fut repoussé après deux journées intenses de tirs, de feux, de fumée et d'odeur de chair brûlée. Sarah avait plus de blessures sur elle que certains blessés à qui elle venait en aide, mais tout ça, toute la douleur, n'allait se manifester que quand l'adrénaline allait rechuter.

Alors elle était là, debout sur la corniche du porte-avion, en se tenant à peine à la balustrade pour regarder les bateaux ennemis rebrousser chemin. Ce n'était qu'une fois qu'ils avaient disparus derrière l'horizon que la jeune femme recula de quelques pas vers la piste d'atterrissage, lourdement abîmée par les missiles. Elle s'y allongea, les mains posées sur son uniforme déchiré par les endroits de ses blessures. Elle ferma doucement les yeux et pour la première fois depuis le début de cette mission désastreuse, une bouffée d'air frais arriva à ses poumon sans immédiatement se dissiper dans la tension de ses muscles. Soudain une goutte de pluie atterrit sur son visage. Sarah ouvrit à nouveau les yeux et d'autres gouttes suivirent très vite. Elle se redressa sur ses coudes, le nez relevé vers le ciel qui avait menacé depuis plusieurs jours d'éclater. La jeune femme remonta ses mains vers les cieux et remarqua qu'en fait, il n'y avait pas que de la pluie qui tombait, mais aussi autre chose. Des cendres.

- Lieutenant Anderson ? Vous allez bien ?

Sarah se retourna brusquement vers le Sergent Evergreen, l'un des ceux qui l'avait accueilli au port avant qu'elle n'embarque pour l'horreur. Le jeune pilote vint s'asseoir à ses côtés, dans un grand soupir, le genou replié sur son torse. C'était plutôt à elle de demander s'il allait bien, à en juger les traces de sang séché qui descendait le long de sa joue, laissant l'un de ses iris entouré d'un anneau pourpre. Sarah soupira néanmoins et reporta son attention sur les cendres du ciel.

- J'en sais rien... On... On va revenir à terre ?

- Oui. Pour se reposer, se soigner, réparer les dégâts, puis on revient. Des vaisseaux de guerre proprement adaptés à ce genre d'attaques vont prendre le relai...

- Tant mieux.

Il la regarda d'un œil interrogateur et Sarah se releva avec beaucoup de difficultés avant de minauder.

- Comment est ce que après tout ça on peut possiblement vouloir revenir chez soi ? Vivre une vie normale et... Prétendre comme si de rien était...

Elle passa ses doigts sur les plaquettes de ses dogs tags couvertes de croûtes et réprima un rire.

- Va te faire soigner, tu pourrais avoir des blessures internes à en juger ton œil.

Il ouvrit la bouche pour protester mais n'en eut pas le temps car elle était déjà partie.

***

Sarah passa quelques jours à la Base de Corpus Christi, pas en tant que médecin résidente en chirurgie, mais en tant que patiente. Même après Halley, Sarah ne s'était jamais retrouvée de ce côté du lit de patient. Le pire moment avait été sa première douche après la bataille... De devoir voir ce mélange d'essence, de sang et pas que le sien, et la suie s'enlever de son corps, laissant derrière des trous béants sur sa peau et des acouphènes qui allaient surement rester à vie. Elle allait donc faire avec le bruit de missiles dans ses oreilles.

Dormir, c'était encore une autre affaire. C'était bruyant et lumineux et pourtant il faisait sombre et silencieux. Et puis le froid... C'était comme si elle n'avait jamais quitté ces eaux tumultueuses du Golfe en guerre. Elle en était donc là, allongée sur son lit encore fait, droite comme une planche, regardant le ventilateur tournoyer au plafond, les yeux voilés par le sommeil qui voulait à tout prix la tirer dans les bras de Morphée. Mais son corps l'en empêchait. Elle était en constante alerte, elle se tourna alors sur le côté en posant sa joue sur la boule pitoyable de son oreiller, regardant en même temps l'heure sur l'horloge digitale.

Another Mission T04 ~The Wars We Fight For  ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant