Chapitre 64 : Un dernier espoir

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Willow atteignait le cœur du combat entre les soldats de l'armée commune et les assassins lorsqu'il vit Liorah sombrer depuis les cieux obscurs, droit vers le sol dévasté. Deux silhouettes minuscules, à peine plus grosses que des points noirs, chutaient dans son sillage. Deux êtres minuscules accrochés l'un à l'autre qui sombraient vers la mort. Il n'avait pas besoin de voir leur visage pour deviner leur nom. Sa gorge se serra, il en oublia les affrontements sanglants autour de lui.
Les démiurges se contorsionnèrent dans le ciel, Noximence poussa un rugissement assourdissant. Omphale secoua l'épaule de Willow et lui cria quelque chose qu'il n'entendit pas, obnubilé par la chute de Nerva et Kalam. Il envisagea de courir vers eux, même s'il ne pourrait jamais les sauver. Il envisagea aussi d'envoyer Aurélius les cueillir en plein vol mais son frère d'âme n'arriverait jamais à temps. Il savait, à la manière dont Liorah tombait tel un pantin sans vie, les yeux mi-clos, qu'ils étaient déjà morts. Tous les trois.
Le choc le fit vaciller. Sa respiration s'emballa et sa vision se troubla. Ce qu'il redoutait se produisait. Où étaient les dieux et leurs champions ? Où étaient les fameuses armes capables de repousser les démiurges loin d'Amaris ? Tout allait de mal en pire, les cadavres s'accumulaient et leurs défenses faiblissaient. Seul Umbriel et Meng Yi volaient encore avec une ardeur redoublée, furieux à cause de la mort de leurs jumeaux. Un dragon noir contre les créateurs du monde, les chances basculaient du côté des démiurges.
Mais quand parviendraient-ils à abattre le dragon noir et sa sœur ? Combien de morts supplémentaires avant que la fureur de Noximence et Phosphoméra s'apaise enfin ? Est-ce qu'il allait rester les bras croisés ? Attendre des renforts inexistants ? Laisserait-il Umbriel et Meng Yi, tout ce qui lui restait de son plus proche confident, mourir sans agir ? Pouvait-il seulement le sauver ?
- N'intervient pas ! Hurla Omphale. Est-ce que tu m'entends ?
Il ne répondit pas, énervé. On lui disait quoi faire depuis sa naissance. D'abord Amagmalion, puis sa famille...Qui se souciait vraiment de ce que lui désirait, de son point de vue sur cette situation déplorable ?
- Willow, ne va pas affronter les démiurges ! Aurélius est déjà affaibli, si jamais tu le pousses jusqu'à sa limite...
Elle ne termina pas sa phrase mais la crainte informulée de sa jumelle n'émut pas le jeune homme : c'était son rôle, son devoir. Il protégerait les siens, peu importe le prix à payer.
- Je vais y aller, avec Aurélius. N'essaie pas de m'arrêter.
- Mais papa a dit...
- Quel âge est-ce que tu as ? Cinq ans ? La coupa-t-il froidement. Personne ne viendra Omphale ! Les dieux ne sont pas là, les champions sont impuissants sans leurs armes ! Tout s'effondre et tu veux que je me plante sagement au milieu du champ de bataille pour observer la fin du monde ? Les ordres ne tiennent plus si le plan fout le camp, c'est aussi simple que ça ! Alors laisse-moi agir avant qu'on meure tous !
- Ils vont arriver, le supplia sa sœur. Ce n'est qu'une question de temps, attend encore un peu, rien qu'un peu !
Il s'apprêtait à lui crier que l'attente allait le tuer plus efficacement que la colère des démiurges mais un hurlement bestial et guttural venu du ciel l'en empêcha. Noximence, les ailes étendues et le cou dressé vers eux, imposait sa présence plus que jamais. Une boule lumineuse gonfla dans le fond de sa gorge. Elle palpitait sous sa peau et remonta le long de son cou. Willow saisit la main de sa sœur, prêt à battre en retraite.
Noximence renversa sa gueule titanesque vers l'arrière. Le rayon lumineux n'était pas noir comme les précédents mais d'un étrange ocre sombre. Il éclata dans le ciel en onde lumineuse, éclairant les nuages obscurs comme un coup de tonnerre. Il se dissipa aussi vite qu'il avait jailli et le dragon noir reprit sa chasse derrière Umbriel. Loin de se rassurer, Willow s'inquiéta de plus en plus. Une boule lui noua les entrailles et son instinct lui cria l'arrivée d'un danger imminent.
La première pierre enflammée traversa la couche nuageuse et lui arracha presque un cri de surprise. Les têtes se levèrent vers le haut et les doigts pointèrent l'anomalie avec une frayeur croissante.
- Des météores, murmura Omphale.
-Des quoi ?
- Alya est passionnée par l'espace et les étoiles. Elle pense que les étoiles filantes sont morceaux de roche qui se sont détachés d'une planète ou d'une étoile et qu'ils s'enflamment à cause de la vitesse. Elle n'est pas encore très sûre de sa théorie et beaucoup de savants d'Alembras lui ont ri au nez lorsqu'elle l'a présenté mais maintenant...
Willow n'avait jamais entendu parler de météores ou de pierres en feu dans le ciel. Ce que lui révélait sa jumelle relevait plus de la magie que de la science à ses yeux et cette magie le terrifiait.
Trois autres boules de feu jaillirent du ciel. Les soldats et les rares assassins en vie cessèrent aussitôt le combat. Une terreur brute se répandit dans les rangs et il ne restait plus qu'un seul mot d'ordre : survivre. Ils se dispersèrent en criant, les yeux exorbités. Certains abandonnèrent leurs armes derrière eux, d'autres détachèrent les pièces de leur amure pour s'alléger. Un homme se mit même à genoux pour prier, persuadé que sa dernière heure arrivait.
Willow entraîna Omphale, son instinct bombardé de signaux. Il pressentait où les météores s'impacteraient et visualisait déjà les dégâts qu'ils produiraient en s'écrasant. Les gerbes de terre, les corps en morceaux, le feu...
Le tout premier, de la taille d'un dragon, s'écrasa alors qu'ils étaient encore sur le champ de bataille. Il s'enfonça violement dans la boue meuble. La secousse produite par son arrivée provoqua un tremblement de terre et Willow vacilla sur ses jambes. Il tira sa sœur contre lui pour lui éviter une collision fatale avec une pierre de la taille de sa tête. Le météore, en s'écrasant, avait projeté des éclats rocheux mortels pour quiconque entrait dans leur trajectoire.
Une dizaine d'autres météores illuminèrent le ciel. Les démiurges les esquivaient en dépit de leur taille gigantesque, comme s'ils étaient coutumiers de ces corps célestes mortels. Une peine aussi soudaine qu'inhabituelle se déclencha dans la poitrine de Willow. Il chercha Aurélius du regard : son jumeau pleurait. Loin de s'affoler de la chute des pierres enflammées, il observait la plaine défigurée par les cratères, ses grands yeux dorés humides de larmes.
Tout meurt Willow, dit-il mentalement avec chagrin. Rien ne subsistera...
Il y a encore de l'espoir, mentit le jeune homme.
Tu n'y crois pas plus que moi. Le monde sombre, la fin est proche.
Sa détresse embua presque le regard glacé de Willow. Au lieu de ça, il serra les dents et lâcha Omphale pour se précipiter vers son frère. Il grimpa sur son dos mais sa jumelle attrapa sa botte et cria :
- Arrête ! Ne pars pas ! Ne nous laisse pas !
Apeurée, les yeux écarquillés, elle ne ressemblait plus à l'adulte mature et sûre d'elle qui régnait d'une main de maître sur la bibliothèque de la forteresse.
- Je suis désolé Omphale, dit-il en enlevant les doigts crispés de sa jumelle avec douceur. Le temps est venu pour moi de remplir ma part du contrat. On a tous une mission ici, avant que Bouklipon nous rappelle à lui. La mienne se présente maintenant.
- Tu n'as pas le droit...
- Dans cette vie j'ai tous les droits, dont celui de vous protéger. Je t'aime Omphale. Si je ne revois pas nos parents après ça, tu pourras leur dire que je les aime aussi ?
- Ne me laisse pas...
Willow attrapa la main tremblante de sa jumelle dans la sienne. Il la pressa fort, pour lui transmettre du courage. Puis il la retira à regret, navré de la découvrir si fragile sans sa présence.
- Tu es prêt Aurélius ?
Ma venue dans ce monde devait conduire à ce jour. Je n'ai pas peur de me sacrifier.
Tu ne t'en iras pas seul, lui glissa mentalement Willow pour éviter qu'Omphale l'entende.
Ils décollèrent et le cœur de Willow s'apaisa sous les assauts du vent. Si on oubliait les météores qui enfumaient l'air pour mieux détruire les continents et les démiurges à la poursuite d'Umbriel, il retrouvait ce brin de liberté qui lui faisait défaut sur terre.
Ils s'élevèrent jusqu'aux démiurges à toute vitesse. Aurélius mesurait la taille d'un dragon ordinaire et pourtant les créateurs du monde tournèrent la tête dans sa direction à son approche, une lueur craintive dans le regard. Ils se détournèrent d'Umbriel et Meng Yi, attirés par cet adversaire plus dangereux.
Willow se prépara au grand final. L'excitation éclipsa la peur à mesure que Noximence et Phosphoméra fondaient sur eux. Énormes, la gueule ouverte et plus noire que les abysses, leurs crocs d'un blanc ivoire brillaient sinistrement. C'étaient des ennemis comme il n'en avait jamais affronté, les créateurs du monde. Aurélius avait-il vraiment le pouvoir de les repousser ?
- Écarte-toi, dieu endormi ! rugit une voix enragée derrière lui.
Aurélius se décala juste à temps pour libérer le passage à un dragon noir et rouge avec une épée dans la gueule. Willow écarquilla les yeux : que faisait son père ici ?! Était-ce l'épée imprégnée du fragment divin de Praeslia entre ses crocs ?
Willow jeta un œil par-dessus son épaule. Praeslia le dépassa, gigantesque sous sa forme d'origine. Elle poussa un rugissement bestial et des éclairs s'abattirent sur les météores. Trois d'entre eux éclatèrent en pleins ciel mais les autres continuèrent leur course incendiaire.
D'autres dragons de sa taille et de différentes couleurs suivaient, tous accompagnés d'un humain armé d'une épée. Willow reconnut sa mère, Zacharie ou encore le roi d'Ondre. Ils les dépassèrent sans se soucier d'Aurélius et de lui, débordants de détermination. La pluie tomba après le passage de Windavic et Aquibos, intense.
Les doigts de Willow se mirent à glisser sur les écailles dorés d'Aurélius, qui brillaient avec une ardeur redoublée.
Tu reprends des forces ? S'étonna le jeune homme.
La présence de mes frères et sœurs augmente ma puissance. Je me sens...capable de tout.
Willow le croyait sur parole car son frère luisait de plus en plus à mesure que le temps passait, comme si une lumière l'illuminait de l'intérieur. Ils s'écartèrent pour esquiver un météore, sans perdre l'escadron des dieux et des champions du regard.
Ceux-ci attaquèrent Noximence et Phosphoméra sans une once d'hésitation. Les épées, à peine des échardes à l'échelle des démiurges, leur infligèrent cependant des blessures assez conséquentes pour que les créateurs du monde saignent, renforcées par l'essence divine des enfants des créateurs du monde.
Un fluide noir mêlé de filets argentés s'écoula des plaies, les démiurges rugirent de colère à l'unisson et passèrent à l'offensive. Les dieux piquaient, remontaient, viraient de l'aile pour protéger leurs champions. Les faisceaux mortels des démiurges déchiraient le ciel, ravageaient la terre. Les pattes, le cou et le dessous du ventre maculés de coupures, les dieux primordiaux semblaient encore plus terrifiants. Willow percevait leur désir de vaincre les champions pour rejoindre Umbriel et l'éliminer.
Aymeric coordonnait les attaques et les déplacements des autres dieux autour de Noximence et Phosphoméra. Praeslia le secondait et leur stratégie avait un air de ballet aérien, aussi gracieux que mortel. C'est alors qu'un premier rayon faucha Zacharie.
Distrait depuis le début de la confrontation, il ne vit même pas l'attaque arriver. Bouklipon lui cria un avertissement auquel il réagit trop tard. Il eut à peine le temps de voir la mort en face, juste avant qu'un rayon d'un blanc aveuglant l'éradique. Seule son épée résista à la puissance du rayon et tournoya dans le vide.
Bouklipon poussa un cri de douleur, le dos blessé par l'attaque de sa propre mère. Il perdit de l'altitude, un grondement de douleur dans la gorge. Les autres dieux hurlèrent leur frustration et Willow pesta. Zacharie aurait la chance de se réincarner, ce qui n'était pas le cas d'autres champions si les démiurges les fauchaient.
Zolan subit un sort plus favorable que la mort. Contraïnon, sur le dos duquel il infligeait des ravages aux démiurges mutilés, ne serra pas assez en effectuant un brusque virage. Le feu de Noximence les frôla, Zolan hurla : son bras droit n'existait plus, carbonisé. Il ne demeurait qu'un moignon ensanglanté avec le blanc de l'os sectionné au milieu. Il s'évanouit sous le coup de la douleur, à demi-affaissé sur le dieu de la justice.
Celui-ci rugit d'inquiétude et piqua vers la terre, délaissant la bataille. Presalia et Aymeric modifièrent la composition du ballet, de plus en plus réduit.
Willow retint son souffle lorsque roi de Talenza chuta du dos de Gaïara. Le roi, plus habitué à chevaucher un équidé d'un dragon, n'était pas à l'aise depuis le début des affrontements. Moins assuré que les autres champions et crispé, sa chute n'était qu'une question de temps. Le jeune homme l'imagina déjà s'écraser au sol dans une mare de sang, les membres disloqués et tordus. Gaïara réagit trop tard à la disparition de son champion. Un rayon blanc l'empêcha de piquer à sa suite pour le récupérer et elle rugit de détresse.
Une main salvatrice attrapa le poignet du roi de Talenza qui hurlait sans lâcher son épée pour autant. Orionle hissa contre lui et s'envola jusqu'à la déesse de la fertilité. Willow soupira presque de soulagement tandis que le monarque étreignait son général d'un geste rapide pour le remercier de ce sauvetage. Les deux hommes échangèrent quelques paroles avant que Lothaire regagne le dos de Gaïara. Orion effectua un demi-tour rapide, porté par les vents.
Le faisceau noir qui le faucha semblait provenir de nulle part : Orion nele vit même pas. Il disparut à l'intérieur et lorsque Noximence cessa de cracher son feu noir, il ne subsistait plus rien du général de Talenza.
Le cri déchirant de Lothaire parvint à chaque champion encore en vie, tout comme celui de Windavic. Le roi était livide, le visage décomposé. Il fixait l'endroit où se tenait son bras droit un battement de cœur plus tôt, à présent vide. Il serra les poings et leva un regard brûlant de haine en direction de Noximence.
Il cria quelque chose à Gaïara, sans doute de se rapprocher du dieu primordial noir afin de venger son général. La déesse accéda à sa requête et slaloma entre les rayons noirs et blancs pour approcher son géniteur.
Aymeric et Praeslia modifièrent la formation des champions afin qu'ils escortent le roi Lothaire et l'empêchent de mourir sous le coup de la rage.
Plus ils approchaient les démiurges et plus les risques se multipliaient. Un rayon frôla dangereusement Lysange et un autre toucha Ignaïré à l'aile droite. La déesse du feu gronda en vacillant avant de se stabiliser et de reprendre son vol. Agradios, le plus lent des dieux une fois dans les cieux, n'eut pas la chance de sa sœur. Un faisceau le toucha frontalement et engloba son large corps marron. Il poussa un rugissement de douleur qui fit écho au cri d'agonie de Gordon.
Le dieu de la terre s'en tira avec de graves brûlures et perdit de l'altitude. Son champion n'était plus et son arme dégringolait dans le vide. Willow la suivit du regard et la vue du sol lui infligea comme une claque. La terre était labourée de toute part, éventrée par les attaques incessantes des démiurges. Des tâches entre le rouge et le marron indiquait les zones où de pauvres erres avaient rendu leur dernier souffle avant que les faisceaux des dieux créateurs ne les emportent.
Willow chercha une tâche blanche du regard, un infime indice de la présence de sa sœur. A cette hauteur il ne parviendrait pas à la distinguer car les humains encore vivants n'étaient pas plus gros que des points noirs en train de s'éparpiller dans toutes les directions.
Un poids lui tomba au fond du ventre .Et si Omphale se trouvait déjà parmi un de ces tas brun-rouge ? Si elle n'était plus que cendres et charpies ? Si elle n'avait pas réussi à survivre mais que lui réchappait à cette guerre ?
Il s'en voudrait éternellement. Sa jumelle, la meilleure moitié d'eux, morte avant lui. Si par chance elle respirait encore, tout pouvait basculer dans un avenir proche. Il posa les paumes sur les écailles chaudes d'Aurélius. Ils étaient restés spectateurs de cette sombre bataille trop longtemps.
- Tu es prêt mon frère ?
Je me demandais quand tu allais poser la question, lança Aurélius d'un ton à la fois terriblement doux et résigné.
- Alors il est temps.
Le dragon doré s'élança comme une flèche en direction des démiurges. La chaleur dégagée par ses écailles augmenta au fur et à mesure, sans brûler Willow pour autant. Il se sentait à sa place, serein en dépit d'une petite pointe d'anxiété pour son frère d'âme. Ils dépassèrent les dieux, même Windavic. Personne ne pouvait plus les stopper, sauf un seul et unique acharné qui continuait de croire qu'il arriverait à sauver son fils.
- Willow !
La voix grondante de son paternel laissa le jeune homme de marbre.
- Ne va pas plus loin ! Arrête ! Nous avons la situation en main !
Willow fit la sourde oreille. Il ne changerait plus d'avis et il ne se rangerait plus à celui des autres.
- Je t'en prie !
La supplique de son père n'ébranla pas sa décision mais le toucha au cœur. Il regarda par-dessus son épaule pour graver une dernière fois dans son esprit l'image de ce majestueux dragon rouge aux yeux bleu glace, celle de son père.Il lui sourit avec toute la chaleur dont il était capable, un vrai sourire d'amour et de fierté. A cet instant-là, il était heureux.
Preslia s'interposa entre eux pour empêcher son père de le poursuivre.
- Laisse-le mon fils : il a choisi son destin.
- Il va mourir ! S'emporta son père.
- Alors ne pleure pas car il mourra sur un champ de bataille. Willow est un guerrier et un de mes descendants, la mort ne l'effraie pas. Aymeric, ne l'empêche pas de nous sauver ou tout mourra.
Son père rugit de mécontentement et essaya de passer en force. Praeslia le repoussa d'un coup de patte qui le fit reculer de plusieurs mètres. Le reste de leur confrontation se déroula loin de Willow. Les dieux primordiaux cessèrent leurs ravages, attirés une deuxième fois par Aurélius et son aura aveuglante.
Le dieu endormi, auréolé d'une lumière chatoyante, se dressa face à Noximence et Phosphoméra en rugissant. Les créateurs du monde grondèrent tout bas et courbèrent l'échine face à ce dragon plus petit qu'eux mais capable de les blesser mortellement.
Willow fit le vide dans son esprit. Il se concentra sur l'instant présent et ouvrit ses sens au monde. L'odeur lourde de l'orage lui piqua les narines, le noir obscur des nuages en mouvement hypnotisa ses yeux bien plus que l'approche de Noximence et Phosphoméra. Des cris diffus montaient de la terre ferme, d'autres provenaient des dieux et des champions. Il avisa une ombre à sa gauche :Umbriel et Meng Yi piquaient droit sur les démiurges, les yeux remplis de ténèbres. Willow eut un sourire contrit.
Le vent sur sa peau, les battements calmes de son cœur, la tension des muscles sous la peau écailleuse de son jumeau...Il percevait tout. Il ne vivait plus dans le monde, il vivait le monde. Il soupira d'aise et prit une dernière inspiration, chargée des odeurs de la guerre.
Aurélius ouvrit les ailes face aux démiurges et son éclat aveugla le jeune homme. Une onde de choc le traversa sans le blesser et se répandit aux alentours. Le ciel vibra à son passage et elle toucha les démiurges de plein fouet, ainsi qu'Umbriel et Meng Yi. Le dragon noir et sa jumelle partirent en fumée sans avoir le temps de souffrir. Noximence et Phosphoméra se tordirent de douleur. Des plaies s'ouvrirent sur leur corps, leur sang s'écoula en vagues sombres.
Willow n'aperçut que les premières secondes de ce spectacle macabre. La faiblesse d'Aurélius le percuta et il s'écroula sur le cou de son jumeau. Les écailles d'Aurélius avaient viré au gris terne et son frère d'âme cessa de battre des ailes.
La tête de Willow lui tourna, ses forces l'abandonnèrent et il plongea dans le néant. La vie d'Aurélius s'éteignit avant la sienne et ce fut comme si on lui arrachait un morceau de son âme. Le choc le fit sombrer dans une profonde inconscience préférable à la vie.
Il ne sentit même pas les pattes qui l'attrapèrent pour lui empêcher une collision mortelle avec le sol.

Chevalier dragon, tome 4 : La guerre d'AmarisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant