- Zacharie ! appela Aymeric.
- Lisbeth ! paniqua Alaman.
- Reculez ! ordonna Gédéon.
Son ordre claqua par-dessus le désordre général. Il attrapa le pied de la princesse et retira vivement l'épine longue d'au moins cinq centimètres pour l'examiner. Il pesta.
- Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce qui lui arrive ?! s'écria Alaman.
- Cet arbre est empoisonné. Les baies sont comestibles une fois à maturité mais les épines et l'écorce portent en elles un poison diffusé par la sève. Le malheureux qui se pique dessus sombre dans une fièvre délirante et, si la charge de poison est trop lourde, succombe. Heureusement elle a posé le pied sur une branche morte. Les effets du poison devraient s'en trouver amoindri. Si elle est forte, elle vivra.
Brazidas et Alaman soupirèrent comme un seul homme. Zacharie déboucha un flacon en terre cuite et en versant le contenu entre les lèvres de Lisbeth avant de lui basculer la tête vers l'arrière. Elle déglutit péniblement et s'étouffa un peu au passage.
- Je lui ai administré de quoi faire baisser sa fièvre, expliqua-t-il face au regard noir d'Alaman. Ça devrait l'aider à combattre le poison.
- Ne pensons plus à progresser aujourd'hui, soupira Gordon. Nous allons monter un camp et attendre qu'elle aille mieux.
Ils obéirent et dressèrent les tentes. Brazidas veilla sur sa jumelle qui s'agitait en marmonnant dans son sommeil, le front couvert de sueur. Ils la tirèrent à l'abri et au sec dès que le campement fut achevé. Elle frissonnait malgré sa peau brûlante alors Alaman l'enroula dans sa couverture et Brazidas matérialisa une orbe enflammée au-dessus d'elle.
- Elle va délirer longtemps ? demanda le rouquin à Gédéon.
- Bonne question. Deux de mes compagnons se sont piqués à cette plante par le passé. Le premier s'est jeté du haut d'une falaise, persuadé que son corps brûlait et que la mer se situait à moins d'un mètre de hauteur. Le second prétendait voir des monstres inexistants. Il a hurlé pendant des heures. Il a eu de la chance, il s'en est tiré avec une extinction de voix pendant deux jours au lieu de mourir.
- Très rassurant, grommela le tatoué d'un ton préoccupé.
Il passa son tour pour la préparation du repas cette nuit-là, trop préoccupé par le sort de Lisbeth. Ils se groupaient autour du feu pour se consoler du gris du ciel et du marron de la boue en contemplant la couleur changeante des flammes quand Lisbeth hurla de toutes ses forces, d'un ton empreint d'une colère qui effrayerait la plus sanguinaire des bêtes sauvages :
- JE REFUSE DE ME MARIER !
Mirzal pouffa, suivi de Gébald, puis de Firenza. Le fou rire se répandit à la vitesse de l'éclair au sein du groupe et Aymeric céda aussi. Son rire, plus nerveux que sincère, témoignait de son moral au fond des bottes. Il se ressaisit avant de finir plié en deux, contrairement à la plupart de ses amis.
Lisbeth criait toujours son refus face à son union imaginaire et Alaman tentait vainement de la calmer avec des paroles doucereuses. Il effectua un repli stratégique avec un cri de douleur et se réfugia avec eux près du feu en se massant le dos de la main.
- Elle m'a mordu, dit-il d'un ton penaud.
Leur fou rire reprit de plus belle. Ils dormirent peu à cause de la rage de Lisbeth, qui cessa de crier au milieu de la nuit pour parler toute seule. Elle se leva avec les premières lueurs de l'aube. Aymeric achevait son tour de garde en compagnie d'Hermas et de Byron lorsqu'elle émergea de sa tente d'une démarche titubante.
- J'ai mal à la gorge.
Elle s'installa près du feu mourant, les yeux dans le vague et les jambes repliées contre elle.
- Comment tu te sens ? s'enquit Aymeric en avisant les cernes de la jeune femme.
- Au bout du rouleau...Il s'est passé quoi hier ? J'ai marché sur quelque chose de pointu, une vague de douleur et de chaleur m'a traversé de la tête aux pieds et après...J'ai rêvé. J'ai rêvé tellement longtemps que j'ai l'impression que c'était vrai...Ça m'a semblé durer des années...
- Tu t'en souviens ?
- Oui, dans les moindres détails, affirma-t-elle de sa voix trop rauque. Je veux voir Alaman.
- Il dort encore.
- Je dois le voir.
Elle avait les yeux humides et les mains tremblantes. Aymeric alla réveiller son ami qui sursauta et marmonna :
- C'est l'heure ?
- Non mais Lisbeth est réveillée et elle te demande. Elle a l'air assez secouée.
Alaman se leva avant même qu'il ait terminé sa phrase. Son élan d'amoureux transi le porta aux côtés de la princesse d'Alembras tel un chevalier vers sa demoiselle en détresse, ce que Lisbeth était à cet instant précis plus que jamais auparavant.
Elle lui sauta au con et éclata en sanglots en chuchotant des mots que seul Alaman parvenait à entendre. Il la serra contre lui et caressa ses cheveux châtains avec une expression qui se voulait rassurante. Aymeric et les autres se détournèrent pour leur accorder un peu d'intimité. Le camp s'éveilla peu à peu et Lisbeth pleurait toujours dans le cou d'Alaman.
- Que s'est-il passé ? questionna Lysange.
- Lisbeth n'a pas très bien vécu ses délires visiblement. Ça fait un moment qu'elle est dans cet état...Nous devrions la laisser au campement avec les plus épuisés d'entre nous pour qu'ils reprennent des forces.
Il alla soumettre son idée à Gédéon, qui approuva. L'explorateur chargea les dispensés de battue de préparer le repas pour leur retour et de récolter de quoi manger pour étoffer leurs réserves.
Cette nouvelle journée d'expédition ne leur apporta rien de plus. Ils regagnèrent le campement en traînant des pieds, exténués. Il s'agissait de leur dernière chance avant les zones rouges.
Ils regagnèrent leur île de départ, la mort dans l'âme. Du haut d'Hydronoé, Aymeric promena son regard sur la forêt épaisse qu'ils traverseraient bientôt. Seule une ligne moins touffue la creusait au milieu, telle une cicatrice végétale. Ils se posèrent à la lisière des hauts arbres, incertains. Gédéon leur fit signe d'avancer et Aymeric chassa le soupçon de peur qui lui tiraillait l'estomac pour ouvrir ses sens.
Il oublia toute émotion au profil de l'instinct pur et brut, prêt à attaquer au moindre danger. Il progressait avec la souplesse et la discrétion d'un félin, son épée hors de son fourreau. Rien ne bougeait dans les bois silencieux, bien trop silencieux. Il s'arrêta pour laisser passer un serpent sombre qui l'ignora superbement. Byron chuchota dans son dos :
- Une seule morsure et c'est la mort assurée. Heureusement, ce n'est pas une espèce agressive. Méfie-toi de ceux qui sont vert citron. Ils attaquent au moindre mouvement suspect. Oh et les grosses araignées de la taille d'un poing avec le corps velu et des taches blanches sur le dos ! Pire que les mygales et aussi venimeuses que les veuves noires !
- Ça nous fait une belle jambe, grogna Alaman en passant devant eux. Et puis quoi encore ? Des moustiques géants ?
Byron pinça les lèvres puis chuchota à l'intention d'Aymeric :
- Je vais éviter de lui dire qu'il y en a, surtout dans la forêt en plein été.
Le chevalier dragon lui tapota l'épaule et se concentra à nouveau sur son environnement. Il fit particulièrement attention à l'endroit où ses semelles se posaient. Il n'avait pas envie de subir une morsure et de s'effondrer raide mort ! Ils arpentèrent la forêt des heures durant, sans approcher du cœur de cette dernière.
Aymeric se tendit lorsque ses yeux se posèrent sur un tronc sillonné de quatre marques profondes et parallèles. Des griffes ? L'animal à qui elles appartenaient n'était pas un poids plume. Aymeric guetta d'autres traces et ne tarda pas à en débusquer une légion. Des branches cassées, des végétaux aplatis, des traces dans la boue...Les signes étaient partout. Ils approchaient du territoire des prédateurs qui régnaient en maître sur cette portion de terre désolée.
- Nous devrions dévier, chuchota-t-il.
Ils s'exécutaient en silence lorsqu'une branche craqua. Le cœur d'Aymeric eut un raté, une énergie nouvelle se répandit dans son corps alors qu'il bandait les muscles et serrait son épée à en faire pâlir ses jointures. Une tension pesante planait dans les bois. Aymeric percevait le regard des prédateurs sur lui, à travers des buissons épais. Un frisson lui hérissa les poils, signe avant-coureur du danger.
- Courrez, souffla-t-il.
Un vent de panique souffla sur leur groupe. Ils effectuèrent des pas amples vers l'arrière, sans tourner le dos au danger. La première créature bondit avec un rugissement, griffes dehors et gueule grande ouverte. Elle ressemblait à ce qu'Aymeric avait imaginé. Son pelage marron sombre se confondait parfaitement avec son environnement. Les muscles roulaient sous sa fourrure courte et lustrée. Il paraissait un peu maigre mais la faim le rendrait d'autant plus redoutable.
Aymeric s'attendait à être attaqué le premier mais la bête le contourna d'un bond souple : son regard ambré visait Ourania. La petite dragonne semblait en effet la plus frêle d'entre eux. Trois autres créatures bondirent hors de leur cachette, moins imposantes que la première. Elles se déployèrent à gauche et à droite, dans une tentative d'encerclement. Aymeric recula jusqu'à ses compagnons. S'isoler signifiait signer son arrêt de mort. Il allait apprendre à ces prédateurs que les humains savaient se défendre !
Ils formèrent instinctivement un cercle, face contre l'ennemi et lame en avant. Les félins tournaient autour d'eux tels des oiseaux de mauvais augure, sans oser attaquer. Ils jaugeaient leurs proies, évaluaient le danger.
Ils bondirent simultanément, sans doute dans l'espoir de briser leur cercle en provoquant l'effroi et leur stratégie fonctionna. Des mouvements de panique déchirèrent la formation, ils furent scindés en trois groupes. Le jeune homme se retrouva coincé avec Byron, Aerine, Hydronoé, Hermas et un autre garde explorateur du nom de Thaviel.
Le plus massif des félins se planta face à Aymeric en feulant tout bas. Leur regard se croisèrent et s'affrontèrent. L'animal rabattit ses oreilles vers l'arrière et dévoila plus largement ses crocs massifs d'un blanc assassin en arquant le dos. Aymeric déploya ses ailes et ses cornes en retour. Le félin bondit vers l'arrière, sensible à son intimidation.
Leur petit jeu du chat et de la souris dura jusqu'à ce qu'un second prédateur s'intéresse à leur petit groupe. Aymeric expira profondément et chercha la chaleur qui pulsait au creux de son estomac. Il la laissa remonter le long de sa peau en la hérissant au passage, jusque dans ses mains. Des éclairs crépitèrent, ce qui agaça passablement son adversaire.
Il bondit sur Aymeric, qui ne s'esquiva pas. Il attendit jusqu'au dernier moment sous se faufiler sous le ventre de la bête et lui administrer une décharge sévère. L'animal rugit et roula au sol en convulsant, le ventre noirci. Il dégageait une odeur de poil brûlé qui supplanta celle de la boue et de la végétation.
L'animal se remit sur pattes après un léger instant de confusion, trop vite à son goût. Ils s'apprêtaient à entamer leur seconde confrontation mais un cri terrible perturba le demi-dieu. En périphérie de son champ de vision, Byron glissa. Ou plutôt : on le tira au sol. La gueule d'une créature plus maligne s'était refermée autour de son mollet en profitant de la diversion offerte par l'affrontement entre Aymeric et son semblable.
L'explorateur hurla en s'étalant au sol. Aymeric se précipita mais la bête l'emportait déjà dans une traînée de sang. Byron hurla de douleur sans oser se débattre, les yeux écarquillés de terreur. Le félin se dirigea vers les profondeurs de la forêt avec sa proie gigotante.
Un hurlement inhumain surpassa les cris de colère ou de peur du groupe. Une gigantesque masse rouge émergea au beau milieu de la forêt, déracinant les arbres, brisant les branches. Un jet de flamme embrasa le fauve qui maintenait Byron prisonnier de ses crocs. L'animal abandonna sa proie pour se rouler dans la boue et étouffer les flammes en gémissant. Byron en profita pour ramper vers eux, la peur au fond des prunelles.
Les fauves délaissèrent les autres proies potentielles, trop robustes et regroupées, pour se jeter sur cet homme isolé et blessé. Les griffes entaillèrent la peau, le sang gicla et l'explorateur poussa des hurlements déchirants sans que quiconque ait le temps de le secourir.
Firenza, folle de rage, percuta le groupe de ses cornes, les chassa loin de son époux ensanglanté. Aymeric projeta des éclairs, Gébald et Sandor érigèrent des remparts de roche entre les prédateurs et le jeune homme au sol.
Le plus imposant parmi la meute ne l'entendait pas ainsi. Il escalada la pierre, se ramassa sur lui-même une fois à son sommet et se propulsa vers la gorge de Firenza. Les griffes glissèrent sur les écailles de la dragonne mais les crocs transpercèrent son armure rouge. Elle secoua follement la tête dans l'espoir de le décrocher mais il tint bon.
Le sang coula et s'écrasa autour de Byron qui tressaillait, le nez dans la boue. Aymeric tira son couteau de chasse hors de sa gaine et le projeta sur la bête. La lame s'enfonça dans la gorge de l'animal jusqu'à la garde. Il se tortilla encore malgré la douleur, puis ses muscles se relâchèrent. Il expira sans se décrocher de Firenza.
Les autres prédateurs, qui contournaient les remparts pierreux, se rigidifièrent. Ils observèrent leur semblable qui se balançait le long du cou sinueux de la dragonne, flasque. Ils laissèrent échapper des petits feulements rauques auxquels il ne répondit pas. Bien qu'excités par la perspective de la chasse, ils reculèrent avant de fuir d'où il venait.
Firenza se débarrassa du cadavre pendu à sa chair en l'arrachant avec sa patte. Tout le monde se précipita sur Byron, qui hoquetait, couvert de sang. Il pleurait à cause de la douleur, le visage maculé de rouge et de brun. Son uniforme, déchiqueté et imbibé de carmin, laissait voir les lacérations profondes qui zébraient sa chair en déversant un flot rougeâtre de mauvais augure.
Zacharie s'agenouilla à ses côtés et fouilla frénétiquement dans son sac. Il tira une fiole contenant un liquide à la couleur verte. Alaman l'aida à retourner le blessé le plus délicatement possible afin qu'ils lui administrent le contenu de la fiole.
- Qu'est-ce que c'est ? s'enquit Firenza avec agressivité.
- Un coagulant. Pour qu'il perde le moins de sang possible. Alaman, il faut que tu le dévêtisses.
Le rouquin s'exécuta. Il grimaça chaque fois que Byron hurla avec des sanglots dans la voix. Zacharie imbiba un morceau d'éponge avec de l'alcool et tamponna les plaies de Byron. L'explorateur gémit effroyablement, le visage torturé.
Le chevalier originaire du désert déroula ensuite une longue bande de tissu qu'il utilisa pour draper les blessures en les serrant avec force pour compresser le bord des plaies et retenir un peu de sang dans le corps pâle du jeune homme. Des fleurs rouges s'épanouirent sur le tissu, provoquant la détresse de Firenza.
- Patience, dit Zacharie. Le coagulant va faire effet. Il faut le ramener au campement, je pourrais mieux le soigner dans une zone sécurisée. Il a aussi besoin de chaleur et de repos.
- Je m'en charge, se proposa aussitôt la fille d'Ignaïré.
Elle attrapa délicatement son époux entre ses pattes avants, laissa Zacharie grimper sur son dos et décolla, ravageant les frondaisons. Aymeric sortit de sa surveillance attentive des environs uniquement quand Gordon déclara :
- Rentrons nous aussi : ils pourraient revenir.
Ils se hâtèrent de rebrousser chemin. Le brasero, allumé par les bons soins de Firenza, accueillit leurs âmes épuisées dans leur campement de fortune entouré de remparts. Ils se massèrent autour des flammes, les mains tendues vers la chaleur. Seuls Zacharie, Hermas et Alaman se rendirent au chevet de Byron, installé dans un des cabanons de pierre pour le préserver de l'humidité. L'absence de Firenza aux abords du camp sous sa forme de dragon signifiait qu'elle jouait les garde-malades auprès de son époux.
Les explorateurs s'activèrent avec la tombée de la nuit. Ils fermèrent l'entrée du campement, la barricadèrent et placèrent des torches enflammées sur les murs de défense.
- Ils vont revenir avec la nuit, expliqua Gédéon avant qu'Aymeric ne pose la moindre question. Ils sont friands de chair humaine. Nous sommes de grosses proies nourrissantes et moins dangereuses que les grands serpents venimeux. Le goût du sang va attiser leur appétit, tout comme la perte de leur mâle dominant. Nos remparts et le feu suffisent à les tenir en respect. Ils vont tourner autour de nous et repartir au petit matin.
Il ne se trompait pas : les félins arrivèrent au milieu de la nuit. Ils rôdèrent au pied du camp en grondant, furieux de l'obstacle qui les séparait de leur proie. Il n'en ferma pas l'œil de la nuit et s'autorisa une sieste avec le lever du soleil car la meute s'éloigna avec les ténèbres nocturnes. Il rejoignit Zacharie qui déjeunait à côté du brasero et dont la fatigue cernait les yeux noirs.
- Comment va Byron ?
- Son état est critique. Les plaies sont profondes et je n'ose pas parler de sa morsure au mollet...Il a perdu beaucoup de sang et la fièvre s'est installée dans la nuit. J'ai fait de mon mieux mais je crains que le reste ne dépende que de lui...
Ces mots détruisirent le moral d'Aymeric pour la journée et les autres ne se portaient pas mieux. Ils partirent pourtant à l'assaut de la forêt. La carcasse du fauve ne gisait plus au même endroit que la veille.
- Je mettrais ma main à couper qu'ils sont cannibales, marmonna Gédéon. Avec le peu de nourriture qu'ils ont, ils ne doivent rien gâcher.
Ils s'enfoncèrent à peine deux mètres plus loin que le lieu de l'attaque lorsque l'instinct de survie d'Aymeric s'éveilla.
- Ils reviennent !
Les prédateurs déboulèrent des fourrés avec autant de hargne que la veille. Les soldats battirent en retraite, peu désireux de ramener un nouveau grand blessé, ou pire, au camp. Les carnivores les poursuivirent, freinés par les bourrasques et les obstacles de pierre des dragons d'air et de terre. Ils s'enfermèrent dans le campement, sain et sauf.
- Nous ne pouvons pas continuer comme ça, s'énerva Venerika.
- Un changement de stratégie s'impose, soupira Hermas. Il est clair que ses bêtes n'apprécient pas nos incursions sur leur territoire. Nous devrions contourner la forêt et entrer par l'arrière, même si nous perdrons un temps précieux. Sinon nous ne retrouverons jamais les jumeaux et leurs dragons.
- S'ils ne sont pas déjà morts, lâcha Gédéon avec pessimisme.
Ils ruminèrent leur échec toute la journée. L'état de Byron empira, ses chances de survivre s'amenuisaient. Ils essuyèrent échec après échec les jours suivants. Peu importe où ils tentaient une percée dans la forêt, les félins leur barraient toujours la route. Une seule solution s'imposait même s'ils rechignaient à l'employer face à cette espèce unique au monde dont la population ne devait pas dépasser cinquante.
- Nous devons les abattre, annonça Gordon alors qu'ils mangeaient de la viande séchée autour du brasero.
- Vous n'y pensez pas ! s'offusqua Thaviel. Cette espèce est unique, si rare ! On ne la trouve nulle part ailleurs !
- Les jumeaux et leurs dragons sont uniques eux aussi, contra Taha.
- Le monde court à sa perte à cause d'eux ! tempêta l'explorateur. S'ils pouvaient mourir sur ces îles, ça arrangerait nos affaires !
- Ce ne sont que des enfants ! rugit Venerika. Peu importe la destinée que les tablettes de pierre prétendent leur conférer, ils méritent de vivre !
- Pour mourir dans un peu moins d'une vingtaine d'années ? La belle affaire ! Autant abréger leurs souffrances dès à présent !
- Si la prophétie dit qu'ils vivront alors ils vivront, fit justement remarquer Kardia.
- La prophétie ? Laissez-moi rire ! Ce n'est qu'un ramassis de connerie ! s'emporta Thaviel. Rien de plus qu'un manuel pour lutter contre la fin du monde ! L'avenir n'est pas gravé dans la roche ! Nous pourrions tout arrêter maintenant, en laissant mourir ces enfants ! Traitez-moi de fou, d'être cruel dépourvu d'humanité ! Mais dans quelques années, nous nous en mordrons tous les doigts !
Il regagna sa tente d'un pas furibond. La discussion s'arrêta là à propos des enfants. En revanche, Zacharie déclara avec sa tranquillité coutumière :
- Il existe un moyen de nous débarrasser des bêtes sans les tuer. J'ai avec moi des plantes qui, bien mélangées, deviennent un puissant sédatif. J'ai aussi des aiguilles. Si nous les trompons dans le produit avant de les planter dans la peau des fauves, ils s'endormiront rapidement et pour longtemps.
- Et par quel miracle pourrons-nous les piquer ? Et combien de temps resteront-ils assoupis ? le questionna Gédéon avec scepticisme.
- Je sais fabriquer des sarbacanes, le renseigna le chevalier à la peau sombre sans se départir de son calme apaisant pour leur groupe sur les nerfs. Si je dose bien le sédatif, ils dormiront durant six bonnes heures. De quoi nous permettre de nous enfoncer dans la forêt pour mener notre exploration à bien.
Il s'appliqua à la réalisation de son plan dès le lendemain matin, épaulé par le groupe. Cela leur permettait d'oublier l'état de Byron, dont Firenza ne quittait pas le chevet. L'explorateur, plongé dans une fièvre délirante, demeurait entre la vie et la mort.
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Chevalier dragon, tome 4 : La guerre d'Amaris
FantasyDepuis la disparition de Lysange, Aymeric n'a qu'une idée en tête : la retrouver. Cela l'amènera à coopérer avec une vieille connaissance afin d'infiltrer le repaire du dragon rouge et sauver sa compagne. Cependant le temps presse et la fin du monde...